Âgée de 10 ans et enceinte de cinq mois, une fillette du Paraguay, violée par son beau-père, s'est vu refuser un avortement et a été admise dans un hôpital d'Asuncion où se trouvent cinq adolescentes déjà mères ou sur le point d'accoucher.
Amnesty International a lancé une campagne afin que l'avortement soit autorisé. Car au Paraguay l'interruption volontaire de grossesse est proscrite par la Constitution. Elle est toutefois tolérée par le Code pénal jusqu'à 20 semaines en cas de danger pour la mère.
Pesant seulement 34 kg avant sa grossesse, la fillette, qui aura 11 ans le 25 mai, "est en danger", affirme l'ONG spécialisée dans la défense des droits humains et dont le siège est à Londres.
Peine perdue. La justice comme les autorités locales, appuyées par l'Eglise catholique et divers organismes civils, ont fermement écarté cette option, arguant notamment de l'état avancé de la grossesse (23 semaines).
Les médecins affirment que la fillette va bien et que la grossesse est "normale". "Elle n'a ni douleurs ni complications", a déclaré la médecin Dolores Castellanos, cheffe du service Enfance et Adolescence de l'hôpital de la Croix-Rouge à Asuncion.
La Dr. Castellanos, chargée par le ministère de la Santé de suivre la très jeune future mère, la décrit comme "menue", sympathique et affable: "Elle mesure 1,39 m et prend du poids. De 34, elle arrive à 40 kilos". Cependant, elle a mis en garde sur les risques posés par un poids faible et une tension élevée "comme pour toutes celles qui conçoivent de façon précoce".
"Nous avons déjà eu d'autres expériences. L'an dernier, une fillette de 10 ans a accouché (...) Elle s'est bien remise", selon la médecin.
A l'hôpital, la fillette violée, dont la mère accusée notamment de négligence est en détention, a rejoint cinq adolescentes de 13, 14 et 16 ans, qui ont déjà accouché ou s'apprêtent à le faire.
"C'est la plus petite", a précisé le Dr. Castellanos, qui a prescrit un régime enrichi en protéines, fer, calcium et liquides, et recommandé un exercice normal dans l'enceinte du foyer pour mères de la Croix-Rouge.
"Chaque jour, deux fillettes âgées de 10 à 14 ans accouchent" au Paraguay, selon l'agence de protection de l'enfance des Nations unies, l'Unicef, qui a alerté sur ce problème.
"Ces cas sont la conséquence d'abus sexuels et, dans la majorité des situations, d'abus sexuels répétés face auxquels les victimes n'ont pas reçu la protection opportune et appropriée", a expliqué Andrea Cid, responsable de l'Unicef au Paraguay.
Selon elle, 650 fillettes de 10 à 14 ans ont accouché et 20.000 jeunes filles de 15 à 19 ans sont tombées enceintes en 2014.
Fait inhabituel, le dernier cas en date a provoqué un débat au Parlement, les élus exigeant un rapport au ministère de la Santé. Et des partis de gauche minoritaires ont réclamé la dépénalisation de l'avortement.
Mais pour le ministre de la Santé, Antonio Barrios, ancien médecin de famille du président conservateur Horacio Cartes, l'affaire est entendue: "La grossesse ne sera pas interrompue. L'avortement a été totalement écarté", a-t-il martelé cette semaine.
La fillette est hospitalisée depuis que sa mère l'a emmenée consulter le 21 avril pour des soupçons de tumeur abdominale. Des examens ont révélé une grossesse avancée. Elle a alors accusé son beau-père, âgé de 42 ans et aujourd'hui en fuite, de l'avoir violée.
"L'enfant était toujours aux mains de ce monsieur parce que sa mère travaillait, employée dans une cantine scolaire. C'est lui qui s'occupait d'elle. Il allait même aux réunions de parents d'élève. Elle était totalement à sa merci", a raconté la procureure Monalisa Muñoz. - AfricaLog avec agence