L'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et son épouse Simone, en résidence surveillée dans le nord depuis leur chute en avril après une sanglante crise post-électorale, ont été inculpés et placés en détention pour «crimes économiques», a annoncé jeudi le procureur d'Abidjan.
C'est la première fois que leur statut judiciaire est clarifié depuis leur arrestation le 11 avril, à l'issue de deux semaines de guerre qui ont conclu une crise ayant fait au moins 3000 morts après le refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite au scrutin de novembre 2010.
L'ex-couple présidentiel, dont les partisans réclament la libération comme préalable à la «réconciliation», était jusque-là assigné à résidence par le gouvernement d'Alassane Ouattara, installé par les ex-rebelles nordistes appuyés par la France et l'ONU. Laurent Gbagbo est enfermé à Korhogo et Simone Gbagbo à Odienné.
Au pouvoir durant une décennie, l'ancien président, 66 ans, a été inculpé jeudi de «crimes économiques», notamment «vol aggravé, atteinte à l'économie nationale, détournement de deniers publics, pillage» et placé en détention préventive, a déclaré devant la presse le procureur Simplice Kouadio Koffi.
L'ex-première dame, 62 ans, a été inculpée mardi et placée en détention notamment pour «concussion», a-t-il indiqué.
Laurent Gbagbo reste dans la résidence où il est assigné, tandis que son épouse doit «incessamment» quitter la sienne et être transférée à la prison d'Odienné, selon le procureur. Le médecin personnel de l'ex-président, demeuré avec lui, vient aussi d'être inculpé et placé en détention.
Quarante-deux personnalités civiles du camp Gbagbo, dont Laurent et Simone Gbagbo et une bonne partie de l'ancien gouvernement, sont désormais détenues dans le nord, inculpées d'atteinte à la sûreté de l'État ou de «crimes économiques».
Une soixantaine de militaires ont été inculpés, dont 40 sont incarcérés dans des camps militaires à Korhogo et Abidjan.
Les enquêtes préliminaires sur les «crimes de sang» commis durant la crise continuent, et le gouvernement espère que la Cour pénale internationale (CPI), qui n'a pas encore officiellement ouvert une enquête, inculpera et transférera à La Haye l'ancien couple présidentiel.
Les partisans de M. Gbagbo réclament sans relâche la libération de leur mentor et des autres personnalités arrêtées.
Les exilés, notamment ceux du Ghana où ont trouvé refuge des civils et des militaires fidèles au régime déchu, en ont fait un préalable à leur retour, en réponse à la «main tendue» récemment par Alassane Ouattara.
Le camp Gbagbo et des ONG internationales ont plusieurs fois dénoncé ou redouté une «justice des vainqueurs» sous le nouveau président.
Selon ces ONG et l'ONU, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre ont été commis par les deux camps durant la crise mais aucune personnalité pro-Ouattara n'a été inquiétée.
À quelques jours de son départ fin août, le chef de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), Choi Young-jin, a estimé jeudi à Ouagadougou que la page est tournée: selon lui, «la force de Laurent Gbagbo s'est totalement éteinte» et «tout s'annonce bien» pour le retour de la paix.
La situation humanitaire reste toutefois «préoccupante» dans l'ouest, région la plus meurtrie, malgré une «dynamique de retour» des déplacés internes, qui ne sont plus qu'environ 30 000, a souligné le Coordonnateur humanitaire du Système des Nations unies, Ndolamb Ngokwey.- avec agence