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Côte d’Ivoire: L’opposition dénonce des fraudes dans l’identification des électeurs

Jul 21, 2009

Le représentant du secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, Youn Jin Choï, a mis en garde contre un nouveau report de l'élection présidentielle prévue le 29 novembre, après une rencontre avec le chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, le 13 juillet à Yamoussoukro, la capitale politique du pays.

Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Rassemblement des républicains (RDR) - des partis de l’opposition ivoirienne - contestent la crédibilité de la liste électorale établie dans le nord du pays à cause des irrégularités présumées. Or la liste définitive devrait être publiée au cours des mois à venir par la Commission électorale indépendante (CEI).

Selon le PDCI et le RDR, des fraudes ont été enregistrées tant dans le sud que dans les zones centre nord et ouest (ex-rebelles) du pays lors des dernières phases de rattrapage des opérations d’identification qui ont pris fin le 30 juin dans ce pays d’Afrique de l’ouest.

Les militants du RDR, le parti de l’opposant Alassane Dramane Ouattara, à Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, accusent le sous-préfet central, Eugène Kouassi Kouadio, de complicité avec le Front populaire ivoirien (FPI) le parti au pouvoir, pour avoir signé plus de 6.000 faux actes de naissance qui ont servi à certains pétitionnaires de se faire enrôler.

«Nous allons nous battre par tous les moyens parce que le FPI veut nous voler notre victoire et nous sommes prêts à mourir», a déclaré Lanciné Koné, adjoint au maire de la commune de Korhogo et secrétaire départemental du RDR, lors d’une marche de protestation, en juin, pour ces cas de fraudes.

Plus tard, le 11 juillet, Koné a indiqué à IPS que «ces documents produits par l’ONI (Office national d’identification), qui n’est pas habilité à faire l’état civil, contiennent de nombreuses irrégularités qui ont été pourtant validées par l’autorité de l’état civil en violation des principes de neutralité qui s’imposent à lui et qui régissent sa fonction».

«Des personnes sont nées dans nos villages alors qu’elles n’ont jamais existé, et pour les mois de naissance, sont indiqués 15, 16, 20, 23 et 28ème mois, alors que nous savons tous que l’année compte 12 mois», a souligné Koné.

Pour sa part, François Guehi, secrétaire de la section du PDCI de l’opposant Henri Konan Bédié, dans la ville de Man (ouest du pays), a révélé à IPS, le 9 juillet, que des pétitionnaires ont été appréhendés par des agents enrôleurs, les 24 et 25 juin, dans deux centres d’enrôlement avec de faux extraits de naissance alors qu’ils tentaient de se faire identifier.

La vigilance des agents a permis de relever des irrégularités sur les extraits de naissance en leur possession, notamment la saisie des documents à l’ordinateur ailleurs et leur absence dans les registres d’état civil de Man, selon Guehi.

Mais, la réaction des responsables locaux du FPI au pouvoir ne s’est pas fait attendre. Ainsi, Mamourou Coulibaly, directeur local de campagne du candidat du FPI Laurent Gbagbo dans la commune de Korhogo, réplique par rapport aux 6.000 actes de naissance qualifiés de faux par le RDR à Korhogo.

«C’est dans le souci d’aider nos parents à obtenir au moins la nouvelle carte nationale d’identité que nous avons sillonné les villages de la sous-préfecture de Korhogo pour recenser ceux qui n’ont pas pu faire l’identification», a dit Coulibaly. «Nous avons ensuite trouvé de nombreux parents en possession des cartes nationales d’identité vertes délivrées sans actes de naissance dans les années 1990».

«Les détenteurs de ces cartes d'identité vertes ne pouvaient se faire enrôler parce qu’ils ne possédaient pas l’extrait de naissance, le seul document exigé par la CEI pour faire l'identification», explique-t-il IPS.

Ainsi, ajoute-t-il, «nous avons acheminé les photocopies de ces cartes d’identité vertes à l’ONI qui, selon un communiqué émanant du ministère de l’Intérieur, devrait établir des actes de naissance à ceux qui en feraient la demande».

Coulibaly reconnaît cependant l’existence d’irrégularités sur ces documents. Le sous-préfet nous a dit que des ordinateurs de clavier anglais ont été utilisés par l’ONI alors que ces appareils n’obéissent pas à la même nomenclature que ceux du clavier français, indique-t-il.

«Je pense qu’il revient à cette structure étatique (l’ONI) d’éclairer l’opinion nationale et internationale sur ces documents parce que c’est elle qui les a produits», a déclaré Coulibaly.

Toutefois, Heagle Ouattara, secrétaire régional de la CEI pour la région des Savanes, a confirmé à IPS l’existence de certaines irrégularités observées. «Nous avons constaté ensemble, avec la gendarmerie des forces nouvelles et le sous-préfet lui-même, que la moitié de ces documents n’ont jamais eu de registres d’état civil et donc, les détenteurs ne pouvaient pas participer à l’enrôlement», a-t-il souligné.

Selon la loi en vigueur en Côte d’Ivoire, l’extrait de naissance doit avoir son registre dans le chef-lieu de l’état civil, a indiqué Ouattara.

Par ailleurs, Roger Gaoussou Soro de l’Animation rurale de Korhogo, une organisation non gouvernementale locale et point focal de la coalition de la société civile dans la région des Savanes, redoute la multiplication de violences pendant le processus électoral comme les affrontements entre militants de partis politiques rivaux.

La vigilance doit être de mise chez tous les acteurs impliqués du processus électoral car l’organisation d’élections démocratiques, libres et transparentes, reste la seule condition pour assurer le retour des partenaires au développement du pays, souligne Gaoussou Soro.

Pour sa part, le représentant du secrétaire général de l’ONU a déclaré : «Nous ne permettrons pas que des résultats légitimes soient contestés par des moyens violents».

La Côte d’Ivoire est divisée en deux par une rébellion armée qui occupe la moitié nord du pays. Depuis bientôt sept ans, des ex-soldats de l’armée régulière ont pris les armes pour lutter contre l’exclusion présumée des populations de cette partie du territoire. L’élection présidentielle fixée au 29 novembre prochain apparaît comme un signal fort pour une sortie de crise. - IPS