L’usine Rusal-Friguia (la première usine d’alumine en terre africaine) tourne au ralenti depuis avril dernier, suite à un malentendu entre les employés et les dirigeants de la compagnie. En fin 2011, les employés de l’usine ont réclamé, entre autres, 200% d’augmentation salariale. La direction générale de Rusal leur a demandé de retirer ce point de leur plateforme revendicative. Ils ont refusé.
Ils sont entrés en grève dès le début de 2012. En avril dernier, le collège syndical de l’usine s’est rendu à Conakry pour rencontrer le Président de la République, Alpha Condé qui leur avait demandé de reprendre le travail, après avoir mis un Comité devant chercher les voies et moyens pour sauver l’usine d’Alumine de Fria. Les grévistes sont revenus à de meilleurs sentiments pour reprendre le travail.
Mais la Direction de l’usine a rompu toute fourniture en matière première, verrouiller le système informatique, cadenassé certaines portes des lieux stratégiques avant de regagner la capitale guinéenne. C’est le blackout total. Un dialogue de sourd s’est installé entre les deux parties. Ni le gouvernement, ni le comité mis en place par le président Alpha Condé, n’évoquent l’évolution (s’il y a en eu) des démarches visant à faire revenir les deux parties à de meilleurs sentiments.
L’opposition politique guinéenne interpellée sur cette crise au cours d’une conférence de presse qu’ils ont tenue ce 2 août à Conakry, a fustigé cette attitude du gouvernement. Aboubacar Sylla, président de l’Union des forces du changement, (UFC) souligne que c’est pour la première fois que l’usine de Fria est à l’arrêt. Il pense qu’il y a «un risque majeur que cette usine soit définitivement dégradée et qu’elle ferme ses portes une fois pour toute.» Il fustige que pendant que la crise de Rusal perdure, le gouvernement guinéen lance des «campagnes agricoles qui se muent à des campagnes électorales, pour lesquelles il n’y a aucun bilan ni qualitatif, ni quantitatif».
Sidya Touré, président de l’Union des forces républicaines, (UFR) rappelle que les «mines constituent l’essentiel» de l’économie guinéenne. Il estime donc, qu’Alpha Condé et son équipe devront «avoir une politique minière dont l’objectif est la transformation des produits miniers en Guinée pour avoir de la valeur ajoutée et surtout créer de l’emploi». Et de rappeler que «l’usine a été terminée depuis 1959 et elle fonctionne depuis avec au moins trois mille employés. Une ville s’est créée autour de cette usine... »
Le président de l’UFR estime que la crise qui la secoue est un «cas sur lequel nous devons travailler pour faire en sorte que le processus que nous avons engagé dans le cadre de notre politique minière, nous puissions aboutir à des choses comme elle: créer des usines qui transforment notre minerai surplace en alumine et le transformer en aluminium.» Il est amer face au silence du gouvernement sur la crise, tout en précisant qu’il s’exprime en tant que simple citoyen: «Cette usine est arrêtée depuis quatre mois à la suite d’une grève. Comment on peut imaginer que le gouvernement de la République de Guinée puisse s’asseoir et regarder ce fleuron de notre industrie minière mourir de sa belle mort, parce qu’il y a eu une grève? Le rôle du ministre des mines et du président de la République, c’est de s’impliquer dans un tel dossier. Voilà un dossier sur lequel il n’y a pas de problème d’opposition. On devrait pouvoir dire: voilà ce que le gouvernement est en train de faire dans ce secteur… »
Sidya Touré pense que cette crise mène vers «une catastrophe» avec la mauvaise conservation de l’alumine qui pourrait «avoir une réaction chimique» avec des «risques de contamination de l’eau du fleuve Konkouré dont les conséquences environnementales seront extrêmement dangereuses. Un problème social, économique, environnemental, humain, dont je n’entends personne du gouvernement en parler. Nous ne sommes pas dans les élections. Pourquoi personne n’en parle dans ce gouvernement? Et qu’on dise qu’on attend PPTE ?»
Cellou Dalein Diallo de l'UFDG a lui aussi critiqué le gouvernement qui traîne les pas dans la résolution de cette crise. Il pense qu'il est temps de trouver la solution à la crise de Rusal-Friguia pour le bien-être des travailleurs de la ville de Fria et de ses habitants.
Réagissant aux accusations portées sur les anciens ministres de feu le Président, Lansana Conté, le leader du PEDN (Parti de l’espoir pour le développement national), Lansana Kouyaté a déclaré: «Quelque soit ce qui s’est passé, Fria bradé, Fria ceci, Fria cela… C’est la méthode. C’est une question d’expertise. Quand des prédécesseurs ont commis des erreurs, mais consacré par un accord, pour vous en sortir, il faut suivre la voie judiciaire. Les méthodes péremptoires, administratives, dictées, ne marchent pas. Quand vous le faites, vous effrayez même les investisseurs de bonne foi. Parce que cela veut dire que vous n’êtes pas respectueux des conventions signées». Et de poursuivre: «Pensons tout ce que nous voulons de Rusal, mais il faut trouver les voies pour s’en sortir. Aujourd’hui, ceux qui sont pénalisés, ce sont les pauvres travailleurs de Fria. Derrière chacun de ces travailleurs, il y a au moins, un minimum de 10 personnes. La question de Fria nous interpelle vraiment ! Si c’est la faute au Président Conté, laissons-le dormir en paix, que Dieu lui accorde le paradis. Maintenant, c’est à nous d’en assumer la charge et d’avoir l’intelligence de corriger ce qui a été commis comme erreur en ne posant pas d’obstacles à ceux qui travaillent pour gagner leur vie, en ne créant pas de problèmes à l’environnement, en faisant que Fria symbole, demeure symbole.»
Selon Lansana Kouyaté, ex-allié de l’Alliance arc-en-ciel qui a soutenu l’élection d’Alpha Condé, il y a plusieurs raisons qui indiquent que beaucoup d’investisseurs viennent investir dans la bauxite en Guinée mais ne veulent jamais la transformer surplace. «L’une des raisons simples, c’est que les dérivées de la bauxite, telles que le germanium, coûtent plus chères que la bauxite», a-t-il affirmé. C’est pourquoi, le président du PEDN s’est adressé au gouvernement et aux Guinéens en ces termes: «Nous qui avons eu la chance d’avoir cette première usine, on doit la préserver. Quelles que soient les raisons qu’on a, il faut savoir simplement les corriger par des moyens de justice. Mais quand de façon péremptoire on vient dire : il faut donner tel montant et les partenaires disent: on ne peut pas, et on bloque, on ferme l’usine… Aujourd’hui, qui a les problèmes ? Est-ce Rusal ? C’est nous qui avons les problèmes.»
Réagissant aux récents propos du président Alpha Condé qui a dit que s’il avait eu de l’expertise, il aurait mieux gagné que les 700 millions de dollars de Rio Tinto, Lansana Kouyaté a asséné : «La question d’expertise est une question réelle. Parce que quand vous n’écoutez pas, vous n’avez pas de bons experts, vous prenez de mauvaises décisions. Je crois que c’est le cas», conclut-il.
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