Un collectif d'organisations de Camerounais vivant en France a dénoncé mardi l'accueil réservé par Paris au président Paul Biya, en visite officielle de quatre jours, estimant qu'il s'agit d'une "prime accordée à la dictature et l'impunité". Au pouvoir depuis 1982, "Paul Biya est le nouveau doyen de la Françafrique depuis la mort du dictateur Bongo", a déclaré lors d'une conférence de presse Moïse Essoh, secrétaire exécutif du Collectif des organisations démocratiques et patriotiques de la diaspora camerounaise (Code).
"Lorsque le gouvernement français lui tend la main, lui déroule le tapis rouge, il s'agit d'une prime à l'impunité, à la dictature", a renchéri Guillaume Tene Sop, autre responsable du Code, dénonçant "le soutien insolent et arrogant à une dictature qui s'enrichit sur le dos des Camerounais". M. Biya entamait mardi une visite officielle en France et devait s'entretenir vendredi avec le président Nicolas Sarkozy. Le Premier ministre François Fillon s'est rendu en mai dans cette ancienne colonie, riche en pétrole, dont la France est l'un des principaux partenaires commerciaux. Le Code a indiqué attendre de M. Sarkozy qu'il "exige du dictateur Paul Biya la mise sur pied d'une commission d'enquête indépendante internationale au sujet des massacres de février 2008". Les autorités font état d'un bilan de 40 morts lors de ce mouvement social contre la vie chère et une révision constitutionnelle, mais l'Observatoire national des droits de l'Homme (ONDH) estime que ce chiffre s'élève à au moins 139 morts. La diaspora camerounaise veut aussi que M. Sarkozy "et son épouse, Carla Bruni, qui a chanté pour Mandela" demandent à M. Biya "que tous les prisonniers politiques soient immédiatement libérés", a déclaré M. Tene Sop. Le Code appelle également à ce que la France fasse pression sur M. Biya pour qu'il crée une commission électorale indépendante et "déclare ses biens et la provenance de ses biens". De son côté, Odile Tobner, présidente de l'association Survie qui milite pour l'assainissement des relations franco-africaines, a dénoncé le "pacte franco-camerounais". "La France soutient Biya et les multinationales françaises ont les coudées franches pour s'adjuger toutes les richesses du pays", a-t-elle déclaré. Une quarantaine de Camerounais ont manifesté plus tard dans l'après-midi à proximité de l'Assemblée nationale, a constaté une journaliste de l'AFP. Ils brandissaient une banderole sur laquelle on pouvait lire: "arrêtons le soutien aux dictateurs, soutenons les peuples africains, ensemble contre la Françafrique", ainsi que des pancartes proclamant: "Biya assassin, Sarko complice". L'ex patron du Parti socialiste, François Hollande, qui déjeunait à proximité, est venu à l'appel des manifestants pour leur apporter son soutien: "Nous devons faire pression pour que le président Sarkozy, en recevant Biya, dise que la démocratie n'est pas réservée à certains pays mais qu'elle est universelle", a-t-il dit. - AFP