Guinée Equatoriale: Des élites amassent les recettes de pétrole, selon un rapport | Alog News | www.africalog.com
home

Guinée Equatoriale: Des élites amassent les recettes de pétrole, selon un rapport

Jul 11, 2009

Le gouvernement de la Guinée Equatoriale a pillé des milliards de dollars des recettes du pétrole au lieu d’améliorer les vies de ses citoyens, a déclaré 'Human Rights Watch' (HRW) dans un rapport publié jeudi.

Le rapport, intitulé "Riche en pétrole : Pétrole et droits de l’Homme en Guinée Equatoriale", détaille la façon dont la dictature sous le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo s’est servi d’un boom pétrolier pour s’établir fermement et s’enrichir davantage au détriment de la population du pays.

"Voici un pays où les gens devraient avoir la richesse par habitant de l’Espagne ou l’Italie, mais ils vivent plutôt dans la pauvreté pire qu’en Afghanistan ou au Tchad", a affirmé Arvind Ganesan, directeur du Programme des affaires et droits humains de HRW, une organisation non gouvernementale (ONG). "Ceci est un testament sur la corruption, la mauvaise gestion et la fermeté du gouvernement envers son propre peuple".

Depuis que le pétrole a été découvert là-bas au début des années 1990, le produit intérieur brut (PIB) de la Guinée Equatoriale a augmenté de plus de 5.000 pour cent, et le pays est devenu le quatrième plus grand producteur en Afrique subsaharienne. Au même moment, les conditions de vie pour les 500.000 habitants du pays ne se sont pas améliorées de façon substantielle.

Par exemple, la mortalité infantile est passée de 103 décès pour 1.000 en 1990 à 124 pour 1.000 en 2007. De même, les taux de mortalité des moins de cinq ans sont passés de 170 pour 1.000 en 1999 à 206 pour 1.000 en 2007.

Le refus du gouvernement de fournir des services sociaux de base viole ses obligations aux termes de la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué HRW.

Plusieurs autres gouvernements africains, avec des banques comme leurs complices, ont été présentés comme empochant les recettes destinées aux coffres de l’Etat.

En mars, l’ONG 'Global Witness' a publié un rapport intitulé "Une Diligence excessive : Comment des banques font des affaires avec des régimes corrompus", qui démontre la façon dont des banques favorisent la corruption et le pillage de l’Etat en faisant des affaires avec des clients douteux dans des Etats corrompus, riches en ressources naturelles, comme la Guinée Equatoriale, qui privent ces pays de la chance de se sortir de la pauvreté et les laissent dépendants de l’aide.

En 2004, une enquête du sénat des Etats-Unis sur les transactions de la Guinée Equatoriale avec la banque actuellement défunte 'Riggs Bank', a détaillé comment le président Obiang a utilisé la richesse pétrolière du pays pour financer de nombreuses transactions personnelles, y compris une dépense de 3,8 millions de dollars pour acheter deux châteaux dans une banlieue de Washington, DC.

Cette enquête a conduit à l’une des amendes les plus grandes contre une banque dans l’histoire des Etats-Unis, et, en fin de compte, le rachat de la banque.

"Lorsque les comptes de la Guinée Equatoriale à Riggs ont été fermés en 2004, il y restait 700 millions de dollars", a déclaré Robert Palmer du groupe de défense des droits de l’Homme 'Global Witness'.

"Selon le FMI (Fonds monétaire international), la Guinée Equatoriale garde deux milliards de dollars des recettes du gouvernement dans des banques commerciales à l’étranger. Pourtant, le peuple de Guinée Equatoriale ne sait pas là où son argent est gardé. Les leçons de Riggs ne semblent pas avoir été retenues", a-t-il indiqué.

"Trois ans plus tard, la banque britannique Barclays tenait encore un compte à Paris pour Teodorin, le fils du président Obiang, qui gagnerait 4.000 dollars en tant qu’un ministre dans le gouvernement de son père, mais qui possède également un château de 35 millions de dollars et un parc de voitures rapides", a ajouté Palmer.

Selon le rapport de 'Global Witness', en 2004, Teodorin a dépensé environ 8,45 millions de dollars pour des châteaux et des voitures de luxe en Afrique du Sud. Ses 43,45 millions de dollars de dépenses sur un mode de vie somptueux de 2004 à 2006 dépassaient les 43 millions de dollars que le gouvernement a dépensés sur l’éducation en 2005.

