Le régime libyen a accusé mardi l'Otan d'avoir tué 85 civils dans des raids aériens contre un village proche de la ville disputée de Zliten à l'est de Tripoli, au moment où le limogeage du gouvernement rebelle a fait éclater au grand jour les difficultés du mouvement.
Dans une première réaction, l'Alliance atlantique a affirmé que ces bombardements avaient visé dans la nuit de lundi à mardi des bâtiments utilisés à des fins militaires et souligné pas avoir de preuve de la mort de civils.
Les raids ont été menés sur le village de Majer, au sud de Zliten, ville à 150 km à l'est de Tripoli, a déclaré un porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, à un groupe de journalistes emmenés sur place.
"Le village a été attaqué pour permettre aux rebelles d'entrer à Zliten par le sud", a-t-il dit, en faisant état de la mort de 33 enfants, 32 femmes et 20 hommes, issus de douze familles.
"Après les trois premières bombes tombées vers 23H00 (21H00 GMT) les habitants ont couru vers les maisons bombardées pour sauver leurs proches. Ils ont été frappés par trois autres bombes", a-t-il ajouté en dénonçant un "massacre".
Les journalistes ont pu voir quatre maisons totalement ou quasiment détruites. Elles l'ont été par les raids, ont indiqué des responsables locaux en affirmant qu'il y avait toujours des corps sous les décombres. Mais une seule pelleteuse était visible, et elle était à l'arrêt.
A la morgue de l'hôpital central de la ville, une trentaine de corps dont ceux de deux enfants et d'une femme ont été montrés aux journalistes, de même que d'autres corps déchiquetés.
Venus de l'enclave de Misrata, à une cinquantaine de kilomètres plus à l'est, les rebelles tentent depuis plus d'une semaine de s'emparer de Zliten, une ville de 200.000 habitants dont le contrôle est âprement disputé entre rebelles et forces fidèles au régime du colonel Mouammar Kadhafi.
Le 3 août, M. Ibrahim avait démenti une avancée des rebelles dans Zliten "contrôle total" du régime selon lui. Il avait précisé que les rebelles avaient avancé vers Zliten sous la couverture aérienne de l'Otan, mais avaient été repoussés.
L'Otan a affirmé que la cible visée dans la nuit était constituée de deux anciens bâtiments agricoles utilisés à des fins militaires par les pro-Kadhafi. "C'était clairement une cible militaire", a dit le porte-parole de l'opération Protecteur unifié, le colonel canadien Roland Lavoie.
"Nous n'avons pas la preuve de victimes civiles à ce stade", a-t-il affirmé lors d'une conférence retransmise par vidéo depuis le QG de Naples en Italie. "L'Otan prend d'extrêmes précautions pour ne pas toucher des civils innocents vivant ou travaillant à proximité" des sites visés.
L'Otan, souvent accusée par le régime de tuer des civils dans les raids, a reconnu au moins deux bavures, alors que la légitimité de son intervention reste contestée et qu'elle stagne sur le terrain. Elle avait admis avoir tué par erreur ou accidentellement des civils lors de raids.
L'Alliance atlantique, qui mène des raids aériens quotidiens destinés à affaiblir l'appareil sécuritaire du régime, a pris fin mars le commandement d'une coalition internationale intervenue sur mandat de l'ONU pour protéger la population civile de la répression sanglante d'un soulèvement contre le régime autoritaire de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans.
Après plus de cinq mois d'un conflit qui semble sans issue proche, l'Union européenne a visé le régime par de nouvelles sanctions contre deux entités économiques directement liées au dirigeant libyen, selon Paris.
A Benghazi, bastion des rebelles dans l'Est, le président du Conseil national de transition (CNT), l'organe politique des rebelles, Moustapha Abdeljalil, a limogé lundi l'ensemble du "bureau exécutif".
Seul Mahmoud Jibril, l'équivalent du Premier ministre qui dirige cet exécutif, conserve ses fonctions et aura la charge de reconstituer son équipe.
Sous l'autorité du CNT, le bureau exécutif de la rébellion a pour mission d'administrer les territoires "libérés" dans l'est du pays, et agit de facto comme une sorte de gouvernement intérimaire en attendant la prise éventuelle de Tripoli et la chute du régime Kadhafi, loin d'être acquise.
Des "erreurs administratives ont été constatées récemment" à l'exécutif, a commenté Moustapha Abdeljalil, en souhaitant que le futur gouvernement éclaircisse la "conspiration" de l'assassinat le 28 juillet du chef militaire de la rébellion, le général Abdel Fatah Younès.
Rallié à la rébellion après avoir été un pilier du régime Kadhafi, Younès a été tué après avoir été rappelé du front pour un interrogatoire à Benghazi. Plusieurs responsables du bureau exécutif avaient signé l'ordre de le rappeler.
Sa mort a suscité des spéculations sur les divisions au sein de la rébellion ou l'existence d'une possible "cinquième colonne" derrière les lignes rebelles. Une enquête du CNT est en cours. – avec agence