cérémonie d'investiture sans précédent pour la première puissance économique d'Afrique, qui n'avait jamais vu un opposant vaincre un chef de l'État sortant.
Lors d'une cérémonie sur la grande place du centre d'Abuja décorée en vert et blanc, les couleurs du Nigeria, le nouveau président a prêté serment aux côtés de son prédécesseur et rival battu, Goodluck Jonathan, et en présence de nombreux dignitaires étrangers.
«Moi, Muhammadu Buhari, jure solennellement que je serai fidèle et ferai pleine allégeance à la République fédérale du Nigeria», a déclaré le nouveau chef de l'État devant le président de la Cour suprême Mahmoud Mohammed.
Ironie de l'histoire, M. Buhari a eu l'occasion de serrer la main du président qu'il avait déposé lors d'un coup d'État en 1983, Shehu Shagari, ainsi que celle du général Ibrahim Babangida qui l'avait évincé du pouvoir de la même manière vingt mois plus tard.
Dans la tribune officielle avaient pris place des présidents africains, dont Jacob Zuma (Afrique du Sud) et Paul Kagame (Rwanda), et des responsables étrangers comme le secrétaire d'État américain John Kerry et le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius.
Élu le 28 mars, M. Buhari prend à 72 ans les rênes du pays le plus peuplé du continent, confronté à plusieurs chantiers majeurs, de la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram aux graves difficultés économiques.
Si le régime civil a été restauré en 1999, le Parti démocratique populaire (PDP) de Goodluck Jonathan n'avait jusque-là jamais lâché le pouvoir.
Pour Bola Tinubu, fondateur et chef du Congrès progressiste (APC), le parti de M. Buhari, cette investiture est «un tournant dans la trajectoire du pays».
«Nous sommes bien conscients des défis dressés contre notre bien-être. L'insécurité, le déclin économique et la corruption, nous devons les combattre sans relâche comme si nous allions à la guerre et non à un carnaval», a-t-il ajouté.
Le nouveau président se décrit lui-même comme un «démocrate converti» et s'est engagé à diriger une administration au service des 173 millions de Nigérians en laminant le fléau de la corruption.
Pour les analystes, sa première tâche pourrait être bien plutôt de répondre aux attentes d'une population qui se bat depuis des décennies avec des infrastructures pitoyables, un chômage écrasant et des violences endémiques.
Naira à un plancher historique
Bien que le Nigeria soit le premier producteur de pétrole du continent, avec 70 % de ses recettes provenant des ventes de brut, la chute des cours et une pénurie de carburant sans précédent ont quasiment paralysé le pays. L'État ne verse plus de salaires à des milliers de fonctionnaires, tandis que la monnaie locale, le naira, a atteint un plancher historique.
Muhammadu Buhari et l'APC ont promis plus d'emplois, plus de sécurité et un meilleur approvisionnement en électricité. Mais avec des caisses publiques vides, les promesses risquent d'être difficiles à tenir.
«Vu que la nouvelle administration sera contrainte de manière significative au niveau de ses ressources, nous pensons que le plus grand défi de Buhari sera de gérer les attentes,» analyse la société de recherche et d'investissement Renaissance Capital.
M. Buhari a gagné un large soutien des électeurs grâce à ses positions très fermes contre la corruption. Cependant, pour maintenir sa fragile coalition, il pourrait bien avoir à travailler avec des hommes politiques au passé pas tout à fait irréprochable.
Le défi Boko Haram
Muhammadu Buhari est originaire du nord du Nigeria, à majorité musulmane, et bénéficie d'un soutien massif dans cette région.
Les populations exposées aux violences de Boko Haram dans le nord-est du pays espèrent qu'il fera mieux que son prédécesseur. L'insurrection et sa répression par les forces de sécurité ont fait plus de 15 000 morts depuis 2009.
Si l'armée nigériane, aidée par ses voisins camerounais, tchadien et nigérien, a regagné du terrain depuis février sur le mouvement armé qui a fait allégeance au groupe État islamique (EI), les violences et les attentats n'ont pas cessé.
La région pétrolière du delta du Niger, dans le Sud, sera aussi à surveiller : d'anciens rebelles, réclamant une meilleure redistribution des bénéfices de l'or noir, pourraient y reprendre les armes, alors que le programme d'amnistie qu'ils ont signé prend fin cette année.
Le Nigeria court «le risque de voir cette région pétrolière replonger dans une insurrection armée, avec des conséquences dramatiques pour l'industrie du gaz et du pétrole, ainsi que pour les caisses publiques», souligne Malte Liewerscheidt, analyste chez Verisk Maplecroft. – AfricaLog avec agence