Soudain, quelques tirs d'armes lourdes de l'armée résonnent dans Bangui et font trembler des habitants de la capitale centrafricaine, menacée par la fulgurante progression des rebelles désormais aux portes de la ville.
Ces quelques tirs, qui ne sont en fait que des essais de la garde présidentielle, viennent du Camp de Roux, l'état-major des forces armées centrafricaines (FACA).
Mais la peur des habitants témoigne de la psychose qui a gagné les Banguissois, nombreux à redouter des combats dans la capitale, située à la frontière de la RDCongo et du Congo.
Les rebelles ont affirmé qu'ils ne mèneraient pas la «bataille de Bangui» et n'y feraient pas entrer leurs troupes, sans convaincre la population.
«Ce sont les explosifs et les balles qui nous font peur parce qu'ils ne choisissent par leurs cibles», affirme Ahmat Ali, gérant d'un kiosque.
«Ils (les rebelles) ne viennent pas pour nous tuer tous. Ceux qui ont été à l'origine de la mal-gouvernance qui les ont poussés à prendre les armes, les voleurs de la République qui bâtissent les maisons à tour de bras, achètent des véhicules de luxe, pillent les deniers publics, se reconnaissent et savent pourquoi ils ont peur», lance un autre Banguissois, Jean Sand, gardien d'une pharmacie.
Dès le lever du jour, les Banguissois se mettent en quête de nouvelles en se rendant visite, inquiets malgré une accalmie apparente sur le terrain.
Et beaucoup de Banguissois, qui gardent encore en mémoire des rébellions d'un passé récent, commencent à faire des réserves de produits alimentaires.
Certains songent déjà à partir avec leurs familles dans les villages environnants, près du fleuve Oubangi Shari.
«J'ai vraiment peur pour mes enfants surtout que leur papa n'est pas avec nous. S'il se passe quelque chose, je ne sais comment les faire sortir de la ville toute seule», confie une femme de 35 ans, Charline Yassé.
«Nous avons mis de côté un peu d'argent pour voir ce qu'il y a lieu de faire le moment venu, mais cela ne nous a pas empêchés d'acheter le carburant pour faire le plein des véhicules. Pour nous c'est ce qui paraît le plus important, pouvoir quitter la ville le plus tôt possible et nous mettre à l'abri», lance Julie Onzoyen, une commerçante.
La journée de jeudi dans le centre de Bangui s'est écoulée comme un jour férié. La ville, qui compte environ 600 000 habitants, étend ses artères en forme d'étoile sur des routes poussiéreuses et bordées par de vieilles maisons coloniales espacées.
La plupart des commerces, les agences de voyage, sont fermés. Certains clients font le pied de grue, ou repassent pour voir si les portes vont s'ouvrir, mais en vain.
Dans ce climat pesant, plusieurs milliers de sympathisants du régime ont défilé dans les rues de Bangui pour protester contre la progression des rebelles avant d'être rejoints par le président François Bozizé.
Les sympathisants - 5000 selon la police, 10 000 selon les organisateurs - ont répondu à l'appel d'une organisation pro-gouvernementale, la Coalition Citoyenne d'opposition aux Rébellions Armées (COCORA).
«J'ai la barbe blanche, synonyme de vieillesse. Donc d'ici demain, je vais mourir et ma place sera au cimetière. On ne parlera plus de moi. C'est donc à vous qu'appartient l'avenir (...) et c'est pour vous que je me bats», leur a lancé M. Bozizé (66 ans) avant d'en appeler à la France et aux États unis pour l'aider à chasser la rébellion.
«Nous allons désormais veiller dans les arrondissements et au bout de chaque semaine nous allons revenir ici. C'est notre place Tahrir. Nous voulons les négociations, mais pas avec des étrangers, qui tuent, violent, pillent, détruisent des maisons, des édifices publics», a affirmé Lévy Yakité, dirigeant de COCORA.
«Le président nous a rassurés en s'adressant aux jeunes et au peuple. Mais cela ne suffit pas car lui aussi demande une aide de la France et des États- Unis pour faire reculer les rebelles. Ce qui fait craindre le pire», lance un vendeur à la criée. – AfricaLog avec agence