Ansar Dine, l'un des groupes islamistes armés occupant le nord du Mali, a renoncé mercredi à vouloir imposer la loi islamique dans tout le pays, sauf dans son fief de Kidal, un revirement qui a lieu sous la menace d'une intervention armée africaine.
«Nous renonçons à l'application de la charia sur toute l'étendue du territoire malien, sauf dans notre région de Kidal (nord-est) où la charia sera appliquée en tenant compte de nos réalités», a déclaré Hamada Ag Bibi, l'un des membres d'une délégation d'Ansar Dine présente à Ouagadougou, sans plus de précision.
«Tout se fera avec pédagogie, et nous allons détailler notre argumentation» lors de futures «négociations» avec les autorités maliennes de transition, a expliqué Mohamed Ag Aharib, porte-parole de la délégation.
Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), ainsi que les djihadistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), occupent le nord du Mali depuis avril et y appliquent de façon très stricte la charia (amputations, lapidations...), commettant aussi de nombreuses exactions sur les civils et des destructions de mausolées.
Ce revirement spectaculaire d'Ansar Dine survient alors que la menace d'une intervention militaire africaine se précise : des dirigeants de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO) et d'autres pays africains ont décidé dimanche à Abuja d'envoyer 3300 militaires pour un an pour aider l'armée malienne à chasser les groupes islamistes du Nord.
Mardi, l'Union africaine a donné son aval à l'envoi de cette force. Le plan d'intervention militaire doit être transmis avant la fin novembre au Conseil de sécurité de l'ONU, pour qu'il donne son feu vert.
Avant le sommet d'Abuja, Ansar Dine, mouvement surtout composé de Touareg maliens comme son chef Iyag Ag Ghaly, avait envoyé de premiers signaux en appelant les autres groupes armés et Bamako au dialogue. Engagé dans des discussions avec le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la CÉDÉAO, il avait aussi proclamé son rejet du «terrorisme».
Si l'option militaire se prépare activement, l'Afrique et la communauté internationale continuent toutefois de pousser à une solution négociée.
La présidente de la commission de l'UA Nkosazana Dlamini-Zuma et le président français François Hollande ont appelé mercredi à Paris à la poursuite du dialogue politique afin de convaincre des «groupes armés» de se détacher des «terroristes».
L'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Sahel, Romano Prodi, a indiqué qu'il allait appeler à une réunion internationale en décembre.
De leur côté, des représentants du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) en France ont réaffirmé leur opposition à une intervention armée internationale, assurant avoir la capacité de «faire le travail» eux-mêmes. Le MNLA est une rébellion touareg, laïque et favorable à l'autodétermination, mais a été évincée du nord du Mali par les islamistes.
L'Afrique de l'Ouest assure être prête à la guerre, mais cette opération soulève toujours des interrogations, notamment sur son financement ou la composition de la force.
Le Tchad est prêt à y participer, a annoncé mercredi l'ancien président guinéen de transition, le général Sékouba Konaté, haut représentant militaire de l'UA au Mali, après un entretien avec le président tchadien Idriss Déby Itno. «L'armée tchadienne est composée (d')hommes aguerris à la guerre au désert», a souligné le général Konaté.
Quant à la Mauritanie, elle envisage, à l'instar de l'Algérie, de fermer ses frontières en cas d'intervention, a-t-on appris de source militaire à Nouackchott.
La fermeture des immenses frontières de ces deux pays voisins du Mali a pour but essentiel d'éviter un repli sur leurs territoires des islamistes armés visés par une opération militaire africaine.
Des «discussions formelles» vont être ouvertes «dans les prochains jours» entre les rebelles touareg du MNLA et le groupe islamiste armé Ansar Dine, qui vient de renoncer à imposer la loi islamique au Mali, a annoncé mercredi à l'AFP un haut responsable du MNLA.
«Nous prenons acte de cette évolution positive et très encourageante», a réagi Mossa Ag Attaher, coordinateur diplomatique du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) en Europe. «Des discussions formelles avec Ansar Dine» vont avoir lieu «dans les prochains jours» afin que «les forces vives de l'Azawad parlent d'une même voix pour aller à des négociations politiques», a-t-il ajouté. – AfricaLog avec agence