«Je suis un allié au professeur Alpha Condé au titre de l’Alliance arc-en-ciel dans ses origines, mais je ne suis pas un allié du RPG arc-en-ciel », a dit à AfricaLog, M. Ibrahima Kassory Fofana, Président du parti Guinée Pour Tous (GPT).
Le 3 décembre, GPT, parti d’Ibrahima Kassory Fofana, a fêté son deuxième anniversaire avec faste au Palais du peuple de Conakry. En marge de cette cérémonie, AfricaLog.com a rencontré son Président. L’ancien ministre de l’Economie et des finances a exprimé la volonté de son parti à faire cavalier seul pour aller aux législatives. Il a fait le bilan de la première année de gestion du pouvoir par le Président Alpha Condé. Exclusivité.
AfricaLog.com: M. le Président de GPT, (Guinée Pour Tous), votre parti vient de fêter son deuxième anniversaire. Quel est le bilan de votre entrée en politique il ya deux ans?
Ibrahima Kassory Fofana: Je suis fier du bilan. Car nous apparaissons aujourd’hui comme l’un des principaux acteurs de la scène politique nationale. Le parti Guinée Pour Tous qui était une sorte d’espoir est devenu aujourd’hui une réalité en Guinée et il est représenté dans tous les quatre coins du pays. C’est donc un bilan hautement positif. Mais je ne suis en train de déclarer l’autosatisfaction. Parce que cela conduit à une espèce d’immobilisme, je suis un homme d’action. Nous disons que les deux premiers pas sont bons. Car en deux ans, nous avons fait connaître le parti, réussi à apporter une contribution significative à l’élection du Président Alpha Condé. En deux ans, nous avons réussi à jeter les bases d’un parti fort qui pèse aujourd’hui sur la scène nationale.
Qu'est ce qui a guidé votre choix dans le soutien du Président Alpha Condé lors du second tour de la présidentielle de 2010 alors que le Président de l'UFDG, Cellou Dalein Diallo, qui était dans la course, est un de vos anciens collaborateurs?
Mon choix a été guidé par la directive de la Coordination régionale de la Basse-Guinée qui a demandé aux leaders ressortissants de la région de soutenir plutôt le professeur Alpha Condé que M. Cellou Dalein Diallo. Cette directive a été déterminante dans ma position de soutenir le professeur Alpha Condé.
Est-ce que vous voulez dire que vos ambitions politiques sont guidées par cette coordination régionale?
Ecoutez ! Je suis l’un des rares acteurs de l’Alliance arc-en-ciel qui n’a pas négocié à partir avec le Professeur Alpha Condé. Nous n’avons rien demandé. Nous n’avons passé aucun accord avec le RPG. Nous avons été, comme disent les Américains, assez "instrumental" dans l’architecture qui a généré l’arc-en-ciel.
Nous sommes à la veille des élections législatives. GPT est de la mouvance présidentielle ou proche de l’opposition?
Je ne suis pas de l’opposition radicale, un. Deux, je suis un allié au professeur Alpha Condé au titre de l’Alliance arc-en-ciel dans ses origines, mais je ne suis pas un allié du RPG arc-en-ciel. C’est une proposition d’alliance à laquelle j’ai opposé un refus catégorique.
Voulez-vous dire que GPT va faire cavalier seul pour affronter les élections législatives?
Je n’ai pas encore pris ma décision de faire cavalier seul ou non. Par contre, j’ai pris ma décision de dire non à l’Alliance RPG arc-en-ciel qui suppose la fusion ou l’absorption des partis au sein du RPG. Pour cela, ma réponse est non. Je considère que cela est mauvais pour la démocratie. Je considère cela comme un recul pour la démocratie et cela pourrait poser un problème à la Guinée, parce que cela pourrait conduire à terme, à un ultra parti puissant… Je ne dirai pas parti unique, mais au mieux cela pourrait conduire à un bipartisme, ce qui est mauvais et retarderait la construction d’une nation harmonieuse.
