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Analyse d’une démission: Les origines de la discorde

Jul 31, 2012
Analyse d’une démission: Les origines de la discorde

La désormais vrai fausse démission du Ministre de la Justice, continue à alimenter la chronique dans le pays. Le dernier article qu’AfricaLog a reçu est une analyse de cet acte de la part du «neveu et protégé» du Pr. Alpha Condé lorsqu’il était étudiant à Paris, Christian Sow. L’auteur, Badara Aly SADJA.

Nous avons, à la rédaction d’AfricaLog, volontairement scindé le document en quatre parties. Dans cette première mise en ligne, nous vous proposons les origines de la discorde entre les deux hommes. Les mises en forme sont du site.

Bonne lecture.

I- LES ORIGINES DE LA DISCORDE ENTRE CHRISTIAN SOW ET LE PR. ALPHA CONDE

La nouvelle de la démission de Christian SOW, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux a claqué comme un fouet. Le matin du 25 Juin, il réunit les membres de son Cabinet et leur annonce sa décision de rendre le tablier pour des raisons de santé. Nul au sein de son Cabinet n’est dupe, puisque le ciel des relations entre le Ministre de la Justice et de son Président a commencé à s’assombrir depuis longtemps.

Nouvellement promu Ministre de la Justice, Christian SOW, Avocat, ancien Bâtonnier, s’était battu bec et ongles pour obtenir de son Oncle et tuteur à Paris, Professeur Alpha CONDE, ce poste qui lui paraissait le couronnement de sa carrière. Il arrive au poste tout délirant d’enthousiasme. Le slogan «ensemble changeons la Guinée» du nouveau Président de la République résonnait dans sa tête comme apophtegme qu’il se croyait investi de ritualiser dans le but de réussir à couvrir la Justice d’une peau neuve, d’une auréole glorieuse, une sorte de ‘’Travaux d’Hercule ‘’. Il avait des rêves grandioses et de fortes ambitions pour la Justice qu’il avait appris à aimer et à plaindre tellement elle faisait pitié.

En effet, il ne pouvait se tenir dans le pays une réunion professionnelle, un cénacle politique, une tribune journalistique où la réforme tantôt la justice, tantôt de l’Etat, ne soit pas inscrite à l’ordre du jour.

Monsieur le Garde des Sceaux expose à tout venant, inlassablement avec une sincérité mêlée d’interrogations et de naïveté qui frisent la schizophrénie, la situation préoccupante de la Justice guinéenne, dans la perspective et le dessein de convaincre le Président de la République afin de mobiliser les autorités guinéennes et les partenaires de notre pays à comprendre les malaises dénoncés, la crise invoquée là, les dysfonctionnements constatés ou décriés qui alimentent les appels à la réforme qui permettront aux Magistrats, Greffiers, Avocats et tous les professionnels de droit d’accomplir les missions qui leur sont dévolues par nos lois.

Sa longue pratique dans les prétoires lui a fait prendre conscience qu’au-delà de l’insatisfaction récurrente des justiciables, dès qu’il est question de la Justice, il existe un malaise nourri de reproches et de revendications qui ne convergent pas nécessairement.

Après cinquante deux (52) ans de souveraineté nationale, la Guinée affiche le tableau désolant d’une Justice qui balbutie, se cherche à cause des trébuchements que lui infligent la mauvaise gouvernance et le peu de respect des autorités politiques pour la loi et à l’égard des hommes et des femmes chargés de l’appliquer.

L’hypothèse sur laquelle Christian SOW se jette éperdument dans le projet de réforme de la Justice va au-delà des dysfonctionnements matériels en termes d’effectifs, d’équipement ou d’infrastructures, le malaise de la justice pose pour la question plus générale de la place de la justice dans l’architecture des pouvoirs étatiques.

