Une ONG burkinabè a annoncé mardi à Ouagadougou avoir demandé la traduction devant la justice de l'ancien président Blaise Compaoré pour des assassinats commis durant les émeutes ayant abouti à sa démission fin octobre.
Le Mouvement burkinabè des droits de l'homme et des peuples (MBDHP), qui ne peut porter plainte directement contre un ancien chef de l'Etat, a demandé à l'assemblée nationale intérimaire la mise en accusation de M. Compaoré devant la Haute cour de justice pour des faits d'assassinats et tentative d'assassinats survenus durant la révolution d'octobre 2014, a déclaré son président Chrysogone Zougmoré.
La même demande a été formulée au sujet de l'ancien Premier ministre Luc Adolphe Tiao et de l'ex-ministre de la Sécurité (l'équivalent du ministre de l'Intérieur au Burkina) Jérôme Bougouma.
Nous allons voter la loi pour que Blaise Compaoré soit poursuivi pour les actes qu'il a commis, a promis David Moyenga, député du Conseil national de transition (CNT - l'assemblée intérimaire), pour qui les Burkinabè sont en droit de demander des comptes au régime déchu.
Le MBDHP et des victimes blessées par balle durant les émeutes anti-Compaoré ont également déposé une plainte contre François Compaoré, le frère cadet de l'ex-président, a fait savoir le président de cette ONG lors d'une conférence de presse.
François Compaoré, qualifié de petit président, était critiqué pour sa mainmise sur le monde des affaires au Burkina. Au moins un homme a été abattu devant sa résidence avant que celle-ci ne soit méthodiquement pillée par une foule en colère.
Les émeutes ayant abouti au renversement de Blaise Compaoré après 27 ans de règne ont officiellement fait 24 morts et 625 blessés entre le jeudi 30 octobre et le dimanche 2 novembre 2014. La société civile burkinabè dénombre une trentaine de morts.
Des hommes armés de fusils de guerre, notamment des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), et des individus non identifiés en civil ont volontairement et intentionnellement, à divers endroits de Ouagadougou, ouvert le feu sur des manifestants aux mains nues, a tempêté M. Zougmoré.
Le RSP, dont le Premier ministre et ministre de la Défense Isaac Zida est le numéro 2, était un pilier très décrié du régime de Blaise Compaoré, dont beaucoup demandent la dissolution. La garde présidentielle, en réclamant la démission de M. Zida, a causé en février une mini-crise politique au Burkina.
Cinq mois après les crimes odieux commis durant la révolution d'octobre, aucune procédure judiciaire concrète n'a été initiée, a estimé avec consternation et regret le MBDHP, qui dénonce l'inertie du pouvoir à ce sujet.
L'ONG a également émis une requête auprès de M. Zida afin qu'il donne ordre de poursuite contre le général Gilbert Diendéré, l'ancien chef d'état-major particulier de Blaise Compaoré, le général Honoré Nabéré Traoré, chef d'état-major des armées durant l'insurrection, et tous les militaires impliqués dans ces crimes.
Blaise Compaoré, qui vit actuellement en Côte d'Ivoire, n'est pas au-dessus de la loi. S'il a fui c'est parce qu'il se reproche quelque chose. Maintenant, la justice doit faire son travail, a commenté Me Bénéwendé Sankara, un ténor de l'ex-opposition.
Il y a longtemps que nous demandons que Blaise Compaoré et son régime soient jugés pour les crimes abominables qui ont été commis, a-t-il ajouté.
Un juge d'instruction a été saisi fin mars dans l'affaire Thomas Sankara, président burkinabè assassiné en 1987 lors d'un coup d'Etat ayant porté M. Compaoré au pouvoir, dont les proches demandaient depuis des années, en vain, la réouverture du dossier. – AfricaLog avec agence