Le Front d’Union pour la Démocratie et le Progrès estime que le «Rapport Final du Cadre de Dialogue Inclusif n’est en fait qu’un catalogue de points de consensus et de points de désaccord, sans compter ceux qui n’ont même pas fait l’objet d’un examen».
Selon ce groupe de l’opposition mené par M. Bah Baadiko, ce document est un «simple procès-verbal».
AfricaLog vous livre la déclaration du FDP en intégralité :
«Après deux mois de travaux, le Dialogue politique inter-guinéen s’est achevé le 23 février 2012 dans la confusion et l’incertitude. La procédure de facilitation mise en œuvre pouvait difficilement donner d’autre résultat.
Ayant pris conscience que cette assise était celle de la dernière chance pour ramener la sérénité et le consensus dans l’arène politique, le FDP s’est investi à fond pour proposer des solutions concrètes et réalistes, permettant de débloquer la situation politique et ouvrir la voie à la tenue d’élections législatives transparentes, libres et équitables, dans une atmosphère apaisée. Tout au long de ces assises, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour montrer la voie de la tolérance, du respect mutuel, de la vérité et de l’engagement au service de l’intérêt général. Nous avons travaillé avec nos collègues du Collectif, afin de faire entendre une voix forte et unie de l’opposition guinéenne. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour ne pas donner au peuple de Guinée et à l’opinion internationale, l’image désastreuse d’une opposition désunie et incapable de s’entendre sur un minimum, face à un pouvoir décidé à faire passer en force ses choix contestés. Nous avons volontairement refusé de nous laisser divertir par des querelles de quotas ou de préséance, mettant plutôt l’accent sur la défense des revendications politiques de l’opposition. En toute modestie, nous avons été pratiquement le seul groupe à proposer des textes écrits exposant nos revendications.
Au sortir de dialogue auquel le peuple croyait beaucoup, nous arrivons à un «Rapport Final du Cadre de Dialogue Inclusif» qui n’est en fait qu’un catalogue de points de consensus et de points de désaccord, sans compter ceux qui n’ont même pas fait l’objet d’un examen. Ce document, simple procès-verbal, n’est en rien un accord contraignant et se prête donc à tous les usages et à toutes les interprétations.
Selon notre propre compréhension basée sur les déclarations entendues au cours des travaux, les points de revendication suivants présentés par l’opposition sont acquis :
1. Libre accès des partis politiques aux médias publics ;
2. Libre exercice des activités politiques ;
3. Interdiction faite aux agents du Ministère de l’Administration territoriale de faire campagne, en aucune façon pour le parti au pouvoir ;
4. Audit indépendant du fichier électoral avant toute révision ;
5. Annulation des nominations précédentes aux démembrements de la CENI et des CARLE et reprise de ces nominations, en y incorporant les représentants de l’opposition ;
6. Révision normale des listes électorales conformément à la loi et séparation d’avec la délivrance des cartes d’identité qui ne seront pas exigées pour voter.
Les points de désaccord se rapportent essentiellement à la restructuration de la CENI et à la question des élus locaux:
-Refus d’une restructuration de la CENI comportant le départ de certains commissaires et le remplacement d’autres commissaires par les structures qui les ont nommés ;
-Refus de recomposer la CENI sur la base légale de la parité entre le pouvoir et l’opposition, selon les nouvelles réalités politiques découlant des dernières élections présidentielles;
- Refus de reformer la CENI afin de l’assainir et de contrôler son fonctionnement, en mettant en place une commission ad hoc de suivi et de liaison ;
- Refus de laisser l’opérateur SAGEM continuer les opérations de révision du fichier qu’elle a mis au point ;
- Refus de rouvrir le dossier des élus locaux illégalement démis.
A notre connaissance, la question du vote de nos compatriotes de l’extérieur aux élections législatives à la liste proportionnelle n’a pas été abordée.
Tout au long de ces travaux, c’est le gouvernement lui-même qui a tout fait pour donner l’impression qu’il n’en n’attendait rien et que les jeux étaient faits d’avance. La CENI de son côté, a continuellement fait planer sur le Dialogue, la menace d’une reprise de ses activités, alors qu’elle était elle-même sur la sellette.
Ainsi, malgré le Dialogue, la Guinée se retrouve toujours dans l’impasse politique, avec tous les risques que cela comporte pour la paix et la démocratie. Face à la perte totale de crédibilité de l’actuelle CENI, l’opinion publique guinéenne fait une fixation à son propos. Tant qu’une restructuration en profondeur de la CENI n’interviendra pas, elle aura le sentiment que rien n’aura été obtenu, malgré les avancées citées précédemment, au moins en théorie.
Quant à la situation économique et sociale, on peut affirmer qu’elle est la pire que le pays ait connu. Les populations endurent des souffrances indescriptibles et sont au bord de la révolte. Par la faute du pouvoir et ceux qui se placent sur le même terrain ethniciste que lui, le tissu communautaire est en lambeaux, avec des perspectives très sombres, au milieu d’une région Ouest africaine en pleine ébullition.
Pour sortir de cette impasse qui coûte si cher à notre peuple et finaliser enfin la transition vers un véritable Etat démocratique et unitaire, il est indispensable que le pouvoir renonce à la politique des faits accomplis, à sa tentative d’imposer une politique totalitaire vouée à l’échec, à la fuite en avant et à aux manœuvres en tout genre visant à annihiler l’opposition. Une sortie de la transition par un coup de force électoral ne résoudrait en rien les problèmes actuels, bien au contraire. D’un autre côté, il faut en finir avec la stratégie de l’obstruction et de la tension, en privilégiant le dialogue franc et fraternel. Nous devons proscrire les attitudes partisanes exacerbées, les manœuvres politiciennes de bas étage, les invectives, les outrances verbales et même les agressions physiques. Ceux qui, par calculs égoïstes veulent se murer dans l’intransigeance, en refusant le compromis sur les questions essentielles relatives à l’avenir du pays, devront prendre leurs responsabilités.
Nous proposons :
1. La recherche d’un consensus sur la restructuration de la CENI, en se conformant aux textes légaux existants. L’égalité de traitement doit être de rigueur entre l’Administration et les autres entités ayant des représentants à la CENI. Les questions de personnes ne doivent pas occulter le vrai débat sur l’indispensable restructuration de la CENI.
2. La finalisation du Dialogue par un véritable Accord politique inter-guinéen qui doit sceller le retour à la sérénité et ramener un minimum de confiance entre les acteurs politiques. Ce document doit être élaboré dans la précision et la clarté et ne laisser aucune possibilité d’interprétation divergente sur les questions capitales. C’est cette absence d’accord détaillé et écrit qui avait permis toutes les dérives observées au cours de la transition de 2010 et qui explique en grande partie la crise actuelle.
Fait à Conakry, le 25 Février 2012
Le Comité de Coordination du FDP»
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