Du 29 mai au 1er juin, une mission de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie) a séjourné à Conakry. Les experts de la Francophonie qui composent ladite mission ont été invités par le Président guinéen, Alpha Condé, pour vérifier la fiabilité des matériels de la société sud-africaine, Way Mark, recrutée par le gouvernement pour engager l’opération de révision du fichier électoral de 2010, conçu par la SAGEM. Le 31 mai et le 1er juin, ces experts de l’OIF ont effectué une démonstration devant les représentants de la mouvance présidentielle, des Centristes ainsi que des représentants de l’opposition, a constaté AfricaLog.com à Conakry.
Après les deux jours de vérification, apparemment la montagne n’aura accouché d’une souris. D’autant que les missionnaires de l’OIF n’ont pas donné leur conclusion sur leur mission, du moins pour le moment. Hugo Sadda, le chef de la mission, sorti de la salle après les travaux, n’a pas voulu se prêter aux questions des journalistes.
La conférence de presse qui avait été prévue au terme de leurs travaux n’a pas eu lieu. Elle devait pourtant faire le bilan de leur mission.
Mais, peu avant la fin de la journée du 1er juin, le principal opposant du président Alpha Condé, Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée, UFDG, a quitté Conakry pour un séjour hors de la Guinée. Avant son départ, il a rappelé les faiblesses de la CENI en ces termes: «La CENI nous a dit que l’ensemble des données alphanumériques et biométriques était transféré sur les kits de Way Mark. Cette CENI a fixé deux dates pour l’organisation des élections… Elle a mis à nu ses faiblesses, son incompétence. Dans la loi 013 qui crée cette CENI, il est clairement dit que les commissaires de la CENI sont choisis en fonction de trois critères: la probité, la compétence et la bonne moralité. Il se trouve qu’aujourd’hui avec l’expérience qu’on a eue, cette CENI-là ne peut plus remplir ces critères. Au-delà de tout cela, il y a une question de confiance. Si on veut aller à des élections apaisées, il vaut mieux qu’on recompose la CENI. On va demander au RPG de désigner dix membres, à l’opposition dix membres, à la société civile trois membres et à l’administration deux membres. Ainsi, nous sommes tous rassurés.» Et de marquer une pose avant de poursuivre: «D’abord nous avons établi un fait: le système Way Mark n’était pas paramétré pour faire de la révision mais plutôt pour faire le recensement. Cela a été mis en évidence pendant cet exercice. On a dit que l’OIF va rédiger des termes de référence auxquels Way Mark va essayer de satisfaire pour rassurer que la sécurité y est, que les appareils sont paramétrés pour faire une révision. Parce que l’article 19 du Code électoral dit qu’il s’agit d’une révision. Cela a mis à nu les faiblesses du système grâce au rapport d’audit du fichier et grâce au débat, on a pu quand même établir la vérité.»
Parlant de l’initiative entreprise par le Président Alpha Condé, l’opposant a soutenu: «C’est une avancée. Puisqu’avant le président de la CENI nous disait non, les appareils sont performants, mais on a vu qu’ils comportaient encore beaucoup de faiblesses. L’OIF va exiger un cahier de charge. Les appareils vont essayer de satisfaire. Et il y aura une mission de vérification par des experts indépendants. C’est après cela qu’on va s’asseoir encore et décider de la validation ou pas des matériels Way Mark… »
Même si Way Mark remplit ces exigences techniques, Cellou Dalein Diallo demande que la CENI soit recomposée. «Quelle que soit la qualité des matériels, quelles que soient les garanties que nous donne le fournisseur, quelles que soient les assurances que pourraient nous donner des auditeurs indépendants, si la gestion de ces machines relève de la compétence de la CENI comme c’est le cas actuellement, nous n’accepterons pas», a-t-il soutenu.
