François Compaoré, frère du président déchu burkinabè Blaise Compaoré, a été arrêté dimanche à son arrivée à l'aéroport parisien de Roissy, en vertu d'un mandat d'arrêt international délivré par le Burkina Faso dans l'enquête sur l'assassinat en 1998 de Norbert Zongo, journaliste critique du pouvoir.
Ce frère cadet de l'ex-président, un des personnages les plus impopulaires des 27 ans du régime Compaoré, est réclamé par la justice burkinabè depuis mai 2017 dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du journaliste d'investigation Norbert Zongo et de trois compagnons de voyage.
Il s’est enfui de son pays lors de l'insurrection populaire d'octobre 2014 et a depuis obtenu la nationalité ivoirienne en même temps que son frère.
François Compaoré, 63 ans, est poursuivi pour "incitation à assassinats", selon un avocat de la famille Zongo. Joint, Me Bénéwendé Sankara s'est déclaré "très heureux", "très soulagé de le savoir aux arrêts".
Citoyen ivoirien résidant en France, François Compaoré est rentré à Paris dimanche matin depuis Abidjan. Il s'est vu notifier ce mandat d'arrêt à sa descente d'avion, selon une source aéroportuaire et son avocat.
Retenu par la police aux frontières, il devrait être présenté au parquet général de Paris lundi pour statuer sur sa situation en France au cours de la procédure d'extradition, a déclaré son conseil, Me Pierre-Olivier Sur.
François Compaoré "a été entendu trois fois par la commission d'enquête internationale et trois autres fois par une juridiction d'instruction au Burkina, or chacune de ces deux procédures l'a disculpé" dans ce dossier, fait valoir son avocat en France.
"Le pouvoir en place, qui ne parvient pas à retenir de charges contre Blaise Compaoré change aujourd'hui son fusil d'épaule et accuse son frère", estime Me Sur. "Comme dit la fable : "+si ce n'est toi, c'est donc ton frère+".
Directeur de publication de l'hebdomadaire L'Indépendant, Norbert Zongo et trois autres personnes avaient été retrouvés morts carbonisés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 dans le sud du Burkina.
Auteur de plusieurs enquêtes retentissantes dénonçant la mauvaise gouvernance sous le régime Compaoré, M. Zongo travaillait, au moment de son assassinat, sur la mort du chauffeur de François Compaoré, conseiller économique du chef de l'Etat et surnommé le "petit président".
L'affaire Zongo, "c'est une quête de vérité et de justice des Burkinabè, qui sont extrêmement attachés à ce dossier", selon l'avocat de la famille du journaliste.
Dans un communiqué, le porte-parole de l'association Survie, Thomas Borrel, a estimé que le "signal positif" que représente cette arrestation devait "être suivi d'autres actes essentiels": "l'extradition de François Compaoré pour qu'il y soit jugé" dans l'affaire Norbert Zongo, mais aussi la coopération de la France dans l'enquête sur l'assassinat du père de la révolution burkinabè Thomas Sankara en 1987.
La mort du journaliste, célèbre pour ses positions critiques vis-à-vis du pouvoir, avait ouvert une crise politique et sociale dans le pays et provoqué de vives protestations internationales.
En 2000, l'association Reporters sans frontières (RSF) avait tenté de se porter partie civile en France contre Blaise Compaoré dans l'enquête sur cet assassinat, alors que l'ex-chef de l'Etat burkinabè se trouvait en visite officielle à Paris. La plainte avait été classée sans suite.
Six "suspects sérieux" avaient ensuite été identifiés par une commission d'enquête internationale mise en place par les autorités burkinabè et à laquelle participait RSF. Mais seul un ancien chef de la garde rapprochée du président Compaoré avait été inculpé pour "assassinat", avant de bénéficier d'un non-lieu en juillet 2006, confirmé en appel.
Dans l'enquête sur la mort de son chauffeur, François Compaoré a un temps été inculpé de "meurtre et recel de cadavre", mais dans le dossier Zongo il n’avait jamais été inquiété avant l'émission de ce mandat d'arrêt.
Longtemps laissé dans les tiroirs, le dossier Norbert Zongo a été rouvert à la faveur de la chute du régime.
En décembre 2015, trois anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) - l'ancienne garde prétorienne du président Compaoré dissoute après sa tentative de coup d'Etat mi-septembre 2015 - ont été inculpés par la justice burkinabè dans cette affaire. - AfricaLog avec agence