Le parquet général a requis mardi dix ans de prison contre Simone Gbagbo, une peine relativement mesurée pour l'ex-Première dame, désignée comme une protagoniste majeure de la sanglante crise postélectorale de 2010-2011 en Côte d'Ivoire.
L'avocat général Simon Yabo Odi a accusé Mme Gbagbo, épouse de l'ex-président Laurent Gbagbo (actuellement détenu à La Haye où il doit être jugé par la Cour pénale internationale), de «troubles à l'ordre public», «constitution de bandes armées» et «participation à un mouvement insurrectionnel».
«Simone Gbagbo a bel et bien participé à la constitution de bandes armées à Abobo», une commune d'Abidjan dont elle était députée, a estimé M. Odi. «Ses hommes ont permis l'érection de barrages et participé à un mouvement insurrectionnel», a poursuivi le magistrat.
Le chef d'«atteinte à la sûreté de l'État», plus grave, qui a valu vingt années d'emprisonnement requises contre une dizaine de ses co-accusés - dont le général Dogbo Blé, ancien chef de la garde républicaine -, n'a toutefois pas été retenu contre elle.
Ses avocats rejettent ses accusations. Contactés, ils n'ont pas souhaité s'exprimer, réservant leurs commentaires pour leurs plaidoiries, qui se tiendront mercredi.
L'ex-première dame s'est montrée très calme et attentive durant le réquisitoire, qui a duré près de 4 heures. Elle est demeurée impassible lorsque l'avocat général a enfin évoqué son cas, en toute fin d'audience.
Il y a huit jours, Simone Gbagbo avait eu l'air très à l'aise lors de sa première audition après quatre années de silence public.
Confrontée à cinq témoins, dont deux ont affirmé l'avoir vu livrer des armes à des jeunes d'Abidjan, elle avait calmement nié. «Je ne me reconnais pas dans les faits. Je ne connais pas ces personnes».
Parfois souriante, ironique ou cinglante, l'ex-première dame s'était aussi livrée à une diatribe enflammée contre la France et le régime ivoirien actuel.
Simone Gbagbo, 65 ans, surnommée «la Dame de fer» ivoirienne quand son mari Laurent était au pouvoir, a été autant respectée pour son parcours dans l'opposition que redoutée comme «présidente» à poigne, souvent accusée d'être liée aux «escadrons de la mort» contre les partisans d'Alassane Ouattara, aujourd'hui au pouvoir, et qu'elle a toujours honni.
«Crimes contre l'humanité»
Elle est, tout comme son époux, accusée de «crimes contre l'humanité» par la Cour pénale internationale. Mais Abidjan refuse son transfèrement à La Haye au motif que la justice ivoirienne est en mesure de lui fournir un procès équitable.
82 personnes, presque toutes des soutiens de l'ex-président Gbagbo, sont jugées à ses côtés depuis fin décembre afin de déterminer leur rôle dans la crise postélectorale de 2010-2011.
Ce procès, présenté comme le plus important pour la Côte d'Ivoire depuis la fin de la crise, est entaché de nombreux manquements, aucune preuve matérielle n'ayant été fournie pour les confondre, dénoncent des organisations de la société civile et des sympathisants pro-Gbagbo.
Plus de 3000 personnes ont péri entre décembre 2010 et mai 2011 en raison du refus de l'ex-président Gbagbo de reconnaître la victoire à la présidentielle d'Alassane Ouattara.
Mais si les deux camps se sont montrés coupables d'exactions, aucun responsable pro-Ouattara n'est inquiété, nourrissant des accusations de justice «politique» ou de «justice des vainqueurs».
Mardi, deux ans de prison ont par ailleurs été requis contre Pascal Affi N'Guessan, le patron du Front populaire ivoirien (FPI), créé par Simone et Laurent Gbagbo.
Seules les charges de «troubles à l'ordre public» ont été retenues contre M. N'Guessan, qui comparait libre et souhaite représenter le FPI à la présidentielle d'octobre. Si les réquisitions devaient être suivies, sa peine serait couverte par sa détention provisoire.
L'avocat général a aussi demandé 5 ans d'emprisonnement pour Michel Gbagbo, le fils de l'ex-président Gbagbo, coupable selon le parquet d'«atteintes à l'ordre public» et «participation à un mouvement insurrectionnel».
«On a essayé de distribuer les peines», a dénoncé Me Mathurin Dirabou, un avocat de la défense. «Il y en a qui sont dans les mêmes cas, mais qui ont eu 24 mois ou 12 mois», a-t-il observé. Et de s'interroger: «Quel est le critère qui a déterminé cette distribution de peines? Moi je n'en sais rien.»
Lundi, l'avocat de l'État ivoirien, unique partie civile dans ce procès, avait réclamé 3 milliards d'euros de dommages et intérêts aux accusés «pour tous les préjudices subis par l'État». – AfricaLog avec agence