Dans la salle de conférence du réceptif hôtelier, les débats se sont poursuivis jusqu’à 17h GMT. A leur sortie, les positions de la classe politique n’ont pas varié. Saloum Cissé, Secrétaire général du RPG-arc-en-ciel, a déclaré: «Ce qu’on peut essentiellement retenir, ce sont les aspects techniques en amont et en aval. Cela nous a permis de voir ce qui est vraiment critiquable et ce qu’on peut améliorer. C’est un aspect important. Le deuxième point, c’est la CENI. Le centre, la mouvance et l’opposition ont exposé leurs problèmes. Ce sont aux experts de voir quelles sont les conclusions auxquelles ils peuvent vraiment aboutir. Le développement a été fait dans tous les sens, à partir des quels, le collège des experts fera des propositions».
La rencontre a été un échec? M. Cissé de répondre par la négative: «Ce n’est pas du tout un échec. Le pays est régi par des lois, nous voulons fouler au sol la loi sur la Ceni». Et de laisser transparaître que recomposer la Ceni actuelle, c’est ouvrir la boite aux pandores en Guinée. Selon lui, faut s’en tenir au «consensus ou respecter les lois et améliorer le cadre d’application de ces lois. C’est un problème de choix. Ou on respecte la loi ou on ne la respecte pas. Si on la respecte, nous maintenons la CENI et nous améliorons son cadre de travail», a-t-il révélé avant de se sauver à la pointe des pieds.
Naby Youssouf Kiridi Bangoura, le ministre porte-parole de la Présidence de la République est sorti de la salle souriant. Et de dire brièvement: «c’est une belle rencontre qui a enregistré des débats houleux et intéressants».
Aboubacar Sylla, président de l’Union des Forces du Changement, UFC, et porte-parole de l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès, a lui affirmé: «Il y a eu des débats très ouverts et très sérieux concernant la restructuration de la CENI. Nous de l’ADP et du Collectif, nous nous félicitons d’avoir insisté pour que l’ordre du jour de cet atelier soit modifié. Car comme vous le savez, au départ l’ordre du jour ne concernait que les questions techniques notamment de la fiabilité et de la performance des matériels de Way Mark. Nous avons exigé que ces questions techniques soient examinées et qu’on inscrive à l’ordre du jour, l’examen des questions institutionnelles, juridiques et politiques qui concernent notamment la CENI et ses démembrements. Nous avons eu gain de cause. Et les débats ont été très ouverts.»
Il réaffirme que le Collectif des partis politiques pour la finalisation de la Transition et l’ADP ont fait valoir leurs positions: «la CENI actuelle dans sa composition viole les dispositions de la loi qui l’a créée et qui règle son fonctionnement, notamment la loi 013. Nous avons fait la démonstration que pour que la CENI garde sa neutralité et l’impartialité, il était indispensable que la parité en son sein soit rétablie. Il est convaincu qu’il y a eu harmonie des points de vue au sujet de la restructuration de l’organe électoral. Même que «la balle est maintenant dans le camp des autorités. » Le Collectif et l’ADP se seraient contentés de «faire des débats, de présenter les différentes positions avec les argumentaires qui les accompagnent.» Car, déclare M. Sylla, la question est de savoir si le compte rendu qui va en être fait au «Président de la République par son envoyé à cet atelier, en l’occurrence son chef de cabinet, porte-parole de la Présidence, va suffisamment le convaincre pour prendre les décisions qui s’imposent ». Sinon, prévient le président de l’UFC, ce sera malheureusement un retour à la case départ. «On serait comme au lendemain du dialogue politique inclusif qui s’est déroulé au Palais du peuple pendant deux mois» sans encore réussir à aplanir les divergences entre le pouvoir et l’opposition en vue d’organiser les élections législatives qui marqueront la fin de la transition entamée, il y a près de quatre ans.
Soulignons que le premier jour, quelques minutes après le début de l’opération de vérification des matériels Way Mark par les experts de la francophonie, Aboucar Sylla, Cellou Dalein Diallo et Faya Millimono, l’ex de la NGR, porte-parole du Collectif des partis, sont sortis de la salle. Faya Millimono, lui avait déclaré: «Nous réitérons que notre priorité, c’est la restructuration de la Ceni. Une fois ce problème résolu, tout le reste sera résolu rapidement. Mais dans la salle, on est en train d’aller dans les détails. Ce n’est pas ce qu’on attendait». Il n’est pas revenu le lendemain. Cellou Dalein Diallo et Aboubacar Sylla, eux étaient revenus.
AfricaLog.com