"Racistes", "abjects" et "blessants", les propos de Donald Trump sur l'immigration en provenance de "pays de merde" ont continué à provoquer un torrent d'indignation à travers le monde qui ne tarissait pas samedi, l'Afrique entière réclamant des excuses.
Les paroles attribuées à Donald Trump sur les pays africains qualifiés de "pays de merde" sont inacceptables, a déclaré samedi le président ghanéen Nana Akufo-Addo.
M. Akufo-Addo estime que ces propos sont "extrêmement malheureux", ajoutant : "Nous ne sommes certainement pas un pays de merde". "Nous n'accepterons pas de telles insultes, même de la part du dirigeant d'un pays ami, quelle que soit la puissance (de ce pays)".
La Namibie a pour sa part estimé que les remarques du président "n'avaient pas leur place dans un discours diplomatique". Le langage de M. Trump "est contraire aux normes de la civilité et du progrès humain", selon son ministère des Affaires étrangères.
Les 15 pays membres de la Communauté des Caraïbes (Caricom) ont condamné un "langage méprisant et répugnant".
Le New York Times et le magazine New Yorker ont tous deux qualifié M. Trump de raciste, présentant ses commentaires et insistant sur sa conduite qui montrent que le président avait un "point de vue sectaire du monde".
Mais un éditorial ne va sans doute pas faire tarir la polémique: c'est celui d'une publication suprémaciste américaine qui donne son soutien à M. Trump. Pour The Daily Stormer, les propos attribués à M. Trump sont "encourageants et rafraîchissants, puisqu'ils indiquent que Trump est plus ou moins sur la même longueur d'onde que nous en ce qui concernent la race et l'immigration".
D'une même voix, dans un langage d'une rare dureté, les 54 ambassadeurs du groupe africain à l'ONU ont exigé vendredi une "rétractation" au président, condamnant des "remarques scandaleuses, racistes et xénophobes". Ils se sont dits préoccupés par la tendance "grandissante" de l'administration Trump "à dénigrer le continent, et les gens de couleur".
Le gouvernement haïtien a dénoncé des propos "odieux et abjects" qui, s'ils étaient avérés, seraient à tous égards "inacceptables car ils reflèteraient une vision simpliste et raciste”.
Le président américain a réagi à cette nouvelle polémique qui le met en difficulté au moment où il tente de trouver un compromis au Congrès sur le dossier sensible de l'immigration.
"Le langage que j'ai utilisé lors de la réunion était dur mais ce ne sont pas les mots utilisés", a affirmé sur Twitter le milliardaire dans une formule alambiquée.
Quelques minutes plus tard, le sénateur démocrate Dick Durbin, présent lors de la réunion, assurait pourtant que le président avait bien utilisé "plusieurs fois" l'expression injurieuse.
"Les mots utilisés par le président tels qu'ils m'ont été rapportés directement par ceux qui ont participé à la rencontre n'étaient pas durs, ils étaient abjects et répugnants", a ajouté le sénateur républicain Jeff Flake, un conservateur opposé à Donald Trump.
Sollicitée jeudi soir, la Maison Blanche n'avait pas contesté ou démenti, se bornant à souligner que M. Trump se battrait "toujours pour le peuple américain".
Dans un étrange télescopage, le président américain a signé vendredi une déclaration en l'honneur de Martin Luther King, qui sera célébré à travers les Etats-Unis lundi, jour férié.
Au cours d'une cérémonie, il a loué "le rêve d'égalité, de liberté, de justice et de paix" du militant noir des droits civiques. Saluant un homme qui a "changé le cours de l'histoire", il a ignoré les questions qui lui ont été posées ensuite.
Presque simultanément, à quelques kilomètres de là, le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, faisait l'éloge de la "diversité" et défendait les "valeurs américaines" lors d'un discours sur le "respect".
Au coeur des débats de la réunion désormais célèbre de jeudi: la régularisation de centaines de milliers de clandestins arrivés jeunes aux Etats-Unis, et dont le statut temporaire accordé sous Barack Obama a été supprimé en septembre.
Quand M. Trump a abrogé le programme Daca, qui a permis à 690.000 jeunes sans-papiers de travailler et d'étudier en toute légalité, il avait donné jusqu'à mars au Congrès pour trouver une solution pérenne pour ces clandestins, les "dreamers" (rêveurs).
Mais il a lié toute régularisation à son projet de mur à la frontière avec le Mexique, auquel les démocrates se sont jusqu'à présent opposés fermement.
Outre la réalisation de cette promesse de campagne, M. Trump exige aussi la suppression de la loterie annuelle de cartes vertes et une réforme de l'immigration légale pour réduire le rapprochement familial.
"Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ?", a demandé le président Trump lors des discussions jeudi, selon le Washington Post, qui cite plusieurs sources anonymes.
Selon elles, M. Trump faisait référence à des pays d'Afrique ainsi qu'à Haïti et au Salvador, expliquant que les Etats-Unis devraient plutôt accueillir des Norvégiens.
"Pourquoi avons-nous besoin de plus d'Haïtiens ?", aurait demandé le président.
Vendredi, il a tenté de donner une version différente de ses propos : "Je n'ai jamais dit quelque chose d'insultant sur les Haïtiens outre le fait que, et c'est une évidence, Haïti était un pays très pauvre et en difficulté".
Le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés a déploré des propos "racistes", "choquants et honteux".
L'ancien vice-président démocrate Joe Biden a lui aussi donné de la voix : "Ce n'est pas comme cela qu'un président devrait parler et se comporter. Mais surtout, ce n'est pas comme cela qu'un président devrait penser".
En Amérique latine, le président vénézuélien Nicolas Maduro a appelé à la solidarité avec les pays "agressés" par Donald Trump. Cuba a de son côté "condamné fermement" des déclarations "racistes, dénigrantes et grossières". - AfricaLog avec agence