Les familles vivant près des dépôts de produits chimiques récemment découverts dans la capitale, Conakry, en appellent aux autorités et aux organisations non gouvernementales (ONG) pour les aider à faire face aux problèmes sanitaires potentiels que pourraient entraîner ces substances, qui n’ont pas encore été éliminées.
En juillet, les forces armées guinéennes ont saisi dans plusieurs endroits de Conakry de grandes quantités de produits chimiques pouvant servir à la fabrication et au raffinage de drogues illicites. Bien que ces substances soient communément employées dans l’industrie, les quantités découvertes étaient supérieures aux besoins légitimes du pays, d’après l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), qui a récemment mené une évaluation de la situation en Guinée. Des responsables de la santé ont dit à IRIN que l’étendue exacte des risques pour la population n’était pas encore connue, et qu’il fallait davantage d’analyses. Dans un communiqué le 7 août, l’UNODC a dit que la proximité des substances avec les populations représentait un danger pour la santé. Dans les alentours de Gbessia Port 1, les forces de sécurité qui font partie de l’unité guinéenne de lutte contre le crime et la drogue, ont été déployées pour surveiller une cour entourée de hauts murs, l’un des sites où les substances ont été découvertes. Plusieurs familles vivent aux alentours, dont celle de Binty Camara, membre d’une association communautaire qui a appelé à l’aide. « C’est tout dernièrement qu’on a su qu’il y avait des produits toxiques à côté de nous ici », a dit à IRIN Mme Camara, assise au milieu de sa concession, quasiment déserte, qui jouxte la cour où se trouvent les produits chimiques. La plupart des 20 membres de la famille élargie qui vivaient là ont quitté la zone et sont maintenant hébergés chez des proches, a-t-elle dit. « J’étais obligée d’évacuer les enfants ». Camara Ousmane, médecin au centre de santé de Gbessia Port 1, a estimé que l’idéal serait que toutes les personnes vivant près des sites s’en éloignent en attendant de pouvoir mener d’autres analyses, mais que les populations ne pouvaient pas se le permettre. « Le stockage de ces produits dans notre environnement constitue un réel danger ». L’association communautaire a envoyé des courriers au ministère de la Santé, la Croix-Rouge guinéenne, le gouverneur et le maire pour les avertir que des personnes étaient malades et leur demandant de faire tout leur possible pour les aider à couvrir les frais des examens et traitements médicaux résultant de la présence de ces produits chimiques, a dit Mme Camara. « Quand ils [ont amené] leurs produits, on [a pensé] que c’était juste une construction », a-t-elle raconté. « On n’a jamais pensé à ça. C’est à la télévision que j’ai vu ces produits-là . Cette nuit-là , je n’ai pas dormi ». Enlèvement Le leader de la junte Moussa Dadis Camara, qui a pris le pouvoir lors d’un coup de force en décembre, a appelé la communauté internationale à aider à éliminer ces substances. « Nous n’avons pas les moyens de le faire », a dit à IRIN Tiegboro Camara, le ministre chargé de la Lutte contre la drogue et le crime. « Il est crucial que les populations affectées soient débarrassées de ce danger ». Il a ajouté : « le gouvernement guinéen du président Moussa Dadis Camara compte énormément sur la communauté internationale. Il s’agit d’une question de sécurité, après tout ». Pour l’instant, le gouvernement a pris des mesures recommandées par des experts chimistes pour stocker les produits de manière sécurisée, a dit le ministre M. Camara. Antonio Mazzitelli, représentant de l’UNODC pour l’Afrique de l’Ouest, a dit que son agence coordonnait une mission de suivi des Nations Unies et des autres partenaires en Guinée, afin de finaliser les analyses médico-légales et donner des conseils sur la manière d’éliminer les substances. M. Mazzitelli a souligné que bien que jusqu’à maintenant, aucun laboratoire opérationnel de fabrication de drogue n’ait été trouvé en Guinée, le scénario indiquait que les trafiquants s’engageaient sur cette voie. « Nous ne pouvons pas conclure que des laboratoires de stupéfiants soient opérationnels en Guinée », a-t-il dit. « Mais en se fondant sur la preuve de la présence de ces substances, et le fait que certaines équipements [pouvant être utilisés pour la fabrication de drogues] ont également été saisis, nous pouvons légitimement dire que les trafiquants en Guinée ont développé la capacité de produire des drogues telles que de l’ecstasy, et de raffiner la cocaïne et l’héroïne ». La Guinée fait partie des pays d’Afrique de l’Ouest devenus des plaques tournantes du trafic de cocaïne en provenance d’Amérique latine et à destination de l’Europe, de même que d’autres substances illégales, selon l’UNODC. - IRIN