Le Président Macky Sall démet son Ministre-conseiller, Moustapha Cissé Lô. Ce qui vient de se passer au Sénégal pourrait être qualifié de "record" en matière de mise out d’un membre de gouvernement ou d’un cabinet présidentiel. En tout cas, Moustapha Cissé Lô vient de connaître la plus courte durée de vie avec le titre de "Ministre".
En effet, alors qu’il venait d’être élu député au compte du parti présidentiel, le Ministre-conseiller, Mohamed Cissé Lô a été limogé dans l’après-midi du vendredi 13 juillet 2012 par le Président Macky Sall.
Motif de l’acte présidentiel : M. Cissé Lô avait récemment fait des déclarations dans la presse que l’on pourrait qualifier sous d’autres cieux de "crime de lèse-majesté". Il a déclaré, en dépit des instructions de Macky Sall, qu’il allait briguer le poste de la présidence de l’Assemblée nationale. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est sa menace de quitter l’Alliance pour la République (APR), le parti présidentiel s’il n’était pas choisi pour le perchoir. Alors que ce poste est déjà promis à Moustapha Niasse, alliance électorale obligeant.
La décision du Président Sall était ainsi une réponse aux multiples déclarations de Moustapha Cissé Lô. Propos considérés par le Secrétaire général du gouvernement, Seydou Guèye comme une défiance de l’autorité du chef de l’Etat: «A mon avis, quand on occupe un poste comme celui de Moustapha Cissé Lô, il y a des divergences qu’il ne faut pas étaler sur la place publique. Certaines attitudes ne sont pas républicaines. Un ministre conseiller devrait d’abord discuté avec le Président de la République qui l’a nommé et non faire de telles déclarations publiques».
Nos confrères sénégalais rapportent que Moustapha Cissé Lô «tenait des propos discourtois à l’endroit du chef de l’Etat, allant jusqu’à le menacer de ses foudres». Ainsi, précisent-ils, «en faisant ses valises pour le sommet de l’Union, avant-hier, le président de la République Macky Sall a laissé à ses collaborateurs le décret mettant fin aux fonctions de son Ministre-conseiller, avant de s’en voler pour Addis-Abeba» pour le 19ème Sommet de l’Union Africaine.
Quant au Porte-parole du Président Macky Sall, il souligne «un manque de discipline» de l’ex-Ministre-conseiller et sa propension à «faire dans le chantage». Abou Abel Thiam révèle que: «Malgré les rappels à l’ordre, par la voix du Porte-parole du Président de la République, il [Moustapha Cissé Lô] persistait dans son comportement désinvolte et ses manœuvres entreprises dernièrement pour bafouer l’autorité du Chef de l’Etat».
Moustapha Cissé Lô doit être en train de méditer quelque part avec certainement cette citation de Jean-Pierre Chevènement, ancien Ministre français: «Un ministre, ça ferme sa gueule. Si ça veut l'ouvrir, ça démissionne».
Quant à Macky Sall, il doit savoir que «la fidélité à ses convictions est nécessaire à la démocratie», dixit Jean-Pierre Chevènement.
Post-scriptum d’AfricaLog: Pour mieux comprendre les relations entre Macky Sall et Moustapha Cissé Lô, d’une part et entre Macky Sall et Moustapha Niasse, d’autre part, nous vous proposons un extrait d’article de nos confrères du "pays de la terranga", le Sénégal:
«Ancien Premier ministre et ex-Président de l’Assemblée nationale, Macky Sall (51 ans) a été élu, le 25 mars dernier, au second tour du scrutin présidentiel avec 65,8% des voix. Sa coalition, Benno Bokk Yaakaar, a gagné les élections législatives du 1er juillet, remportant 119 de députés sur 150 sièges.
Cette victoire laisse entrevoir la réalisation d’un engagement du Président Sall de voir son principal allié du second tour de la présidentiel, Moustapha Niasse, installé à la présidence de l’Assemblée nationale. M. Niasse fut tour à tour ministre, Premier ministre et parlementaire.
Toutefois, des responsables du parti du Président Sall, l’Alliance pour la République (APR, d’obédience libérale), notoirement Moustapha Cissé Lô, continuent de s’opposer à la désignation du socio-démocrate Moustapha Niasse pour occuper le perchoir, en raison des idéologies distinctives.
Pour sa part, Moustapha Cissé Lô, un opérateur économique et politicien influent à Touba, la capitale du Mouridisme, faisait partie des anciens responsables du Parti démocratique sénégalais (PDS, alors au pouvoir), qui avaient suivis Macky Sall dans la disgrâce avec le Président libéral Abdoulaye Wade.
Ancien socialiste reconverti libéral, M. Lô en avait payé de son siège de député, tandis que M. Sall était contraint de quitter la présidence de l’Assemblée nationale et le PDS, dont il était membre. Fin 2008, M. Sall créait l’APR, et l’inscrivait dans l’opposition à son ancien mentor dans la formation libérale.
Aux élections locales du 22 mars 2009, l’APR commençait à émerger, à l’instar d’autres partis de l’opposition pour avoir remporté les grandes villes du pays dans le cadre de Bennoo Siggil Senegaal. Cette victoire signalait aussi l’affaiblissement du régime en place.
Cependant, cette coalition ne garda pas toute sa forme, en direction de la présidentielle de février 2012.
En mars 2012, l’alliance reprit sous le nom Benno Bokk Yaakaar qui a soutenu Macky Sall dans sa victoire sur le président Wade, qui bouclait 12 ans de règne.
Sorti troisième au premier de la présidentielle, Moustapha Niasse a été désigné, par la suite, pour conduire la liste nationale de la coalition au pouvoir, laissant entrevoir la confirmation de l’engagement de Macky Sall de voir M. Niasse, installé à la présidence de l’Assemblée nationale.
Né le 4 novembre 1939 à Keur Madiabel (Centre), Moustapha Niasse est le Secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (AFP), parti qu’il a créé le 16 juin 1999, suite à son départ du Parti socialiste qui perdit le pouvoir l’année suivante.
Disciple de l’ancien poète-Président Léopold Sédar Senghor, M. Niasse est ancien administrateur civil, devenu politicien et homme d’affaires. Il a raté trois fois de suite l’élection présidentielle, mais son soutien aux candidats de l’opposition a été décisif dans les alternances de 2000 et 2012 ».
AfricaLog a appris qu’ « informés de la décision du Chef de l’Etat, des proches du Khalife général des mouride auraient apprécié l’élan de fermeté qui se manifeste à travers la révocation du ministre-conseiller Moustapha Cissé Lô».