Deux fois, on a annoncé à l'Américain Timothy Brown qu'il allait mourir: d'abord en 1995 pour sa séropositivité, puis en 2006 pour une leucémie. Seul malade guéri du sida, après une greffe de cellule-souches, son cas unique donne espoirs et nouvelles perspectives aux chercheurs.
Mon rêve n'est pas d'être le premier homme qui vous dise je suis guéri, mais de dire +nous sommes guéris+, a lancé Timothy Brown, lors de la conférence International symposium HIV & emerging infectious diseases (Isheid) qui a réuni récemment à Marseille (sud) près d'un millier de professionnels, dont plus de 600 médecins virologues.
Présenté dans la littérature médicale comme le patient de Berlin, car c'est là qu'il a été soigné, le rescapé du sida accepte maintenant de témoigner et son cas est de mieux en mieux connu et analysé par la communauté médicale.
L'Américain, qui vit à San Francisco, a reçu une standing ovation de la salle après avoir raconté son parcours de souffrance et d'espoir jusqu'à la guérison il y à 5 ans.
Avant lui, son sauveur Gero Hütter, hématologue à l'hôpital universitaire de la Charité de Berlin, avait exposé devant l'assistance comment il a mis en oeuvre son traitement.
L'idée de traiter les patients atteints du VIH avec une thérapie cellulaire est apparue dans les années 80, mais elle ne marchait pas, a relaté le médecin allemand.
Lorqu'on lui présente Timothy en 2006, l'idée de Gero Hütter est de chercher dans les donneurs de moelle quelqu'un qui soit porteur d'une mutation génétique propre à 1% de la population blanche.
Une particularité génétique, absente chez les populations asiatiques et africaines, présente essentiellement chez des populations blanches autour de la mer Baltique et en Europe du Nord, a souligné le DR Hütter.
Cette mutation touche la serrure - le récepteur CCR5-d32 - qui permet au virus d'infecter les cellules - lymphocytes CD4 - immunisant ainsi les porteurs contre le VIH.
Timothy Brown reçoit consécutivement en 2007 deux greffes de moelle osseuse: non seulement sa leucémie est vaincue mais, au bout de 6OO jours, la charge virale est devenu indétectable. Son taux d'anticorps a baissé à un niveau témoignant de la disparition du virus. Un verdict confirmé depuis par de nombreuses biopsies.
Le cas est historique, mais le Dr Gütter a tempéré les perspectives ouvertes par ce traitement, qui est certes une voie pour la recherche, mais ne peut être la solution curative pour les 34 millions de malades de la planète.
Il n'y aurait pas assez de donneurs pour les traiter, reconnaît le chercheur.
Timothy a également souligné l'enfer de la thérapie: une complication neurologique a fortement affecté sa mémoire et son langage et le risque de mortalité est important. Un patient sur trois décède.
Les nouvelles orientations de la recherche conduisent pourtant des spécialistes dont le Dr Alain Lafeuillade du service d'infectiologie de l'hôpital Sainte-Musse de Toulon, organisateur de ce colloque, à envisager l'éradication de la maladie à moyen terme.
C'est la première fois que l'on démontre que c'est possible, s'enthousiasme le scientifique, citant de nouvelles pistes en matière de traitement préventif ou de nouvelles thérapies fonctionnelles consistant à rendre le virus dormant sans prendre de médicaments toute sa vie.
Le Dr Lafeuillade croit aussi beaucoup à une réorganisation de la recherche et participe à un programme lancé par le prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi, Toward cure qu'elle va présenter à la 19e conférence mondiale sur le SIDA du 22 au 27 juillet à Washington (www.aids2012.org).
Elle dit qu'il faut prendre les choses à l'envers. Au lieu de chercher comme pour la vaccination des financements importants, puis lancer la recherche, elle préconise de demander à des groupes de chercheurs ce qu'il faut faire, puis chercher les financements, explique le médecin toulonnais, espérant que ce renversement de perspective permette de faire émerger de nouvelles voies thérapeutiques. - AfricaLog avec agence