Par Abidine Bayo
A l’analyse logique du processus d’évolution socio-politique de la nation guinéenne, on en vient aisément à admettre, que la gestion étatique dans notre pays, est l’un des pires modes de gouvernance au monde, en ce sens que nos dirigeants ont toujours failli à leur mission originelle de garantie d’un service public, ayant pour but l’élaboration et la mise en œuvre de projets de société viables, favorables à l’amélioration des conditions de vie des populations dans leur ensemble.
En effet, d’un Etat totalitaire, puis libertin, ensuite vagabond, pour enfin se retrouver aujourd’hui dans un régime dit démocratique, les dirigeants politiques n’ont malheureusement eu en commun dans la gestion des affaires, que des pratiques anti-démocratiques marquées par l’arbitraire avec son corollaire de souffrance physique et mental, car sous leurs magistères respectifs, on a jusqu’ici pu assister de façon impuissante, qu’à la violation systématique des droits humains, à travers des vagues de restrictions, de privations, de stigmatisations, de discriminations, d’exclusions, d’exactions, d’exécutions, avec des dérives économiques faites de clientélisme, de favoritisme, de gabegie financière et de corruption généralisée sous fond d’impunité totale, le tout entretenu dans un climat social miné par l’instrumentalisation d’une population traumatisée et déboussolée, qui se retrouve malgré elle, prise en otage sous le prisme de l’inculture, de l’obscurantisme, de la haine et de la division.
Dans ce marasme politico-économique et social, que de larmes et de sang d’innocentes victimes, sacrifiées impunément sur l’autel de la République, par des bourreaux à visage découvert, qui sous-couvert d’exercice de l’autorité publique, ont de tout temps, usé et abusé de leur pouvoir autoritaire, pour hypothéquer l’aspiration légitime du peuple de Guinée à la liberté et à la prospérité, sans jamais rendre compte de leurs forfaitures abominables.
Que dire de plus, sinon que le tableau est plus que sombre et y’a vraiment de quoi être interpellé et surtout interloqué, quand on sait que ce pays, riche de sa diversité culturelle et de ses ressources naturelles, regorge de potentialités immenses qui ne demandent qu’à être mises en valeur, mais qui malheureusement est à la traine du développement économique et social, faute de vision politique adéquate.
La volonté machiavélique des acteurs politiques de s’accaparer et/ou confisquer le pouvoir, fait que des enfants dont le destin, scellé par leur appartenance commune à cette terre à la fois bénite et maudite de Dieu appelée Guinée, se retrouvent aujourd’hui, à se donner en spectacle désolant et déshonorant aux yeux du monde, à travers une guéguerre fratricide sur fond d’ethnicisation à outrance du jeu politique, dans un climat de suspicions et tensions permanentes.
Et pourtant, de ce long et douloureux combat pour l’avènement d’un régime politique de type démocratique ayant abouti à l’élection du Président de la République au suffrage universel, il était dans l’entendement général et dans l’attente collective et ce en dépit des difficultés inhérentes à tout processus en gestation, une opportunité de renaissance de notre chère patrie, ressuscitant les espoirs les plus fous, chez les populations exténuées par des années de vaches maigres.
Mais encore et toujours, aujourd’hui plus que jamais, des acteurs politiques d’obédiences idéologiques radicales, mal inspirés ou mal intentionnés, de par leur irresponsabilité légendaire à privilégier l’intérêt supérieur de la nation dans l’action publique, continuent à créer et à entretenir invariablement, des situations d’opposition stérile, qui mettent en mal la cohésion sociale nécessaire à tout projet de développement économique et social.
C’est ainsi que plus de deux ans après l’intronisation, euh, disons plutôt l’investiture du Pr Alpha Condé comme premier Président démocratiquement élu, le triomphaliste "mangué néné" ayant depuis pris ses aises dans son " khibanyi ", se complaint contre vents et marées, dans des manœuvres kafkaïennes pour consolider un pouvoir absolu qui corrompt absolument (Blondy), larguant au passage ses promesses électorales de justice sociale et de réconciliation nationale dans le tiroir des oubliettes. N’avait-il pas déclaré lors de sa première interview accordée au Figaro au lendemain de sa victoire que pour redresser le pays « il faut un gouvernement d’union nationale pour au moins deux mandatures » et pendant ce temps le navire GUINEE, comme un bateau ivre, continue à tanguer dans les eaux troubles et houleuses d’un océan de contradictions, empêchant la tenue tant attendue, d’élections législatives libres et transparentes susceptibles de mettre fin à cette transition politique qui n’en finit pas de s’éterniser, au grand dam des populations qui continuent malheureusement, à broyer du noir tous les jours qui passent et se ressemblent, dans des conditions exécrables de misère psychologique et matérielle.
En dépit des révélations retentissantes de scandales financiers, il y’a eu il faut l’admettre, quelques progrès économiques à mettre à l’actif de l’actuel gouvernement au regard de la situation catastrophique dont il a héritée. Mais voilà que le pays est plongé dans une situation de blocage total, dont le point nodal aujourd’hui est d’ordre politique qui mérite une solution politique consensuelle. En tous cas, le va-t-en-guerrisme ne saurait être la solution idéale de sortie de crise. C’est pourquoi des raisons évidentes d’inquiétude subsistent plus que jamais, dans la mesure où le chemin qui mène aux élections législatives semble encore semé d’embûches, tant les parties prenantes ont du mal à accorder leurs violons pour ce qui est des préparatifs de ce scrutin et à ce sujet, au-delà de toute attitude partisane, il faut avoir le courage et surtout l’honnêteté intellectuelle d’admettre que l’opposition en raison de son poids électoral, est dans son droit légitime d’exiger la création de conditions de garantie de la transparence et de la crédibilité de ces joutes électorales, dont entre autres la recomposition de la CENI avec ses démembrements, la révision du fichier électoral consensuel par une société autre que Waymark sur la base d’un appel d’offre. Mais quand à ce propos, le Président de la république s’exclame en disant « soyez certains, le train des élections législatives va partir de la gare, ceux qui monteront dedans, iront et ceux qui ne monteront pas resteront au quai », il faut se dire que c’est une erreur stratégique de la part du pouvoir de penser pouvoir organiser ces consultations sans l’opposition, en espérant profiter de la confusion créée autour de la répartition du quota des représentants de l’opposition à la CENI, pour s’appuyer sur une des dispositions de la loi organique relative à la composition et au fonctionnement de cette institution qui stipule que « la non désignation de membres par l’une des parties prenantes ne saurait faire obstacle à l’installation et au fonctionnement de la CENI ». La réponse de Sidya Touré à ce sujet est sans ambigüité « s’il y a des gens qui s’imaginent qu’ils peuvent organiser des élections avec ou sans l’opposition, nous, nous ne nous inscrirons pas dans cela. Mais il sera bien difficile de faire des élections sans l’opposition ici ».
Autant dire qu’on est loin de sortir de l’auberge et c’est pourquoi il ne faut pas se voiler la face au nom d’une prétendue souveraineté nationale, pour demander une fois de plus, une plus grande implication de la communauté internationale dans la recherche de solutions de sortie de crise, car la confiance élément essentiel des rapports sociaux se trouve inéluctablement entamée entre les acteurs politiques guinéens qui continuent à se regarder en chiens de faïence, avec des risques de confrontation et d’instabilité dont les conséquences seront catastrophiques pour toute la sous-région ouest africaine.