A l’heure où l’on n’entend plus parler que de gouvernance et d’Etat de droit portés par les nouvelles technologies de l’information et la transparence, ce malaise doit être relié aux évolutions et aux critiques dont l’Etat guinéen est lui-même l’objet, taxé d’archaïsme et d’impuissance, invité à se moderniser, sans que l’on sache toujours ce que moderniser peut signifier.

La réforme de la justice ne peut être conçue abstraction faite de l’Etat, indépendamment de toute réflexion sur ce qu’est l’Etat dans la logique du «ensemble, changeons la Guinée» et sur ce que sont ses missions, le rôle qu’y joue le droit, la part que doit y conserver la politique, la manière dont le droit et la politique peuvent trouver à s’exprimer à travers les activités relevant de la fonction législative, de la fonction exécutive et de la fonction juridictionnelle d’un Etat dont le centralisme est nécessairement affecté, à la base, par la consolidation des collectivités locales et, au sommet, par le renforcement de l’intégration régionale ou sous-régionale.

Christian ne cessait de répéter que dans les prévisions et la réalisation du programme quinquennal du Pr Alpha Condé, conformément aux promesses de celui-là lors de sa prestation de serment et aux obligations de sa charge de Président de la République et de Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, le renforcement des capacités de la justice et l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble des professionnels qui y contribuent, demeurent la priorité.

Il affectionnait de répéter avec force détails que le Président a juré de respecter et de faire respecter la Constitution, les lois de la République et les décisions des Cours et Tribunaux et d’être le garant de l’indépendance de la Justice. L’annonce répétée de sa conviction inaltérable que celui-ci, homme de parole et d’action, dont la Guinée a la chance d’avoir au pouvoir, s’y emploierait sans trêve et avec la rectitude qui y sied.

Il promet aux Magistrats, ceux de son Cabinet surtout qu’ensemble, ils tiendraient la gageure que le Conseil Supérieur de la Magistrature sera mis en place et rendu opérationnel avant la seconde quinzaine d’Avril 2011. Il assure que le Président Alpha CONDE tiendrait sa promesse à en présider la première séance dans la première semaine de Mai prochain.

Il écoute les Magistrats dans une longue série de réunions, exposer difficultés, foi et espoir dans des réformes idoines. Il élabore avec eux un programme dont il trace les domaines d’action.

Le premier domaine d’action porte sur la consolidation des garanties de l’indépendance et de la crédibilité de la Justice. Cela, en assurant au Conseil supérieur de la magistrature un statut digne de son rang, en tant qu’institution constitutionnelle à part entière.

Le deuxième domaine d’action est la modernisation du cadre fonctionnel et normatif, notamment pour ce qui se rattache aux affaires et aux investissements, ainsi que la garantie des conditions de respect de la loi et de procès équitable.

L’on connait la pertinence et l’impact d’une telle action, vu que la Guinée recèle d’importantes ressources naturelles devant drainer d’assez importants investissements directs étrangers. Mais, quelle que soit la réforme, elle s’appliquera également aux investisseurs nationaux et devra garantir, aux premiers comme aux seconds, une justice équitable réunissant la sécurité juridique et la sûreté judiciaire.

Il convient, dans ce cadre, de développer des modes alternatifs de règlement des différends comme la médiation, l’arbitrage et la conciliation, d’appliquer les peines de substitution et de promouvoir la justice de proximité, créer des établissements spécialisés de rééducation et d’insertion des jeunes en conflit avec la loi, revaloriser le service du casier judiciaire.

La mise à niveau des structures judiciaires et administratives est la troisième action ; il s’agit d’adopter une nouvelle gouvernance de l’administration centrale du ministère de la Justice, des Cours et des tribunaux, en mettant l’accent sur l’amélioration de l’efficience judiciaire par la lutte contre les précarités, les lenteurs et autres complexités qui handicapent le système judiciaire, et portent préjudice aux justiciables . Pour cela il est nécessaire de simplifier les procédures et d’en garantir la transparence, d’améliorer la qualité des jugements et des prestations judiciaires, de faciliter l’accès des justiciables aux différentes juridictions du pays et de redéfinir la carte judiciaire.