M. Kassory Fofana, vous avez été choisi comme le candidat de la Basse-Côte pour les législatives à venir. Certains le contestent, comme le leader de l'UFR, M. Sidya Touré. Ils estiment que vous ne représentez que votre préfecture Forécariah et non toute la région de la Basse-Guinée. Peut-on savoir alors sur quelle base vous avez été choisi? Est-ce que c’est parce que vous êtes le plus compétent, le plus rassembleur ou le plus populaire?
Cette question aurait dû être posée à ceux qui m’ont choisi. Mais j’ai l’humilité pour dire que je ne suis pas le meilleur des Guinéens. Dans leurs considérations, ils ont considéré que je suis le mieux placé pour recueillir leurs appuis. Je ne suis pas candidat de la Basse-Guinée, mais j’ai l’appui de la Basse-Guinée à conduire une liste électorale pour les élections législatives. Cette liste ne sera pas une liste ethnocentriste. Je peux avoir la prétention de dire que Guinée Pour Tous est le parti le moins tribalisé du pays. C’est le parti dans lequel vous retrouverez toutes les composantes de cette société, c’est un parti qui a pour vocation à fédérer la Guinée. L’appui de la Coordination de la Basse-Guinée est une consigne de vote pour dire à ses ressortissants: si vous avez un parti à soutenir, c’est le parti GPT, mais la Basse-Guinée n’a pas une liste électorale dont je serai le porteur. J’aurai une liste nationale à laquelle la Basse-Guinée apporterait son soutien.
Certains observateurs pensent tout de même que le choix porté sur vous comme leader régional pourrait être un facteur néfaste vis-à-vis de l'évolution de votre parti qui sera perçu comme un parti régionaliste…
Ce n’est pas un facteur néfaste. Ceux qui nient ou exagèrent le communautarisme-ethnocentriste ont tort. La réalité de la Guinée, c’est ce communautarisme-ethnocentriste. Chaque leader a un fief électoral. Si le fief ailleurs est la région géographique, les idéaux ou la religion, le fief électoral en Guinée reste l’ethnie. C’est le socle sur lequel le leader politique essaie de brasser large, ensuite, aller à la conquête des autres. C’est à la conquête de ces autres qu’il y a la différence. Parce que, comme nous le savons tous, aucune ethnie, à elle seule, ne fait la majorité en Guinée. Pour arriver au pouvoir, il faut l’adhésion des autres. Si vous restez enfermé dans un ethnocentrisme étriqué, vous n’y arriverez jamais. Il faut être ouvert aux autres. Le langage, les discours et les idéaux que vous utilisez pour conquérir les autres sont des choses essentielles pour pouvoir mobiliser au-delà des frontières régionales. Les personnes qui portent les couleurs régionales et prétendent à une consécration nationale, n’y arriveront jamais. Cela est impossible en Guinée, compte tenu des spécificités sociologiques.
Guinée Pour Tous, votre parti, a-t-il une date pour la tenue des élections législatives?
Je n’ai pas de date. Parce qu’elle devra être consensuelle. L’espoir est que toutes les conditions de transparence soient réglées par voie consensuelle entre la classe politique et le pouvoir pour qu’ensemble nous définissions les conditions jugées acceptables pour aller aux législatives dans des conditions transparentes et crédibles.
Vous êtes économiste et vous êtes l’un des observateurs de la scène politico-économique de la Guinée. Pouvez-vous faire un bilan de la gestion du pouvoir par le Président Alpha Condé après un an de gouvernance?
Il faut avouer que le Professeur Alpha Condé a pris la gestion du pays dans des conditions économiques désastreuses. Tous les Guinéens doivent comprendre que la transition militaire, au plan de la situation économique, a été catastrophique. Il n’y a pas de doute. Et il n’y a pas de miracle à court terme. Évidemment, c’est difficile à un malade de savoir que la thérapie pour soigner son mal prendra du temps. Mais la vérité est-là. M. John Keynes, pour redresser la situation économique de la Guinée, n’aurait pas pu faire grand-chose en un an. Alors que ceux dont nous parlons, il y a moins d’un an.
