«Il n’y a aucune raison juridique qui puisse expliquer le maintien en détention de nos clients», se plaint l’avocat de la défense. «Avant le terme de six jours, normalement, nous ne pouvons pas procéder à l’exécution de cet arrêt», réagit le Procureur général.
Les personnes libérées par la chambre de mise en accusation dans le dossier de l’attaque du domicile privé du Président de la République (général Nouhou Thiam et compagnie) continuent à croupir en prison. La joie des parents cède peu à peu la place à l’amertume. Quant à leurs avocats, ils se disent désemparés face à ce qu’ils qualifient de déni de justice. Ils viennent de le faire savoir à la faveur d’une conférence de presse.
Un des avocats de la défense est Me Mohamed Traoré: «Dans cette décision, la chambre d’accusation a ordonné la mise en liberté de 14 détenus contre lesquels elle n’avait rien retenu. C’est dire que ces personnes-là ont bénéficié d’un non-lieu. C’est pourquoi la chambre d’accusation a ordonné leur mise en liberté immédiate. Mais, comme on le sait, l’exécution des décisions appartient au ministère public. Donc, le ministère public était chargé de mettre à exécution cette décision. Mais à ce jour, on constate que nos clients sont toujours en prison».
Quelles sont les raisons évoquées pour le maintien des détenus en prison? Me Traoré tente d’y répondre: «C’est à partir d’hier qu’une raison véritablement juridique a été avancée. Vous savez, en matière pénale, le pourvoi ainsi que le délai de pourvoi sont suspensif de l’exécution de la décision. C’est certainement sur cette règle-là que se fonde le parquet pour ne pas mettre à exécution la décision qui a été rendue. Nous sommes obligés d’attendre l’expiration du délai de pourvoi qui est de six jours en matière pénale».
L’organisation de cette rencontre avec la presse, avant l’expiration de ce délai ne pourrait-elle pas être perçue par certains comme une forme de pression que les avocats voudraient exercer sur les autorités judiciaires? Pour les avocats de la défense, «Non, il ne s’agissait nullement de mettre une quelconque pression sur qui que ce soit. Notre objectif était d’informer l’opinion nationale sur ce qui se passe en éclairant chacun là-dessus».
Que retenir désormais par rapport à l’exécution de la décision? Réponse de Me Mohamed Traoré de la défense: «ce qu’il faut retenir, c’est que, nous nous acheminons certainement vers un pourvoi en cassation du Parquet général. Et si cela se faisait, nous serions obligés, en tant qu’avocats respectueux de la loi, de nous conformer à la procédure. Parce que si nous aussi nous étions en désaccord avec la décision, on aurait certainement exercé un pourvoi en cassation».
Toutefois, il y a quelque chose d’incompréhensible dans cette affaires, selon Me Traoré: «ce qui nous étonne dans cette affaire, c’est qu’apparemment, au cours des débats et après, quand la décision a été rendue, toutes les parties semblaient satisfaites y compris le Parquet. Parce qu’il faut rappeler que cette décision a été rendue en grande partie conformément aux réquisitions du ministère public et à la demande des avocats de la partie civile, eux-mêmes».
Ainsi qu’on le remarque et suivant les explications de l’avocat de la défense, les différentes parties se satisfaisaient apparemment de la décision de non-lieu. «Alors, que le Parquet nous dise aujourd’hui ou nous fasse comprendre qu’il veut se pourvoir en cassation, ça nous étonne un peu, ça nous étonne», s’exclame Me Mohamed Traoré pour qui, «encore une fois, lorsque la décision a été rendue, personne ne donnait l’impression de vouloir exercer un quelconque recours. Au contraire, on nous avait donné l’assurance qu’hier, à 10 h, nos clients auraient été mis à notre disposition. Maintenant que, comme je l’ai dit, nous nous acheminons vers un pourvoi en cassation du Parquet, nous sommes obligés d’attendre jusqu’à ce que le délai de pourvoi expire. C’est un délai de six (6) jours, je rappelle. Et à l’issue de ça, si le Parquet fait un pourvoi en cassation, l’affaire sera débattue devant la Cour suprême. Dans le cas contraire, s’il n’y a pas de pourvoi en cassation, nous ferons constater cela par un huissier et nous demanderons l’exécution pure et simple de la décision qui a été rendue».
Quelques heures après ces déclarations, les propos ont évolué. Les avocats de la défense estiment que le dossier a pris une tournure politique sinon l’arrêt est clair et précis, les 14 personnes qui ont bénéficié d’un non-lieu devraient être immédiatement libérés depuis lundi dernier à 15 heures. Mais tel n’est pas le cas jusqu’à date.
Me Mohamed Traoré: «Il n’y a aucune raison juridique qui puisse expliquer le maintien en détention de nos clients. S’il n’y a pas donc d’explication juridique, on ne peut penser qu’à des explications politiques. On nous fait croire que les choses se passent conformément à la loi. Et d’ailleurs depuis le début de cette procédure, tous les magistrats auxquels nous avons eu à faire, ont insisté sur le fait qu’ils n’ont reçu de pression de la part de personne. Ils ont particulièrement insisté sur le cas du Président de la République qui a dit que s’il y a des personnes innocentes dans cette affaire, il faut les mettre en liberté».
Alors, où pourrait se trouver le blocage? Me Traoré accuse: «le blocage se trouve au niveau du Parquet général. L’arrêt dit que le Parquet général est chargé de l’exécution de cette décision. Donc, on nous fait croire que, tantôt les principes sont respectés, tantôt on foule ce principe au pied. C’est incompréhensible».
Le Parquet général rejette cette accusation. Le Procureur général, Hassan I Diallo affirme respecter un délai de pourvoi en cassation de six (6) jours contre l’arrêt de la décision de mise en liberté: «Cet arrêt ne nous a pas été notifié. Mais, au-delà, du fait que l’arrêt n’avait pas été notifié, il y a que la loi a prévu un délai de recours, c’est-à-dire, un délai un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Et la loi dit que ce pourvoi ainsi que le délai de pourvoi sont suspensifs d’exécution. Et ce délai de pourvoi est de six (6) jours. Puisque le délai lui-même, est suspensif d’exécution, ça veut dire qu’avant le terme de six jours, normalement, nous ne pouvons pas procéder à l’exécution de cet arrêt. Maintenant, si au terme des 6 jours, il n’y a aucun recours contre cet arrêt, en ce moment, et forcément, le Parquet général procédera à l’exécution dudit arrêt».
Jusqu’au moment où nous mettions en ligne cet article et bien que les six jours soient expirés, les 14 détenus croupissaient encore en prison.
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