Obiang est au pouvoir depuis 1979, lorsqu’il a destitué son oncle dans un coup d’Etat. Son oncle, Francisco Macías Nguema, a pris le contrôle du pays quand il a obtenu son indépendance de l’Espagne en 1969. Son gouvernement était brutal, et jusqu’au moment où son neveu l’a destitué, près du tiers de la population avait été tué ou s’était exilé.

Au cours des élections législatives les plus récentes en mai 2008, Obiang et ses alliés ont gagné 99 sièges sur les 100. Obiang a également indiqué qu’il voulait demander une réélection pour sept autres années dans les prochaines élections présidentielles, prévues pour décembre 2009.

Les efforts actuels de ce régime pour contrôler l’espace politique et les ressources économiques du pays ont alimenté une culture de peur marquée par la répression de l’opposition et des purges dans l’armée.

Le gouvernement réduit sévèrement la liberté de la presse et la société civile indépendante; l’opposition politique est faible et est constamment confrontée à un harcèlement, une intimidation et à des arrestations de la part du gouvernement. Le peuple de Guinée Equatoriale n’a aucune capacité à faire rendre des comptes à son gouvernement, souligne le rapport de HRW.

"Obiang contrôle le pétrole, le gouvernement et le pays", a déclaré Ganesan. "Sans une pression internationale importante, l’immense richesse de la Guinée Equatoriale continuera par être un distributeur de billets privé pour quelques personnes au lieu de constituer le moyen d’améliorer les vies de plusieurs personnes", a-t-il ajouté.

Comme l’un des points pétroliers chauds les plus récents au monde, la Guinée Equatoriale, où le pétrole a été découvert en 1995, attire l’attention mondiale comme une source précieuse de ressources naturelles. La plus grande partie de l’investissement dans l’industrie pétrolière du pays vient des compagnies pétrolières basées aux Etats-Unis telles que Exxon Mobil, Marathon Oil, Amerada Hess, et Vanco Energy.

Sous l’administration George W. Bush, les relations avec la Guinée Equatoriale se sont réchauffées, en dépit du scandale de corruption de 'Riggs Bank' et des violations continues des droits humains.

"L’administration Obama devrait adopter une approche différente de celle de son prédécesseur", a souligné Ganesan. "Au lieu d’ignorer la corruption et les droits humains en faveur des intérêts pour l’énergie, elle peut faire comprendre que la bonne gouvernance et le respect des droits de l’Homme sont essentiels pour la sécurité énergétique".

Bien que la Guinée Equatoriale ait adhéré à l’Initiative pour la transparence des industries d’extraction (EITI), qui exige une gestion transparente des recettes des secteurs du pétrole, du gaz et de l’exploitation minière, HRW a de sérieuses inquiétudes selon lesquelles le gouvernement ne pourrait pas s’y être engagé pleinement parce qu’il n’a pas encore garanti que la société civile puisse opérer librement dans le pays. Et il a été très lent pour mettre en œuvre les normes de l’initiative.

Il a jusqu’à mars 2010 pour être confirmé comme un pays conforme.

"Cela est un test clé pour le gouvernement", a indiqué Ganesan. "Mais c’est également un test pour la crédibilité de l’initiative, qui risque d’endosser simplement une dictature légèrement plus transparente".

HRW a demandé au gouvernement de Guinée Equatoriale de mener des politiques pour une révélation publique totale de la façon dont il gère sa richesse pétrolière, y compris la publication de ses budgets, l’identification de tous les comptes bancaires du gouvernement à l’étranger, la mise en œuvre de la loi qui exige que les responsables du gouvernement déclarent leurs actifs, et la vérification de ces déclarations, ainsi que la conduite d’un audit des comptes publics et rendre publics ces résultats.

Le groupe a appelé les gouvernements étrangers tels que les Etats-Unis et l’Espagne à mettre une pression concertée sur ce gouvernement pour améliorer les droits de l’Homme, à priver de visas les responsables du pays impliqués dans la corruption, et à identifier tous les actifs détenus par ces responsables dans leurs pays, avec l’intention de saisir les sommes d’argent détournées et de les retourner au peuple de Guinée Equatoriale. - IPS