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Guinée: La junte, l'occasion d'un vrai changement

Dec 31, 2008

En 2007, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les citoyens guinéens qui manifestaient pour mettre fin à un régime dictatorial corrompu. Aujourd'hui, une semaine après la mort du président Lansana Conté, au pouvoir depuis 24 ans, les leaders de la société civile considèrent la junte militaire nouvellement installée au pouvoir comme la meilleure chance d'un changement dans le pays.

Selon certains membres de la société civile guinéenne, c'est la corruption profondément ancrée dans le régime légué par le président Conté, et le mépris de longue date pour les droits des populations, qui expliquent l'accueil favorable réservé par les citoyens aux jeunes soldats qui ont pris le pouvoir à la suite d'un coup d'Etat sans effusion de sang, le 23 décembre, quelques heures après l'annonce du décès du président Conté.

Lansana Conté était également arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat, en 1984, après la mort du président Ahmed Sékou Touré.

« Nous pensons qu'il y a là une vraie occasion d'ouvrir le dialogue national et de reconstruire notre pays », a déclaré à IRIN Bakary Fofana, vice-président du Conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSCG).

« Nous veillerons au respect des droits des Guinéens, soyez-en certains ».

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Sur l'invitation de la junte, le CNOSCG, les partis politiques, les syndicaux et le secteur privé présentent actuellement leurs projets de société. Le 27 décembre, la junte a rencontré les dirigeants religieux et les représentants des syndicaux de travailleurs, de la société civile, des médias et des partis politiques.

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Une des nombreuses questions encore sans réponse concerne la date des élections présidentielles qui seront organisées par la junte. Moussa Dadis Camara, leader de la junte, s'est engagé à organiser des élections en 2010, année où le mandat de M. Conté se serait achevé. Il a par ailleurs annoncé qu'il ne se présenterait pas.

Pour certains partis politiques comme pour les bailleurs internationaux, des élections devraient toutefois avoir lieu en 2009.

Gouvernance

Les syndicaux guinéens, qui avaient organisé des manifestations sans précédent contre le gouvernement au début de l'année 2007, ont déclaré le 25 décembre qu'ils « félicitaient » l'armée « pour son adhésion au processus de changement initié par l'Inter centrale et soutenu par notre peuple ».

Dans leur communiqué, les syndicaux appellent d'une part à rétablir l'Etat de droit et d'autre part à lutter contre la corruption et le trafic de drogue.

En théorie, selon certains leaders de la société civile, M. Camara, 44 ans, a vu juste à tous égards ; il reste désormais à surveiller les mesures que prendra la junte dans la pratique. « Rien n'est donné d'avance, rien n'est gagné d'avance », a averti Mamadou Taran Diallo, directeur de l'Association guinéenne pour la transparence.

« Le plus important [après le décès du président Conté], c'est qu'on garde la sécurité, la stabilité de la Guinée. Tout ce qui peut éviter la guerre qu'on a vue en Sierra Leone et au Liberia », a-t-il dit. A ce jour, malgré les troubles et l'instabilité politique chroniques, la Guinée a échappé à la guerre civile totale qui a dévasté ses voisins.

« Aujourd'hui, la société civile doit agir pour assurer que la junte tiendra ses promesses », selon M. Diallo. « Tous les Guinéens ont soif de bonne gouvernance ».

La junte s'est engagée à assurer que les ressources naturelles de la Guinée profitent au peuple (photo d'archives) M. Camara, le leader de la junte, s'est engagé, entre autres, à éradiquer la corruption, à sanctionner les coupables de détournement de fonds publics et à remodeler les contrats d'exploitation minière pour assurer qu'ils profitent au peuple guinéen.

La Guinée renferme d'abondantes ressources naturelles, notamment les premières réserves mondiales de bauxite connues, principal minerai utilisé pour la fabrication de l'aluminium. Pourtant, la plupart des Guinéens n'ont pas accès à l'eau salubre, à des systèmes d'assainissement adéquats, ni au réseau électrique.

« [M. Camara, dirigeant militaire] ne fait que s'aligner sur ce que les Guinéens disent entre eux depuis des années », a déclaré Cissé Kabinet, chargé de programme de gestion des ressources naturelles chez CECIDE, une organisation non-gouvernementale (ONG) guinéenne.

Condamnation internationale

Le putsch a été immédiatement condamné par la communauté internationale. Le 29 décembre, l'Union africaine (UA) a suspendu la participation de la Guinée dans l'attente d'un rétablissement du régime constitutionnel.

En vertu de la constitution, le président de l'Assemblée nationale devrait prendre les rênes du pays jusqu'à ce que des élections soient organisées, en l'espace de 60 jours.

Mais pour certains Guinéens, exiger un retour au régime constitutionnel est irrationnel, étant donné que le gouvernement n'était pas légitime. Le mandat de l'Assemblée nationale s'est achevé l'année dernière ; les élections législatives ont été reportées à plusieurs reprises au cours des deux dernières années.

Parmi les réformes promises après les émeutes de 2007, rares sont celles qui se sont concrétisées, et le président Conté avait même fini par démettre de ses fonctions le Premier ministre Lansana Kouyaté, nommé par consensus.

Dans leur déclaration récente, les syndicaux de travailleurs ont instamment prié la communauté internationale « de procéder à une analyse plus profonde de la situation qui prévaut en Guinée ».

Selon M. Fofana, leader de la société civile, la réaction de la communauté internationale était à prévoir, mais elle n'en est pas moins hypocrite. « Nous [la société civile] tirons la sonnette d'alarme sur le manque de droits, le manque de lois et la dérive de la démocratie en Guinée depuis des années. On n'a jamais voulu nous écouter ». – IRIN