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Feuilleton CNTG: La CSI porte plainte contre le gouvernement

Jan 09, 2012

Plainte formelle de la CSI contre le gouvernement de la République de Guinée pour non-respect des droits syndicaux. Au regard de l’évolution du feuilleton CNTG, un nouvel élément d’information est parvenu cette semaine aux rédactions des différents médias. Il s’agit d’ «une plainte formelle de la CSI contre le gouvernement de la République de Guinée pour non-respect des droits syndicaux». Une plainte adressée au Directeur général Bureau international du Travail.

Le document de mise en cause du gouvernement guinéen relate, dans les moindres détails, le déroulement du "feuilleton CNTG" depuis la tenue du 16ème congrès de la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée jusqu’à la «déclaration N°3» issue de la rencontre des huit organisations syndicales du pays (CTNG-USTG-ONSLG-UDTG-CGSL-CGTG-UGTG-SIFOG) à la bourse du pays.

AfricaLog.com vous propose le contenu de ce texte en intégralité:

«CSI ; CSI Afrique : FOPADESC
M. Juan Somavia, Directeur général Bureau international du Travail
Bruxelles, 27 décembre 2011
Ref. : Liberté syndicale : Guinée

Monsieur le Directeur général,

La présente communication constitue une plainte formelle de la CSI contre le gouvernement de la République de Guinée pour non-respect des droits syndicaux. La Guinée a ratifié les Conventions 87 et 98, respectivement le 21.01.1959 et le 26.03.1959.

Le 24 septembre, la CNTG a tenu son 16ème Congrès statutaire aux termes duquel une équipe a été élue sous la direction d’Ahmadou Diallo, Secrétaire général. 98 délégués sur 113 étaient présents, confirmant que le quorum était atteint pour le vote. Deux jours plus tôt avait eu lieu le Conseil confédéral, dont les résultats avaient été endossés à la majorité par les délégués, suivi des Congrès des fédérations le 23 octobre.

Deux personnes mandatées par le Ministère du Travail étaient présents au Congrès. Des invités internationaux et représentants de l’OUSA, de la CGT France et de la CSC Belgique suivirent les travaux. Ils témoignèrent du bon déroulement du Congrès tout en corroborant sa légalité. La télévision nationale guinéenne RTG refusa par contre d’en diffuser les images et cela, en dépit du fait que la CNTG s’était acquittée d’un montant de 2.000.000 de Francs guinéens. Le syndicat a introduit un recours auprès du Conseil National de la Communication, qui est délibérément resté sans suite.
Les résultats du congrès statutaire furent mis en cause par un groupe de dissidents, qui convoqua son « propre congrès » deux jours plus tard dans une salle du Palais des Congrès louée à cette fin. Ce dernier ne regroupa cependant pas la majorité des délégués de la CNTG. Selon plusieurs témoignages, les personnes qui y participèrent n’étaient pas d’ailleurs, pour la plupart, les représentants attitrés des syndicats de base de l’organisation. Ce Congrès fut toutefois diffusé sur les ondes de la télévision nationale.

Du 5 au 7 octobre 2011, une mission de la CSI et de la CSI Afrique se rendit en Guinée en vue d’écouter les deux groupes liés à la CNTG et de tenter de contribuer à trouver une issue positive à ce conflit interne. Le Président de la République et la Ministre du Travail reçurent également la mission.

La mission syndicale observa en toute objectivité que:

1. L’article 47 des statuts de la CNTG fut l’élément déclenchant la contestation. Celui-ci indique que «tout membre du bureau promu à un poste administratif de décision ou législatif perd automatiquement sa fonction de responsabilité syndicale».Cet article fut soumis aux délégués participant au Conseil général du 22 septembre. Le vote détermina son retrait des statuts de l’organisation;

2. Les délégués qui, lors du Congrès, exigèrent la relecture des textes adoptés lors du Conseil général sont au nombre de 15, sur un total de 113. Un vote autour de la relecture des textes eut toutefois lieu. Les congressistes ont rejeté cette révision;

3. Le congrès du 26 septembre s’est tenu en dehors du délai légal indiqué dans les statuts de l’organisation et les délégués ne furent pas désignés suivant les procédures prévues aux termes des statuts et du règlement intérieur de l’organisation.

4. En conséquence, seul le Congrès tenu par la CNTG le 24 septembre est statutaire et légal et seul le bureau élu à cette date est légitime et doit être reconnu.

Par ailleurs, la délégation syndicale internationale fit appel au dialogue entre les parties. Les efforts de médiation n’ont toutefois pas abouti.

