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La porte s'ouvre pour le maintien au pouvoir de Kagame

Jul 14, 2015
La porte s'ouvre pour le maintien au pouvoir de Kagame

Le Parlement rwandais a ouvert mardi la voie au maintien au pouvoir du président Paul Kagame au-delà de 2017, en soutenant sans surprise une pétition de quelque 4 millions de Rwandais pour faire sauter le verrou des deux mandats autorisés dans la Constitution.

Sénateurs et députés se sont prononcés à l'unanimité, dans leurs chambres respectives, en faveur d'une réforme constitutionnelle. Des amendements devront cependant encore être votés, puis une nouvelle Constitution formellement soumise à référendum à la population.

«Je veux remercier tous les membres du Parlement pour leur soutien aux souhaits du peuple», a lancé, à l'issue des votes, la présidente de l'Institution, Donatilla Mukabalisa, promettant un «processus» rapide pour mettre en oeuvre les changements.

Le président Kagame, élu deux fois en 2003 et 2010, mais en réalité homme fort du Rwanda depuis déjà la fin du génocide des Tutsi en 1994, présente ces débats autour d'une réforme constitutionnelle comme émanant d'une pure initiative populaire.

En quelques semaines, plus de 3,7 millions de Rwandais, sur un corps électoral de quelque 6 millions, ont signé des pétitions demandant au Parlement de modifier l'article 101 de la Constitution limitant à deux le nombre de mandats présidentiels successifs.

Mais, dans un pays régulièrement épinglé pour ses atteintes à la liberté d'expression, nombre d'observateurs estiment que le pouvoir rwandais est en fait à la manoeuvre pour permettre au chef de l'État de se maintenir à l'issue de son deuxième mandat. Comme dans de nombreux autres pays de la région, notamment aux Burundi et Ouganda voisins.
Dans les deux chambres du Parlement, députés et sénateurs ont débattu avec enthousiasme mardi.

«3,7 millions de Rwandais issus de différents milieux sociaux et régions du pays ont parlé. Nous sommes ici leurs représentants et n'avons d'autre choix que d'écouter leur souhait», a lancé Nkusi Juvenal, député du Parti social-démocrate (PSD), deuxième formation politique du pays et membre de la coalition au pouvoir dominée par le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame.

Les débats au Parlement, largement dominé par le FPR et ses alliés, ont été ponctués de slogans en faveur du président rwandais : «Paul Kagame, oyee!» (oh oui).

Invités à suivre les débats, de nombreux Rwandais ont répondu à l'appel, patientant dans de longues files d'attente devant le Parlement. Dans les deux chambres, les galeries réservées au public étaient bondées.

Debout sur un des côtés de la salle, Alpha Mundendke, étudiante de 23 ans, s'est ainsi dite «fière» d'assister à cette séance. «Nous souhaitons que l'article 101 soit modifié», a-t-elle assuré.

Outre les pétitions soutenant une modification constitutionnelle, deux autres - émanant de la petite formation d'opposition le Parti démocratique vert et d'un particulier - réclamaient à l'inverse que l'article 101 ne soit pas modifié, a rapporté le quotidien d'État The New Times.

Ces pétitions avaient cependant peu de chance d'aboutir : le Parti démocratique vert, qui a aussi déposé un recours devant la Cour suprême pour empêcher la révision constitutionnelle, est la seule formation politique à s'opposer à une réforme. La motion d'un simple particulier avait elle peu de chance de faire le poids face au plébiscite de près de 4 millions de Rwandais.

Le secrétaire général du Parti démocratique vert, Jean-Claude Ntezimana, espérait que le Parlement attendrait au moins une décision de la Cour suprême avant de se prononcer, et qu'un vote n'interviendrait pas dès ce mardi. Mais il n'a pas obtenu gain de cause. Les débats n'ont duré qu'une poignée d'heures.

Paul Kagame est au pouvoir depuis que la rébellion du FPR, devenue parti au pouvoir, a chassé en juillet 1994 le régime extrémiste hutu et mis fin au génocide déclenché en avril précédent (environ 800 000 morts essentiellement au sein de la minorité tutsi).

D'abord vice-président et ministre de la Défense entre 1994 et 2003, il a été élu chef de l'État cette année-là avec 95 % des voix et réélu tout aussi triomphalement (93 %) en 2010.

Il est crédité des nombreux progrès économiques du Rwanda depuis la fin du génocide, mais également accusé de diriger son pays d'une main de fer et d'étouffer toute voix discordante. – AfricaLog avec agence