Un autre défi est la moralisation de la justice pour la prémunir contre les tentations de corruption, d’abus de pouvoir et de déni de justice et lui permettre, à son tour, de contribuer, par les moyens du droit, à la moralisation de la vie publique. Il s’agit là d’un chantier ardu et de longue haleine, qui exige une mobilisation générale, non seulement au sein de la famille de la justice et de la magistrature, mais aussi parmi les institutions et les forces vives du pays, voire tous les citoyens.

Ce défi exige surtout la majoration substantielle du budget d’investissement du département et l’accroissement de la rémunération des magistrats pour leur assurer une vie de dignité. La faible allocation budgétaire actuelle ne permet pas de sortir la Justice de ses entraves éternelles qui l’enserrent douloureusement dans un corset d’indigence infâmante.

Pour mener à bien la réforme institutionnelle de la justice dont les plans et projets s’échafaudent dans sa tête, il faudra, non seulement en évaluer la teneur, mais juger également de la capacité à en assurer une mise en œuvre optimale et un pilotage efficient, c'est-à-dire la nécessité de l'actualisation des textes ou leur mise en conformité avec les instruments juridiques internationaux, l'accélération de la cadence de la reconstruction des infrastructures et l'amélioration de l'action judiciaire, à travers l'augmentation et la spécialisation du nombre des fonctionnaires et des agents, la préservation de leur dignité,, leur réarmement moral, le renforcement des mécanismes de prompte exécution des jugements et la promotion de la formation et de la spécialisation.

Il s’approprie l’idée de la convocation des Etats généraux de ses prédécesseurs et projette les réformes à réaliser :

1 : La carte judiciaire ;
2 : L’application intégrale et correcte du Statut des magistrats qui date de décembre 1991 ;
3 : Mise en Place du Conseil Supérieur de la Magistrature créé par une loi organique de 1991.
4 : Les Infrastructures judiciaires et pénitentiaires inexistantes ou complètement dégradées ;
5 : L’aide à l’accès des justiciables au droit et à la justice.

Christian, en proie à la fièvre de ses illusions et de son enthousiasme délirant, réussit à arracher au forceps l’accord présidentiel pour l’organisation des Etats généraux de la Justice en Avril 2011.

Dans son discours de circonstance, il déclare: «la justice est le sommet de l’humanisme de la société, ses infrastructures doivent justement refléter notre degré d’humanisme et c’est pourquoi il faut procéder, à très court terme, aux études nécessaires à la restauration ou à la reconstruction des infrastructures judiciaires et pénitentiaires.»

Il insiste sur le nombre et la qualité des Magistrats liés, bien sûr, à la formation et au recrutement. Il dit sa déception que les Gouvernements successifs n’y aient accordé ni l’attention voulue, ni les moyens nécessaires. La part du budget national revenant au secteur de la Justice est si faible qu’il n’est pas possible d’envisager de financer la formation initiale de nouveaux magistrats et greffiers, à plus forte raison la spécialisation des Magistrats et des juridictions. Cette situation doit changer, radicalement.

Il relève que des juridictions ne peuvent tenir leurs sessions régulières pour des raisons budgétaires et la conséquence de cette situation est le croupissement de personnes en prison, dans l’attente indéfiniment prolongée de leur jugement. Christian trouve cela inadmissible!

Il demande, dans l’intérêt des mutations nécessaires à l’efficacité de la Justice ; le relèvement du niveau de l’allocation budgétaire destinée au service public de la Justice. Nos prisons doivent cesser d’être des mouroirs, ne cesse-t-il de ressasser. Les détenus sont des humains qui, malgré leur conflit avec la loi, ont des droits que nous devons préserver se surprenait-il à rabâcher. Les questions budgétaires ne doivent donc pas constituer d’obstacle à l’amélioration de la vie carcérale.

Telles sont les illusions qui ont formé la pomme de discorde entre Christian SOW et le Professeur Alpha CONDE.

Badara Aly SADJA

 

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