Premier président démocratiquement élu de Guinée, Alpha Condé a entrepris en six mois de pouvoir plusieurs réformes, en particulier des secteurs de la sécurité et des mines, mais a gardé dans son entourage les caciques du régime de Lansana Conté, ce qui est mal compris.
"Son entourage désoriente les Guinéens", affirme Aziz Diop, secrétaire exécutif du Conseil national des organisations de la société civile de Guinée (CNOSC) qui ajoute: "Le président ne s'est pas préparé à commander, il n'a pas de cadres capables de l'aider et a du mal à identifier les bons".
Alors, Alpha Condé, opposant historique à tous les régimes dictatoriaux de Guinée qui n'a jamais participé à un gouvernement jusqu'à son élection en novembre 2010 suivie de son investiture le 21 décembre, "s'accomode de ceux du régime Conté, spécialistes en cleptomanie", selon M. Diop.
Le général Lansana Conté a dirigé la Guinée de 1984, année du décès de Sékou Touré ,"père de l'indépendance" en 1958, jusqu'à sa mort en 2008: son règne a été marqué par une corruption dévastatrice pour le développement du pays et d'innombrables atteintes aux droits de l'homme.
Un choix d'autant plus incompréhensible, selon Mamadou Taran Diallo, président de l'Association guinéenne pour la transparence (AGT), contact national de Transparency International, que "le résultat de leur expérience, c'est le soulèvement du peuple en 2007 contre le système de gestion pourrie de Conté".
Un soulèvement réprimé dans le sang qui s'est soldé par environ 200 morts, principalement à Conakry, selon des sources indépendantes.
Pour se justifier, le président Condé "a dit que ces gens ne gèrent pas, que ce sont des conseillers, mais c'est plus grave, car ce sont les conseillers qui font l'opinion du chef et forment les décisions", souligne M. Diallo.
Il affirme que ce choix a été dicté par des raisons "électoralistes", Alpha Condé ayant eu besoin des voix de la Basse Guinée (ouest) d'où étaient originaires la plupart des cadres du régime Conté, pour battre son adversaire Cellou Dalein Diallo au second tour de la présidentielle du 7 novembre 2010. Il fallait les récompenser de leur soutien.
Or, "le président n'ayant jamais dirigé, il avait les coudées franches, pouvait avoir la main lourde pour lutter contre la corruption et gérer dans la transparence", estime Mamadou Taran Diallo.
Selon lui, "pour l'image de l'Etat, il faut nommer des gens sur lesquels ne pèsent aucun soupçon: il faut des gens propres au sommet de l'Etat".
Moustapha Naité, directeur du Patrimoine bâti public, proche du président Condé, réfute ces arguments: "Ceux qui ont gouverné, on est obligés de discuter avec eux, c'est une preuve d'intelligence, un choix méthodologique, pour comprendre pourquoi ça n'a pas marché".
Il rappelle que le slogan de campagne d'Alpha Condé, était "Ensemble changeons la Guinée", ce qui implique que "ceux qui ont géré, comme ceux qui n'ont pas géré" doivent agir ensemble. "Il ne veut exclure personne" et "a fait appel à tous dans sa volonté de réconcilier la Guinée", ajoute M. Naité.
Mais, affirme Aziz Diop, "rien n'a été fait" pour la réconciliation, en dépit de l'annonce de la création d'une Commission vérité et réconciliation chargée de faire la lumière sur les crimes des régimes dictatoriaux précédents, qui n'a toujours pas entamé ses travaux.
"Il est urgent que le président demande pardon à tous les Guinéens au nom de l'Etat et que les victimes soient dédommagées", dit-il.
Sinon, Aziz Diop avertit: "si rien n'est fait avant les législatives (théoriquement prévues fin novembre), on va basculer dans la violence. Les militaires sont aux aguets". - AFP