Déjà utilisés pour le déminage, les rats géants de l'ONG belge Apopo s'attaquent à un autre fléau au Mozambique: la tuberculose et son diagnostic. Cette méthode iconoclaste pourrait offrir une alternative salutaire en l'absence d'un vrai réseau de laboratoires médicaux.
Elle n'est pas homologuée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais, désireuse de reproduire son programme de recherche mené depuis plus de 10 ans en Tanzanie, dans l'est de l'Afrique, Apopo s'est installé en janvier 2013 à Maputo, la capitale du Mozambique, l'un des pays les plus touchés par la tuberculose, selon l'OMS.
Après entraînement, les rats détectent 67 % des cas de tuberculose, contre 50 % en moyenne pour les méthodes standards employées au Mozambique, selon Apopo.
«En 30 minutes, le rat peut examiner une centaine d'échantillons, au lieu de quatre jours pour un technicien travaillant en laboratoire», assure Emilio Valverde, le directeur du programme tuberculose d'Apopo.
Pays au fort potentiel économique mais à la population majoritairement très pauvre plus de 20 ans après la fin de la guerre civile, le Mozambique a des infrastructures de santé encore minimales, avec seulement six médecins pour 100 000 habitants.
L'utilisation des rats présente donc deux avantages majeurs: c'est à la fois plus rapide et moins cher, selon Apopo.
Dans le cadre champêtre de la faculté vétérinaire de l'université Eduardo Mondlane, neuf rats géants testent quotidiennement des échantillons de crachats, récupérés dans 15 centres de santé à travers la capitale.
Les bestioles utilisées sont de très lointains cousins des rats d'égouts, répondant au nom scientifique de «cricétones des savanes». Ceux-ci ont plus l'allure et la taille d'un chaton, mesurant une trentaine de centimètres [sans la queue] pour un poids d'un kilo à un kilo et demi.
«Ils sont originaires de la sous-région, plus faciles à attraper, à dresser et plus gentils», explique M. Valverde.
Élevés en Tanzanie, les rats sont entraînés pendant six mois à associer l'odeur émise par les bactéries responsables de la tuberculose à une récompense sous forme de nourriture.
Dans une cage en verre, chaque rat passe ensuite d'échantillon en échantillon et s'arrête ou se frotte les pattes pour indiquer ceux des prélèvements qui sont infectés.
À l'aide d'une grande seringue, le laborantin le récompense en le nourrissant chaque fois qu'il parvient à identifier un échantillon de crachat humain infecté par la tuberculose.
Pour les besoins de la recherche, ces échantillons ont déjà été testés en centre de santé par des procédés standards.
Objectif: homologation
Mais il arrive que les rats identifient comme positifs des échantillons qui étaient considérés négatifs. Après vérification au microscope à fluorescence, il s'agit souvent de cas de tuberculose mal diagnostiqués.
«Sur les 35 000 échantillons testés par les rats d'Apopo depuis le début du programme au Mozambique, 1200 cas supplémentaires ont été décelés», affirme M. Valverde.
L'enjeu pour l'ONG est désormais de faire homologuer la technique par l'OMS, un processus qui pourrait prendre cinq ans. «Il nous faut encore réaliser beaucoup d'études et tester l'utilisation des rats dans d'autres villes du pays», ajoute-t-il.
Le gouvernement mozambicain, qui accompagne Apopo dans ses recherches, reste prudent.
«Cela reste une initiative de recherche privée, nous attendons les résultats», explique Ivan Manhica, directeur du programme national pour la tuberculose au ministère de la Santé.
«Il faudra comparer cette technique aux autres qui sont disponibles et homologuées par l'OMS, comme le test GeneXpert ou le microscope LED», dit-il, citant des techniques de diagnostic efficaces mais chères.
La tuberculose, une maladie curable mais qui tue 1,5 million de personnes dans le monde faute de diagnostic ou de soins, se développe quand les défenses immunitaires sont affaiblies, notamment par le virus du sida.
Environ 10 % des Mozambicains âgés de 15 à 49 ans sont séropositifs. – AfricaLog avec agence