Le jeune trublion de l'ANC Julius Malema comparaissait mercredi pour la deuxième journée devant la commission de discipline du parti, dont la décision devrait avoir des conséquences sur l'équilibre des forces au sein du parti au pouvoir.
Après les affrontements de mardi entre policiers et partisans de Malema, l'ANC avait d'abord songé à déplacer les auditions hors de Johannesburg, avant de se raviser mercredi matin et de re-convoquer tout le monde au siège du parti, dans le centre-ville.
L'audience de jeudi a été ajournée, les auditions devant reprendre et s'achever vendredi. Malema, le président de la Ligue de jeunesse de l'ANC, risque jusqu'à l'exclusion du parti pour son indiscipline et ses propos provocateurs, racistes à l'occasion, qui mettent le pouvoir régulièrement en porte à faux.
Mais à 30 ans, ce jeune tribun anti-capitaliste et anti-occidental tient déjà quelques clés de l'avenir de sa formation, et même de l'Afrique du Sud.
«La tactique de Malema est de se proclamer et de se positionner comme le champion des pauvres», analyse la politologue Susan Booysen, de l'Université de Witwatersrand. «C'est une leçon pour l'ANC, qui doit s'occuper spécifiquement et explicitement des problèmes des pauvres. L'ANC doit s'assurer qu'elle ne laisse pas la Ligue de jeunesse de Malema devenir la voix prédominante des pauvres».
Malema est en effet l'idole politique de millions de jeunes noirs, principales victimes d'un taux de chômage de 25% et d'inégalités criantes que dix-sept ans de démocratie post-apartheid n'ont pas résorbées.
L'ANC, confortablement installée au pouvoir depuis 1994, a mis le pays sur la voie du libéralisme, et les frustrations sont immenses parmi les classes les plus pauvres, qui n'ont pas vu se réaliser les promesses de prospérité faites lors de la démocratisation du pays.
Malema, s'il n'est pas sanctionné par la commission de discipline, pourra reprendre le combat politique qu'il mène de l'intérieur de l'ANC, et qui l'a amené récemment à défier le président Jacob Zuma lui-même.
Pour nombre d'analystes, la Ligue pourrait envoyer massivement ses délégués voter contre Zuma l'an prochain au moment de réélire le président de l'ANC. Une défaite de Zuma dans ce scrutin sonnerait le glas de ses espoirs de briguer un deuxième mandat présidentiel.
La Ligue de jeunesse ne cache pas qu'elle préfèrerait voir l'actuel vice-président, Kgalema Motlanthe, prendre la tête de l'ANC. Ce qui lui ouvrirait les portes de la présidence du pays.
Pour l'analyste Dirk Kotze, de l'Université d'Afrique du Sud, les violences de mardi ont clairement dévoilé cette lutte de pouvoir entre l'ANC et sa Ligue de jeunesse: «La manifestation d'hier (mardi) a démontré le pouvoir de la Ligue. Les manifestants ont dit en substance: «Nous pouvons prendre le pouvoir dans le parti et nous pouvons leur prendre leur autorité».
D'où l'importance de la décision de la commission de discipline, qui «juge» Malema pour «avoir porté atteinte à la réputation de l'ANC» et «avoir semé les germes de la division» au sein du parti.
Il lui est officiellement reproché d'avoir exhorté à un changement de régime au Botswana voisin, et d'avoir traité le gouvernement de Gaborone de «marionnette des Américains».
En fait, Malema dérange depuis longtemps le parti au pouvoir, en se faisant le champion de l'anti-impérialisme, de l'anticapitalisme, et en appelant sans relâche à la nationalisation des mines et à l'expropriation sans compensation des fermiers blancs.
Hasard du calendrier, le gouvernement a rendu public mercredi un projet de réforme agraire, dix-sept ans après la fin de l'apartheid. Il n'y est pas question d'expropriation, mais de mesures prudentes et progressives pour permettre aux Noirs un meilleur accès aux terres, entre autres par la location. Sans désorganiser la production d'un secteur qui assure la sécurité alimentaire du pays. – AfricaLog avec AFP