Le 16 Avril, le groupe Balafon Ouest Africain, dirigé par la guinéenne Kadiatou Conté, une ancienne du Ballet National Djoliba est invité par Dominique Strauss-Kahn au siège de la Banque Mondiale pour offrir un concert gratuit, lors des réunions de printemps à Washington. DSK prend la parole, remercie l’audience pour son appréciation de la diversité culture. Il réitère son engagement à ouvrir les portes du FMI à toutes les cultures du monde, demande aux invités de s’amuser mais qu’il doit repartir dans son bureau pour travailler. Il était presque 20 heures.
Dans la journée, DSK était la star à la conférence de presse, suivie par AfricaLog.com. Les sondages le place en tête de la prochaine présidentielle française. Il fait un clin d’œil à l’Afrique en évoquant l’impact de la flambée des prix des denrées alimentaires, le coup de l'énergie sur la faible création d’emplois. Pour lui, l’Afrique a besoin d’une croissance à deux chiffres pour diminuer le taux de chômage.
DSK à la conférence de presse lors des réunions de printemps de la Banque Mondiale à Washington.
Les Guinéens sont doublement concernés par l’affaire DSK. Ce dénouement, prévisible ou pas, ne déplairait pas forcément à tous les Guinéens. Disons à une bonne partie d’entre eux, au regard de ces révélations ahurissantes contre Nafissatou.
Puisque Dominique Strauss-Kahn, a aussi ses attaches en Guinée. Un DSK qui, dans les fonctions qu’il a antérieurement occupées à Paris et à Washington, s’est souvent montré sensible à la cause de la Guinée.
Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie du gouvernement Lionel Jospin, c’est un guinéen [Stéphane Kéita] que choisit DSK comme chef de Cabinet. Il faut rappeler que Stéphane Kéita, énarque franco-guinéen, est le deuxième enfant du défunt commissaire de police Kéita Kara Dessoufiana (l’un des quatre pendus du pont du "8 novembre", en janvier 1971). Stéphane est le neveu de DSK dont la sœur aînée a été la première épouse de Kara Kéita Dessoufiana. C’était, avant l’indépendance de la Guinée ; alors que ce dernier servait dans la police française.
Une parenthèse. Le technicien de la radiodiffusion nationale, Aboubacar Kara Kéita est le premier à informer ses collègues de travail de la présence de ce guinéen, qui est le deuxième fils de son père, au cabinet de DSK. Aboubacar Kara Kéita, fils de feu Kara Kéita Dessoufiana avait en main, ce jour, un exemplaire du journal "L’autre Afrique" qui présentait ce jeune franco-guinéen. Il était tout joyeux et tout fier. Naturellement, sans entrer dans les détails des liens avec Dominique Strauss-Kahn. Le savait-il, lui-même, à l’époque ! Oui. Car, depuis ce jour, un confrère célèbre de la place appelle par moments, Aboubacar Kara Kéita du sobriquet de "DSK".
Haut fonctionnaire donc à Bercy [ministère des finances] et ancien chef de cabinet de DSK, Stéphane Kéita a de nombreux frères et sœurs guinéens de même père et par extension, ces derniers sont aussi considérés comme des nièces et neveux [par alliance] de DSK. C’est ainsi que se comprennent les liens de parenté en Afrique. Quoique l’on en pense en Occident.
Ces nombreux neveux et nièces, qui n’ont jamais cru aux accusations de Nafissatou Diallo, avaient, de leur côté, constitué le front de soutien à DSK en Guinée, à la SIG Madina, quartier populeux de Conakry où habite la famille Kara Kéita, ainsi qu’à Balato, leur village d’origine dans la préfecture de Kouroussa en Haute-Guinée. Surtout qu’ils apprennent que l’ancien Maire de Sarcelles, entre 1995 et 1997, s’était montré bienveillant à l’égard des Guinéens qui habitaient sa commune. DSK avait même recruté certains d’entre eux, qui étaient en règle, comme policiers municipaux.
Au niveau des personnalités, les anciens ministres des affaires étrangères, Lamarana Bah ou Mamady Condé et d’autres ont souvent témoigné de l’attachement de DSK à la Guinée.
DSK et la presse lors des réunions de printemps de la Banque Mondiale à Washington.
En 2007, après la nomination de Lansana Kouyaté dans les fonctions de Premier ministre, DSK, en tant que directeur général du FMI, a usé de tout son poids afin que la Guinée, sans aucune période d’observation qui est la pratique courante dans cette institution, bénéficie du programme formel, comme le firent, en 1996, Michel Camdessus et Alassane Dramane Ouattara, alors, respectivement, directeur général et directeur général adjoint du FMI, pour leur ami Sidya Touré, fraîchement nommé Premier ministre de Guinée à l’époque. DSK avait rétorqué au Premier ministre Lansana Kouyaté en ces termes : « Notre pays », parlant de la Guinée. Et pour cause. M. Kouyaté qui énumérait les difficultés économiques et financières de son pays au directeur général du FMI, disait : « mon pays… ». Carrément, Dominique Strauss-Kahn rectifiera : « notre pays… », avant de lui promettre le programme. C’est tout dire, quant à l’attachement de cet homme à la Guinée.
Ce programme accordé en 2007 et qui était la relance de celui de 1996 dont avait bénéficié le gouvernement Sidya Touré, devait enfin permettre à la Guinée d’atteindre, en fin 2008, le point d’achèvement de l’initiative PPTE, avec un effacement ou allégement de sa dette extérieure à hauteur de 2 milliards 500.000 dollars US.
Malheureusement, nos instabilités politiques, surtout la mauvaise gouvernance qui a suivi cette période, ont retardé cette perspective économique et financière qui aurait constitué une véritable bouffée d’oxygène pour la Guinée. Toutefois, avec DSK resté au FMI jusqu’au scandale présumé ou réel, les chances pour la Guinée d’atteindre le point d’achèvement de l’IPPTE ont demeuré.
On comprend aujourd’hui, les récentes sorties du Président Alpha Condé. Le Chef de l’Etat qui faisait part de sa double peine pour un ami politique, membre de l’internationale socialiste (DSK) et pour une compatriote (Nafissatou Diallo).
Certains extrémistes, ne jurant que par l’ethnie, ont vite fait de mettre sur la place publique la profondeur des divisions communautaires en Guinée, c’est bel et bien l’image de cette Guinée qui est discréditée, salie, tachetée.
En conclusion, la leçon qui se dégage de cette affaire pour les Guinéens, c’est qu'il faut de la retenue, une dose de prudence dans nos prises de position.
Comme pendant la dernière présidentielle, quand chacun des Guinéens a préféré son parent au programme politique des candidats, le soutien ou non à Nafissatou Diallo est surtout dicté par des considérations d'ordre ethnique.
Il est temps que les Guinéens transcendent ces clivages s'ils veulent construire une nation valorisant la compétence, l'intégrité et le patriotisme au-dessus des arrière-pensées tribales dont les effets ont causé des drames sous d'autres cieux.
Souvenons-nous de la déchéance de la Yougoslavie. Donc attention…
AfricaLog.com