La nouvelle première dame d'Égypte, Naglaa Ali Mahmoud, a au moins une chose en commun avec celle qui l'a précédée, Suzanne Moubarak : elles ont toutes les deux vu leur mari et leurs fils se faire incarcérer dans les prisons égyptiennes. Mais là s'arrêtent leurs ressemblances.
La femme de l'ancien président Hosni Moubarak est une diplômée universitaire élégante née d'une mère britannique. Elle a été critiquée pour son élitisme, sa vanité, sa suffisance et son caractère dominateur. Les Égyptiens lui ont aussi reproché de ne pas être consciente des conditions de vie difficiles des citoyens ordinaires.
En comparaison, la femme du président islamiste Mohammed Morsi est une musulmane conservatrice qui porte le voile et qui n'a jamais étudié à l'université. Ses détracteurs estiment que son style représente la montée de l'islam conservateur en Égypte, tandis que ses partisans affirment que ses manières et son passé modestes symbolisent l'esprit démocratique de la révolution.
Naglaa Ali Mahmoud ne veut pas qu'on l'appelle «la première dame». «Je veux qu'on m'appelle la femme du président», a-t-elle déclaré lors d'une entrevue téléphonique. «De toute façon, qui a dit que la femme du président doit être désignée comme la première dame?»
Elle préfère plutôt se faire appeler Oum Ahmed, ce qui signifie «la mère d'Ahmed», son fils aîné.
C'est un surnom que certains membres de l'élite laïque pourraient considérer comme trop patriarcal.
Mais ses défenseurs soulignent que contrairement aux deux autres premières dames qui l'ont précédée, elle n'a pas pris le nom de famille de son mari, un signe d'affirmation de soi conforme à la tradition islamique.
Si Naglaa Ali Mahmoud devait avoir un titre, elle aimerait qu'on l'appelle «la première servante du peuple», a-t-elle dit.
Oum Ahmed a rapidement voulu prendre ses distances avec celles qui l'ont précédée, dont l'ancienne première dame Jihane al-Sadate qui, comme Suzanne Moubarak, était une diplômée universitaire impeccablement habillée et coiffée, elle aussi née d'une mère britannique.
Dans son nouveau rôle de «femme du président», Oum Ahmed, âgée de 50 ans, détonne par son style vestimentaire. La façon dont elle porte son voile islamique est considérée par certains comme l'antithèse de l'élégance. Les commentaires sur son style alimentent une guerre de mots sur les réseaux sociaux.
La grande robe noire qui recouvre son corps, l'abaya, est un autre signe de ses moeurs. C'est la tenue portée par les partisanes des Frères musulmans. Elle ne porte pas de maquillage et pas de vernis à ongles, conformément à la tradition conservatrice.
Certains de ses détracteurs ne s'opposent pas au fait qu'elle porte le voile, mais plutôt au genre de voile qu'elle porte: de grands foulards aux couleurs ternes qui recouvrent ses épaules et qui sont en quelque sorte considérés comme la tenue officielle des femmes membres des Frères musulmans.
«Je n'ai pas de problème avec son hijab. Mais j'ai un problème avec ce vert phosphorique», a lancé le blogueur progressiste Mahmoud Salem lors d'une entrevue avec l'Associated Press. Selon lui, la tenue d'Oum Ahmed envoie le message que les jeunes filles musulmanes devraient s'habiller de cette façon, en plus d'aliéner les chrétiens et les musulmanes qui ne portent pas le voile.
Les Égyptiens attendent de voir si Oum Ahmed choisira de rencontrer des dignitaires étrangers, de participer à des conférences et à d'autres événements avec ou sans son mari. Une autre question est de savoir si elle suivra le protocole conservateur et refusera de serrer la main des hommes. Son mari a défié ce protocole cette semaine et a été photographié en train de serrer la main de certaines femmes.
Une jeune militante des Frères musulmans, Fatema Abouzeid, l'a rencontrée pour la première fois au mois de mai et l'a trouvée modeste et sociable.
«Elle n'est pas arrogante. (...) Je ne veux pas la comparer avec Suzanne, mais la principale différence que je vois, ce sont ses manières avec les gens. Elle se tient normalement parmi les gens et elle parle normalement.»
Azza al-Gharf, un ancien député des Frères musulmans qui connaît Oum Ahmed depuis cinq ans, a affirmé que pendant la campagne de son mari, la nouvelle première dame s'assoyait parmi la foule et refusait qu'on lui réserve une place spéciale.
Pour M. al-Gharf, ce qui rend Oum Ahmed si différente de Suzanne Moubarak, c'est qu'elle est «l'une des nôtres» et qu'elle a vécu les mêmes problèmes que les autres Égyptiens.
«Elle est une vraie femme égyptienne. Elle se tient aux côtés de son mari avec dévotion», a dit M. Al-Gharf. – AfricaLog avec agence