Mais je peux noter que, progressivement, il a tenté de renforcer un peu les capacités administratives. Le pays était mal géré en termes d’autorité. Il n’y avait pas l’autorité de l’Etat. Aujourd’hui, on ne peut le dire. Mais on peut dire qu’il y a une réelle avancée de restauration de l’autorité de l’Etat. Il faut reconnaître à César ce qui appartient à César. En moins d’un an, il a réussi cela. Également, en moins d’un an, il a réussi à mettre de l’ordre dans le corps militaire. Aujourd’hui les militaires ne courent pas la rue à Conakry ou ailleurs en Guinée, comme on le notait autrefois. Il a même réussi à dégraisser les effectifs pléthoriques des corps militaires. On parle de plus de 4000 militaires qui doivent aller à la retraite en fin d’années. Ce sont des décisions courageuses. Ce sont des décisions, pour un politicien, risquées. Parce que ce sont des décisions qui vont dans le bon redressement des finances du pays, le redressement du pays, y compris l’administration militaire.
Sur le plan économique et pour parler des données économiques stricto-sensu, il a réussi à infléchir la courbe de l’inflation. Cette inflation lorsqu’il prenait les affaires, étaient de l’ordre de 23%, aujourd’hui elle est de l’ordre de 13%. Quand il prenait les commandes du pays, le déficit budgétaire par rapport au Produit Intérieur Brut, était de l’ordre de 1% par mois. Nous parlions d’un déficit de 13% du PIB. Ce qui est inscrit dans le Budget de l’Etat au titre de l’année 2011 et des années suivantes, c’est un déficit ramené à 1.8 % du PIB. C’est courageux ! Je ne connais pas de cas, d’exemple, de modèle, en tant qu’économiste, dans lequel on réduit, avec une telle rapidité le déficit sur un an. Il s’est fixé pour objectif en fin d’année de remonter les réserves de change de moins d’un mois, les niveaux des réserves de change de la Guinée étaient 15 jours des besoins d’exportation du pays, il les a porté à 5 mois et demi, ce qui est un net progrès par rapport à la situation dans laquelle il a trouvé le pays. Sur le plan des infrastructures, évidemment, on a rien vu. Ce n’est pas étonnant, ce n’est pas que les initiatives manquent. Les initiatives sont en cours, mais un programme d’investissement se prépare. Il faut préparer le dossier, les études, rechercher les financements, passer à l’exécution de marché, cela prend du temps.
Je crois savoir que dans le domaine de l’énergie, des capacités additionnelles pour améliorer le réseau, des commandes ont été passées, mais n’arriveront qu’en 2012, ou au-delà.
Donc, les choses vont dans la bonne direction. En tant qu’économiste, ce n’est pas l’idéal en termes d’attraction du capital privé, mais il y a de réels progrès pour stopper le coulage économique auquel on était habitué alors que les conditions dans lesquelles le Président Alpha Condé a pris le pays, étaient inquiétantes. Aujourd’hui, il a réussi à infléchir la courbe de ce coulage, il y un léger mieux. En termes de redressement économique, le pays est dans la bonne direction. Même si les résultats ne suivent pas immédiatement. Parce qu’en économie, il y a ce qu’on appelle un "lag" (NDLR: un délai) entre prendre des actions et des décisions et le moment ou elles se révèlent sur le terrain en termes concrets.
Vous avez l’air de magnifier le bilan du Président Alpha Condé, mais certains croient que vous êtes frustré de n'avoir pas été associé à la gestion du pays après sa victoire?
Ces gens se trompent. A sa décharge, il m’a proposé de rentrer au Gouvernement, j’ai refusé. Ceux qui pensent que je suis frustré, ne sont pas dans la réalité. Ce n’est pas vrai.
