La peine capitale par pendaison requise contre l'ex-président égyptien Hosni Moubarak vient satisfaire les demandes de l'opinion publique égyptienne mais semble s'appuyer sur des preuves fragiles de son rôle dans la répression, estiment des avocats.
"Il y a peu de preuves, d'un point de vue légal, incriminant (Hosni) Moubarak", accusé du meurtre de manifestants durant la révolte qui l'a chassé du pouvoir en février 2011, admet Me Gamal Eid, un avocat représentant les familles des personnes tuées pendant la révolution.
"Les arguments du procureur ressemblent davantage à un discours politique qu'à (ceux d') une affaire judiciaire (...) Même le ministère public reconnaît que le dossier est faible", déclare-t-il.
Le procureur Moustafa Khater a requis mercredi la "peine maximale" contre celui qui régna sans partage sur l'Egypte pendant trois décennies, en rappelant que "la loi prévoit la peine de mort pour le meurtre prémédité".
Un autre procureur, Moustafa Souleimane, a insisté sur le fait que "le président de la République est responsable de la protection du peuple: la question n'est pas seulement de savoir s'il a donné ou non des instructions de tuer les manifestants, mais au-delà de ça de savoir pourquoi il n'est pas intervenu pour arrêter la violence contre eux".
"La plupart de ce qu'ont dit les procureurs était de la rhétorique. Cela ne ressemblait pas à un cas bien construit", souligne le militant politique Wael Khalil.
M. Souleimane a accusé le ministère de l'Intérieur et les services de renseignements de manque de coopération "délibéré" avec l'accusation, ne permettant pas à la justice de réaliser son travail dans de bonnes conditions.
Selon Me Eid, les réquisitions du procureur pourraient apaiser les protestataires qui ont appelé à un rassemblement de masse le 25 janvier, premier anniversaire du début de la révolution ayant conduit au renversement de Hosni Moubarak, 83 ans.
Après des mois de tensions marquées par des affrontements meurtriers entre l'armée et des protestataires l'accusant de ne pas vouloir transférer le pouvoir aux civils, le Conseil suprême des forces armées, à la tête du pays depuis la chute de Hosni Moubarak, veut montrer qu'il a tenu sa promesse de juger les responsables présumés de la répression de la révolte.
"Dans les circonstances actuelles, les autorités veulent calmer l'opinion publique. Elles vont soit condamner Moubarak avant le 25 janvier, soit fixer une date pour le jugement avant le 25 janvier", souligne Me Eid.
Mais, "appeler à la peine capitale ne signifie pas que cette peine sera prononcée", rappelle-t-il, en soulignant que "le verdict, quel qu'il soit, sera politique". Or "le procès ne devait pas être politique, nous voulions un procès équitable, même pour Moubarak".
Le procès a commencé en août, après une courte période d'investigation. Agité au départ, avec des audiences brèves, il a ensuite été interrompu trois mois, avant de reprendre le 28 décembre. Il a été marqué par des témoignages incomplets, estiment les avocats.
L'ex-président, en détention préventive dans un hôpital militaire de la banlieue du Caire, y a comparu allongé sur une civière.
"Le processus a été expédié", regrette Me Mohammed Abdel Wahab, un avocat assistant aux audiences.
Paradoxe, souligne-t-il, "le ministère public a indiqué que les preuves étaient très difficiles à réunir, bien que grâce à la technologie, le monde entier a vu les crimes se dérouler en temps réel".
Les militants qui ont participé aux manifestations de début 2011 disent aussi qu'ils auraient préféré que l'ex-raïs soit jugé pour la mauvaise gestion et les violences ayant marqué son règne de 30 ans, plutôt que pour les événements ayant eu lieu durant les quelques jours du soulèvement populaire.
"Le dossier ne traite pas de la torture et des disparitions qui ont eu lieu" après Moubarak, déplore notamment Me Mohammed Abdel Wahab. – AfricaLog avec AFP