Dans la nuit du 8 octobre, le domicile d’Ahmadou Diallo fit l’objet d’une attaque par des bandits armés. Le Secrétaire général de la CNTG prit la fuite par l’arrière de sa propriété et, au cours de cette échappée, fut très grièvement blessé par des tessons de verre. Cette attaque fut donc planifiée au lendemain du départ de la mission syndicale internationale. La violence affichée permet de comprendre que ces individus avaient pour objectif d’attenter contre la vie du syndicaliste.

Le 17 octobre survinrent également de nouveaux faits de violence. Un groupe de personnes armées attaqua le siège de la CNTG pour l’occuper de force et y déloger les dirigeants élus par le Congrès, occasionnant des dégâts matériels importants (vitres brisées, portes démontées). Pire encore, 7 personnes furent grièvement blessées. Pourtant, dès qu’ils pressentirent les signaux de cette agression, les représentants de la CNTG s’adressèrent aux autorités guinéennes qui, pour des raisons inconnues, ne prirent aucune mesure préventive. La police intervint seulement à la fin de l’attaque et n’arrêta aucun des assaillants.

La CNTG porta plainte en déposant la liste des noms des personnes qu’ils avaient pu identifier. Une plainte contre x pour tentative d’assassinat du Secrétaire Général à son domicile le 8 octobre 2011 fut aussi introduite. Divers éléments permettraient de présumer l’existence d’un lien entre la contestation des résultats du 16e Congrès de la CNTG et ces graves faits de violence.

En octobre de nouveau, le Gouverneur de la ville de Conakry demanda aux leaders de la CNTG de lui remettre les clés de la bourse du travail. La CSI intervint alors auprès des autorités guinéennes en rappelant qu’une telle demande constituerait une ingérence dans les affaires syndicales. Les dirigeants de la CNTG refusèrent de remettre les clés de leur siège, communiquant et motivant leur position dans une correspondance écrite adressée au Gouverneur.

Par ailleurs, le groupe de syndicalistes qui ne reconnait pas le Congrès statutaire de la CNTG saisit le Tribunal du Travail pour réclamer l’annulation de celui-ci, exiger la reconnaissance de leur congrès du 26 septembre et demander la fermeture de la bourse du travail. La CNTG dénonça l’incompétence de ce Tribunal en se basant sur plusieurs articles du Code du Travail. Contre toute attente, le Tribunal tint son audience et statua le 16 décembre dernier, dans son Jugement N° 71, que les élections issues des deux Congrès sont irrégulières. Les résultats des votes ont donc été annulés par le tribunal, paralysant de la sorte le fonctionnement de la CNTG.

En sus de tous ces faits, un des comptes bancaires de la CNTG a été bloqué. De surcroît, dans une série de préfectures, les militants de la CNTG ont rencontré des obstacles alors qu’ils tentaient de restituer les résultats du 16ème Congrès aux militants syndicaux. Par ailleurs, lors de récentes négociations tripartites autour du pouvoir d’achat des travailleurs, un représentant du groupe contestant le Congrès statutaire de la CNTG aurait été admis par les autorités en tant qu’assesseur technique.

Les organisations syndicales guinéennes (CTNG-USTG-ONSLG-UDTG-CGSL-CGTG-UGTG-SIFOG) ont été unies autour de la CNTG. Leur déclaration N°3 du 19 décembre dernier fait appel à un rejet de la récente décision du tribunal du travail et indique une volonté de déstabilisation du mouvement syndical guinéen.

Au travers de cette plainte, la CSI et la CSI Afrique dénoncent le non-respect par le gouvernement de la République de Guinée des principes repris aux termes des Conventions 87 et 98 de l’OIT et cela, au travers de décisions judiciaires et par diverses mesures administratives qui bafouent les décisions prises démocratiquement par les délégués au Congrès statutaire de la CNTG. Les faits de violence survenus à plusieurs occasions, le contexte dans lequel ils se sont produits et l’impunité qui prévaut autour de ces dossiers permettent aussi de craindre pour la sécurité et l’intégrité des dirigeants syndicaux guinéens et reflètent un climat hostile à l’exercice de la liberté syndicale. Les syndicats guinéens ont été -et restent- des acteurs clé du processus de transition en Guinée. Ces développements portent un coup de semonce aux acquis et constituent un dangereux recul démocratique.

Vu la situation particulièrement inquiétante qui prévaut en Guinée, nous vous remercions d’avance de bien vouloir transmettre la présente lettre au Comité de la liberté syndicale et vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur général, l’expression de notre très haute considération.

Kwasi Adu Amankwah, Secrétaire général CSI Afrique

Sharan Burrow, Secrétaire générale CSI»

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