Le tribunal annule les résultats des congrès qui ont élu Amadou Diallo et Yamoussa Touré. Après les renvois des audiences du 4 et 25 novembre et du 2 décembre, dans le litige opposant El Hadj Amadou Diallo et El Hadj Yamoussa Touré, pour le Secrétariat général de la CNTG (Confédération nationale des travailleurs de Guinée), le Tribunal du Travail de Mafanco a rendu sa décision ce 16 décembre. Sous haute surveillance.
Un impressionnant dispositif sécuritaire a été installé devant le tribunal tôt ce matin. M. Sény Camara, le juge a décidé d’annuler les deux congrès et a débouté les deux parties. Sa décision : «Le tribunal statuant publiquement contradictoirement en matière sociale et en premier ressort, en la forme reçoit El Hadj Yamoussa Touré en son action ainsi que El Hadj Amadou Diallo en son exception tirée de l’incompétence du tribunal de travail, rejette comme non fondée ladite exception, au fond, constate l’irrégularité des élections issues des congrès du 22 au 24 septembre et celui du 26 septembre 2011, annule en conséquence les résultats des dites élections, déboute chacune des parties de sa demande de dommage et intérêt et du surplus de ses prétentions…»
Sa décision est tombée en présence de Yamoussa Touré avec ses inconditionnels dont l’ancienne ministre de la Fonction publique, Pierrette Tolno, de la fédération syndicale de la santé.
Amadou Diallo s’est absenté. Il n’a été représenté que par son avocat, Me Aboubacar Ouattara.
Après la décision de M. Sény Camara, Yamoussa Touré, tout de blanc vêtu a réagi : «Mes sentiments sont plus ou moins bons. La Guinée bouge, la Guinée change. Nous sommes devant la justice qui a jugé utile d’annuler les deux congrès. Nous allons nous préparer conséquemment pour aller à l’assaut de nos électeurs.»
Son avocat, Me Salifou Béavogui a lui aussi réagi: «Mon sentiment sur la décision du tribunal est mitigé. Cependant, je suis très réconforté. Parce que le tribunal vient de mettre dos à dos les deux protagonistes en annulant purement et simplement les deux bureaux exécutifs issus des deux congrès.» Selon lui, la conséquence de cette décision est la reprise du congrès de la CNTG. Me Béavogui s’est dit «victorieux et heureux.»
Me Aboubacar Ouattara, l’avocat d’Amadou Diallo a décidé de faire appel. Visiblement très remonté, il a dit que «le juge est allé au-delà de ce qui lui a été demandé. Nous allons interjeter. Nous avons des voies de recours. Si la partie adverse s’est réjouie de l’annulation des deux élections, vous comprendrez l’illégalité de son scrutin. Sinon, si vous êtes sûr de votre victoire, vous ne pouvez pas être content quand celle- ci est annulée.»
Selon une source anonyme la décision du tribunal est politique. Le jeudi 15 décembre, le Président Alpha Condé aurait porté un message à Amadou Diallo, par la voie de la ministre de la Fonction publique et du travail, Fatoumata Tounkara. Laquelle a dit à l’intéressé que le Président de la République devait le rencontrer le jeudi soir au Palais présidentiel. Le vendredi matin, Amadou Diallo que nous avons rencontré à la Bourse du travail, a confirmé l’information, mais a soutenu qu’il lui a été signifié à la dernière minute que «pour des raisons de calendrier, le Président ne pourrait le recevoir hier jeudi ». Et qu’Alpha Condé pourrait le rencontrer ce vendredi. Mais, confie-t-il, «même si une heure ne nous a pas été dite, nous attendons le coup du fil».
Réagissant à la décision du Tribunal, M. Amadou Diallo a estimé que ladite décision est «nulle et de nul effet. La décision du tribunal est un non-évènement», renchérit-il.
S’agissant de la menace des principales centrales syndicales du pays d’entrer en grève si, entre autres, le tribunal de Mafanco ne se dessaisissait pas de l’affaire, Amadou Diallo a déclaré qu’aucune décision n’a été encore prise à propos. Mais des «concertations sont en cours pour décider d’aller en grève ou non. Quand nous allons mettre la machine en marche, elle ne fera pas marche arrière», a-t-il déclaré. M. Diallo a aussi indiqué qu’il n’y aura pas de congrès de la CNTG «avant 5 ans».
Par ailleurs, dans une déclaration rendue publique le 12 décembre, les centrales syndicales CNTG-USTG-ONSLG-UDTG-CGSL-CGTG-UGTG-SIFOG ont dénoncé, notamment «l’immixtion insidieuse de l’Etat dans les activités de la CNTG lors de son 16ème congrès» tenu en septembre dernier. Mais également dénoncé ce qu’elles qualifient «la lâche tentative d’assassinat sur la personne du Secrétaire général de la CNTG, El Hadj Amadou Diallo, membre de l’inter-centrale». Ces différentes centrales syndicales ont condamné, avec la « dernière énergie ces actes de violations, de barbaries et de vandalismes perpétrés contre tous les travailleurs de Guinée…» Elles ont alors exigé à la CNTG et à son Secrétaire exécutif «légitimement élu le 24 septembre 2011 de se retirer de la procédure judiciaire» en cours au tribunal du travail et de se dessaisir du dossier pour incompétence, conformément au Code du travail de la Guinée, en ces articles 263 et 376. C’est pour quoi les centrales syndicales avaient demandé à l’Etat de «respecter toutes les libertés syndicales en tant qu’Etat-membre de l’Organisation internationale du Travail (OIT)» ainsi que sa neutralité dans les activités syndicales conformément aux conventions internationales que la Guinée a signées. Après avoir pris à témoins les institutions nationales et internationales, les centrales syndicales ont mis en garde les «autorités à tous les niveaux contre toutes tentatives d’attaques d’un leader syndical ou sa famille», au risque «d’aller en grève générale et illimitée sur toute l’étendue du territoire national».
Rappelons que depuis septembre dernier, une guéguerre est ouverte entre pro et anti Amadou Diallo pour occuper le poste de Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs de Guinée, CNTG.
Yamoussa Touré et Amadou Diallo étaient les deux candidats à ce poste. A l’issue du congrès électif tenu du 22 au 24 septembre dernier de ladite confédération, Amadou Diallo a été élu au dit poste. Son challenger Yamoussa Touré, accusé d’avoir le soutien du pouvoir, avait quitté la salle peu avant le vote en compagnie des délégués qui le soutiennent. Ces derniers ont depuis, contesté son élection qu’ils qualifient de contraire aux statuts de la CNTG. Amadou Diallo qui a succédé ainsi à Rabiatou Sérah Diallo, actuelle présidente du Conseil national de la transition, CNT (l’organe qui joue le rôle de parlement pendant la transition guinéenne), était jusque-là l’intérim en même temps qu’il était le secrétaire général adjoint, de «la dame de fer».
L’on se souvient que Rabiatou Sérah Diallo s’est illustrée dans les mouvements sociaux en Guinée, notamment dans la grande grève de janvier-février 2007, qui a fait basculer le régime du défunt Lansana Conté, qui s’est vu obligé de nommer un Premier ministre de consensus pour satisfaire à la principale revendication des grévistes.
AfricaLog.com