Le président gambien Yahya Jammeh a indiqué que son pays allait abandonner l'anglais, actuellement sa langue officielle, au profit d'une langue nationale non précisée, sans fournir de calendrier, dans un discours.
M. Jammeh s'exprimait lors de la cérémonie de prestation de serment du nouveau chef du système judiciaire gambien (Chief Justice), le Pakistanais Ali Nawaz Chowhan, organisée le 6 mars, d'après cet extrait d'un enregistrement de la télévision publique gambienne GRTS.
Dans un long discours en anglais, le président gambien a fustigé les colons britanniques qui, a-t-il dit, sont allés en Gambie et ailleurs en Afrique non pas pour développer ces zones, mais pour les dépouiller de leurs richesses.
Tout ce qu'ils ont fait, c'est piller, et piller, et piller, et piller ! La seule chose qu'ils nous ont laissée, c'est malheureusement la langue anglaise, que nous allons très bientôt abandonner au profit d'une langue locale, parce que nous ne pouvons plus continuer de croire que pour être un gouvernement, vous devez parler une langue étrangère. Nous allons parler notre propre langue, a-t-il déclaré.
Il n'a pas fourni de calendrier et n'a pas non plus indiqué la langue qui serait utilisée à la place de l'anglais.
Plusieurs langues locales sont parlées en Gambie, ex-colonie britannique d'environ 1,8 million d'habitants. Parmi elles, figurent le mandingue parlé dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, ainsi que le wolof et le diola communs à la Gambie et au Sénégal voisin. Yahya Jammeh lui-même est de l'ethnie diola.
En octobre 2013, la Gambie avait décidé son retrait, avec effet immédiat, du Commonwealth en qualifiant cette organisation de pays anglophones de coloniale.
En Afrique, notre maladie la plus dangereuse est l'ignorance, a encore affirmé Yahya Jammeh dans son discours, en déniant aux Britanniques toute légitimité à donner des leçons sur la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de l'Homme en raison de leur passé colonial.
Il a par ailleurs salué les compétences et l'intégrité d'Ali Nawaz Chowhan, qui est le troisième chef du système judiciaire nommé en Gambie en moins d'un an.
Je tiens à (le) féliciter pour avoir accepté ce qui s'annonce comme une tâche difficile, a-t-il dit. Puis s'adressant directement à lui, il a poursuivi : Je n'ai à pas à juger qui que ce soit, je dois envoyer (les suspects) vers vous pour que vous les jugiez, et cela rend mon travail (de chef d'Etat) très facile. Tout ce que j'ai à faire, c'est de mettre en oeuvre vos jugements.
Ali Nawaz Chowhan remplace le Nigérian Emmanuel Fagbenle, qui avait lui-même été nommé en février à la place de la Ghanéenne Mabel Yamoa Agyemang. Mme Agyemang, qui avait été nommée en juillet 2013, fut la première femme à occuper ces fonctions dans ce pays, qui fait souvent appel à des juges étrangers pour renforcer son système judiciaire.
Porté au pouvoir par un coup d'Etat en 1994, élu en 1996 et réélu trois fois (2001, 2006, 2011), le président Yahya Jammeh, 48 ans, règne en maître sur la Gambie, petit pays anglophone enclavé dans le Sénégal à l'exception de sa façade maritime.
Il a fait adopter en 2002 un amendement constitutionnel supprimant la limite du nombre de mandats. Son régime est régulièrement critiqué par des défenseurs des droits de l'Homme pour des violations des libertés. – AfricaLog avec agence