La crise libyenne a fait du Sahel "une poudrière" avec l'arrivée massive d'armes, le retour de milliers de travailleurs migrants, de mercenaires dans une région déjà otage du terrorisme et de la contrebande, ont averti mercredi à Alger les participants à une conférence internationale sur cette région.
Ces quelque 8 millions de kilomètres carrés répartis notamment entre l'Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie, vont être l'objet de deux jours de discussions entre 38 délégations dans la capitale algérienne axées sur une stratégie de pacification par le développement et la sécurité.
Pour le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, avec la crise libyenne "la région a été transformée en poudrière", alors qu'elle était déjà touchée par le terrorisme, toutes sortes de trafics transnationaux favorisés par la difficulté d'assurer la sécurité et une pauvreté endémique.
Une pauvreté pire aujourd'hui puisque l'une des maigres ressources économiques de la région, le tourisme, a disparu en raison de la présence d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) responsable de nombreux enlèvements d'étrangers, et celle des trafiquants de drogue, d'armes et d'être humains -l'immigration clandestine en direction de l'Europe- dans cet immense désert.
La circulation des armes a augmenté, "des petites armes de petit calibre mais on a aussi saisi en juin au Niger, a rappelé M. Bazoum, quelque 500 kg de Semtex un explosif extrêmement puissant.
"Il n'est pas impossible qu'il y ait eu davantage d'explosifs et éventuellement des missiles sol-air" dont il faut aussi savoir se servir et les maintenir en état de marche, a-t-il néanmoins souligné.
Les trafiquants en tout genre et terroristes ont récupéré des centaines de Toyota 4X4 qui écument cette immense région difficile à sécuriser, a-t-il ajouté.
Son collègue malien, Soumeylou Boubeye Maïga, redoute en plus le retour massif de migrants dans des zones déjà précaires. "Quelque 20.000 travailleurs maliens sont déjà revenus et maintenant c'est la seconde vague avec ceux qui étaient impliqués dans les combats et qui reviennent avec des armes".
Ils seront "très difficiles à intégrer ou réintégrer" dans des zones aussi pauvres, souligne M. Bazoum.
En clair, résume leur confrère de Mauritanie, Hamadi Ould Hamadi: le Sahel est "menacé par le terrorisme, la pauvreté et l'immigration clandestine". Il est important à ses yeux de "préserver les jeunes de la région" qui peuvent être incités à rejoindre les groupes terroristes.
Shari Villarosa, la représentante américaine à cette réunion, membre du bureau de coordination anti-terrorisme du département d'Etat, estime que les terroristes d''Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) "ont aujourd'hui moins de mille membres".
La menace est "globale" et bien présente, ont souligné nombre de participants, mais les membres du Conseil de sécurité tout comme l'Union européenne présents ont souligné avec Mme Villarosa que l'effort de lutte contre Aqmi "doit être dirigé par les gouvernements de la région".
"La responsabilité de maintenir la sécurité est d'abord fondamentalement du ressort des pays voisins", a aussi souligné le ministre malien, se faisant l'écho des Algériens, très chatouilleux sur la nécessité de maintenir hors de la région des troupes étrangères.
Les Algériens insistent cependant sur le fait que "la lutte contre ces menaces d'envergure appelle nécessairement la conjugaison des efforts et la convergence de toutes les bonnes volontés".
L'Algérie connaît actuellement une recrudescence des attentats terroristes dont le plus meurtrier de l'année a fait le 26 août 18 morts à l'académie miliaire de Cherchell proche d'Alger.
Les programmes d'aide à la région, bilatéraux ou multilatéraux, sont nombreux. L'Union européenne a chiffré son aide globale pour la région à 650 millions d'euros tant pour des programmes de développement que pour la formation et l'aide militaires. – AfricaLog avec AFP