Vous étiez parmi les invités du Président de la République au palais Sékhoutouréya, le 15 novembre dernier pour l’ouverture du dialogue en prélude aux élections législatives. Selon vous, le dialogue politique est-il amorcé?
Le dialogue est amorcé, dans la mesure où c’est le Président de la République qui a donné le ton, en faisant preuve d’humilité et d’ouverture et demander la classe politique de négocier un consensus autour des problèmes qui empêchent d’aller aux élections législatives. Il a dit : allez vous retrouver avec le ministre de l’Administration du territoire pour lister et aborder les questions pendantes. Et si vous avez besoin de moi, à tout moment, joignez-moi si vous avez besoin que je joue un rôle de facilitateur, s’il y a blocage dans les négociations. Je pense que les négociations sont ouvertes. Je pense que ça prend un peu de temps pour circonscrire le cadre de ces négociations.
Des observateurs pensent que le Président de GPT a coupé le pont avec ses militants de l’intérieur, après le second tour de la Présidentielle de 2010…
Le président de GPT n’est pas le seul. Tous les acteurs ont besoin, quand ils sortent d’un scrutin d’une telle importance, de vacances. C’est que les uns et les autres ont fait. Je ne suis pas le seul dans ce cas. Parce que la vie, ce n’est pas la politique seulement. Il faut s’occuper de ses affaires. A ma décharge, je n’étais pas en Guinée. Je suis revenu le mois dernier. J’entreprendrai une tournée à l’intérieur du pays à l’occasion des campagnes pour les législatives. En plus, il y a que le pays doit sortir de cette espèce d’habitude d’être en campagne permanente. Une fois les élections terminées, que chacun vaque à ses affaires. La politique ne peut pas être une profession, pour passer les 365 jours de l’année à faire de la politique. La classe politique doit prendre du recul après les élections.
Récemment, des membres de l’ALDEPAC (Alliance des Libéraux et Démocrates pour l’Europe, le Pacifique, l’Afrique et les Caraïbes) dont Cellou Dalein Diallo de l’UFDG en est l’un des co-présidents, ont effectué un bref séjour à Conakry. Pour l’occasion, Cellou Dalein Diallo a offert un dîner dans un réceptif hôtelier de la place auquel vous avez pris part. Peut-on savoir ce qui vous a motivé à y être présent?
Il y a eu deux raisons. La première est d’ordre personnel. M. Cellou Dalein Diallo est un ami. Je suis fier qu’il ait été choisi pour la fonction de co-président de l’ALDEPAC qui va au-delà de l’Afrique, c’est un compatriote. A ce titre, l’accompagner est une forme d’encouragement et de fierté pour moi. Parce qu’on lui a fait confiance ailleurs, de l’intérieur, nous devons l’accompagner sous cette forme d’encouragement. La deuxième raison, elle est idéologique. M. Diallo est un libéral et l’Alliance regroupe les Libéraux. Je me devais d’aller pour être consistant et cohérent avec mon option politique, idéologique pour être à une fête de l’Alliance des libéraux. Car, je suis de la grande famille libérale.
Autre chose à vos militants et sympathisants pour terminer cet entretien?
Je dis à mes militants que je suis fier de Guinée Pour Tous qui est aujourd’hui l’un des principaux partis politiques du pays qui a pris un réel envol. Nous devons faire preuve d’humilité, d’abnégation pour continuer à aller de l’avant. Un parti, ce n’est pas le succès des jours, mais un parti doit se construire dans le temps et sur la durée. Pour cette durée, le militantisme doit être un militantisme assidu. Je lance un appel à mes militants à redoubler d’ardeur pour que nous continuions notre progression à conquérir le cœur et la confiance des Guinéens pour que GPT soit le parti majoritaire dans le pays et pour longtemps.
Entretien réalisé par Mamadou Siré Diallo