Lumière sur les modalités de rémunération de Thompson, Brafman et Taylor, les avocats de Diallo et Strauss-Kahn.
Kenneth Thompson (avocat de Nafissatou Diallo), Benjamin Brafman et William Taylor (avocats de Dominique Strauss-Kahn) jouent gros sur l'affaire DSK. Mais les trois « lawyers » ont beaucoup à y gagner.
Les avocats spécialisés dans les affaires criminelles bénéficient d'une grande latitude pour déterminer le montant de leurs honoraires. La seule limite est imposée par le code de conduite professionnelle du tribunal de New York : les montants pratiqués ne doivent pas être « excessifs » au regard du travail requis et de l'expérience de l'avocat. Le code précise néanmoins qu'il revient à l'avocat de juger du caractère « excessif » de ses honoraires.
Les règles de facturation font l'objet d'un accord entre l'avocat et le client au début de l'affaire. Est signé un « retainer agreement », une sorte d'avance de laquelle sera déduit le montant de la prestation. Il y a deux modes principaux de facturation : horaire et forfaitaire. Aux Etats-Unis, la tarification horaire est la plus usitée.
Des facteurs objectifs (taille de la firme, nature du crime, nombre de personnes travaillant sur l'affaire, fortune de l'accusé…) mais aussi subjectifs (réputation de l'avocat, expérience, complexité estimée de l'affaire…) entrent en compte dans le montant de la note.
Le lieu joue aussi : les avocats facturent en moyenne 319 dollars (225 euros) l'heure dans le nord-est du pays contre 264 (185 euros) dans le Midwest, selon une étude sur les honoraires des firmes de taille moyenne en 2009 par le groupe Incisive Legal Intelligence, dont les rapports sur le système judiciaire américain font autorité.
Chaque minute compte
William Taylor a vraisemblablement opté pour une facturation horaire particulièrement élevée, « entre 850 et 1 000 dollars » (entre 600 et 700 euros), en raison de la taille de son employeur Zuckerman-Spaeder – la firme compte près de 200 employés dans plusieurs villes américaines –, estiment (sous couvert d'anonymat) deux avocats spécialisés dans les affaires criminelles.
Même montant pour l'autre avocat de DSK, Benjamin Brafman. Sa firme Brafman & Associates est plus petite (cinq avocats répertoriés sur le site internet) mais la réputation de l'ancien défenseur de Michael Jackson fait gonfler la note.
A ces montants s'ajoutent les tarifs pratiqués par les personnels qui assistent les avocats dans leur travail. Pour eux, le prix atteint en moyenne 400 ou 500 dollars (280 ou 350 euros) l'heure.
Si un coup de téléphone prolonge le travail de l'avocat au-delà de l'heure, il faudra aussi allonger les dollars : le coût horaire est calculé en incrément de six à quinze minutes.
Ces coûts ne comprennent pas le prix d'éventuels experts appelés à témoigner à la barre (jusqu'à 50 000 dollars – 35 000 euros), de possibles tests médico-légaux, le recrutement d'enquêteurs (700 à 2 000 dollars – 490 à 1 400 euros – par jour), et les dépenses en transports et photocopies. Ces coûts sont facturés au client.
Charger moins pour gagner plus
Pour l'avocat de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson, la situation est différente. Sa rémunération est selon toute vraisemblance fonction du montant des possibles dédommagements que sa cliente obtiendra dans le cadre de sa plainte au civil. Plainte déposée le 8 août dernier devant un tribunal du Bronx.
Comme Kenneth Thompson ne tirera aucun revenu financier de la plainte au pénal, qui suit toujours son cours bien que fragilisée, certains avocats voient dans la récente offensive médiatique de sa cliente une stratégie pour faire monter les enchères au civil.
Il en a intérêt. Les frais divers (enquêteurs, experts, logistique…) qu'il a engagés dans le cadre de l'affaire seraient entièrement déduits du montant des dédommagements.
Il empocherait ensuite un tiers de la somme restante (les deux autres tiers allant à Nafissatou Diallo). Dans l'éventualité d'un verdict défavorable, il ne toucherait rien, voire perdrait de l'argent.
Autres différences avec les avocats de DSK : Kenneth Thompson, jeune avocat, a encore une réputation à se forger et la cliente qu'il défend a des revenus que l'on suppose limités. Ainsi, il est probable qu'il ait décidé de « prendre en charge l'affaire gratuitement ou de pratiquer des tarifs horaires réduits », avance un avocat au barreau de New York.
Le jeu en vaut la chandelle. Car Thompson sait que quel que soit le destin de sa cliente, l'attention médiatique qu'il a reçue élargira sa clientèle. Si les dollars ne tombent pas aujourd'hui, ils tomberont demain. – avec Rue89