Penché sur le texte qu'il lisait d'une voix monocorde, l'ancien vice-président américain Dick Cheney ne pouvait sembler, lors de son intervention sur la sécurité, plus éloigné en style du flamboyant président Barack Obama, qui venait de prononcer un discours sur Guantanamo.
L'opposition entre les deux hommes ne se résume pas à la forme, l'ancien vice-président s'étant installé ces derniers mois dans le rôle d'un des principaux opposants à Obama, alors que George W. Bush a choisi de se cantonner à la réserve des anciens chefs d'Etat. Cheney était invité jeudi à l'American Enterprise Institute, un laboratoire d'idée conservateur de Washington. Son discours, prévu de longue date, a pris l'allure d'une réponse à l'intervention d'Obama prononcée quelques minutes plus tôt. Le visage fermé, Cheney a vivement critiqué la politique d'Obama. Il est resté de marbre alors qu'il évoquait les chapitres les plus intenses de la présidence Bush, le chaos des attentats du 11-Septembre et les services de sécurité qui l'ont alors mis à l'abri dans un bunker secret. Un tel événement "peut affecter la vision que l'on a de ses responsabilités", a-t-il remarqué. "SE FAIRE APPLAUDIR EN EUROPE" Il s'est ensuite montré particulièrement virulent, tout d'abord contre la décision d'Obama de fermer le centre de détention de Guantanamo sans solution sur le devenir des prisonniers. "L'administration a constaté qu'il était facile de se faire applaudir en Europe en fermant Guantanamo, mais qu'il était délicat de proposer une alternative qui serve les intérêts de la justice et de la sécurité nationale américaine", a commenté Cheney. De la décision d'Obama d'interdire le recours aux interrogatoires "musclés" contre les terroristes suspectés, il a estimé qu'il s'agissait d'"imprudence se faisant passer pour de la rigueur morale et nuisant à la sécurité du peuple américain". Il a également fustigé le choix du gouvernement de publier les mémos décrivant ces méthodes d'interrogatoire mais de garder secret les compte-rendus des informations récoltées par ces moyens. "L'administration, pour des raisons qu'il lui appartiendra d'expliquer, estime que le public a le droit de connaître la méthodologie des questions mais pas le contenu des réponses." "MORALISME FACTICE" L'ancien vice-président s'en est ensuite pris à l'attitude de certains sénateurs et représentants sur ces méthodes d'interrogatoire. Il a souligné que certains élus étaient connus pour avoir demandé des rapports confidentiels à ce sujet et avoir approuvé ces méthodes en privé, avant de "filer se mettre à l'abri au premier signe de controverse". "Au fil de ma longue expérience à Washington, peu de sujets ont provoqué autant d'indignation feinte et de moralisme factice que les méthodes d'interrogatoire appliquées à quelques terroristes capturés", a-t-il dit. Dick Cheney n'a plus qu'une faible cote de popularité auprès des Américains, et de nombreux républicains aimeraient le voir s'effacer afin de refonder un parti en ruines après ses échecs électoraux de 2006 et 2008. Les démocrates se jettent quant à eux sur ses prises de parole, estimant qu'elles ne font que renforcer leur position. L'ancien vice-président ne semble pas s'en soucier, et attaque régulièrement les mesures de l'équipe Obama qui mettent selon lui en danger les Etats-Unis, un militantisme peu coutumier pour un ancien pensionnaire de la Maison blanche. L'ancienne porte-parole de la Maison blanche Dana Perino a estimé que Cheney avait "tout à fait le droit" d'ignorer ceux qui le critiquent et de s'exprimer publiquement. "Je pense qu'une bonne partie (des critiques) ne sont que du bruit. Je pense qu'il est bon, en Amérique, que nous puissions avoir une liberté de parole vigoureuse avec des discussions franches et ouvertes, et l'ancien vice-président fait ce que ferait quiconque dans sa situation." - Reuters