L'ancien président tchadien Hissène Habré, poursuivi pour crimes contre l'humanité, a porté plainte contre le Sénégal devant une cour de justice régionale d'Afrique de l'Ouest afin de faire "cesser toutes poursuites" contre lui, a-t-on appris mercredi de sources judiciaires. La requête contre l'Etat du Sénégal a été déposée en octobre devant la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), basée à Abuja, par deux avocats de M. Habré, indique une copie de ce document obtenue par l'AFP et datée du 1er octobre 2008. Les avocats de M. Habré, Me Mamadou Konaté et Me François Serres, respectivement des barreaux de Bamako et Dakar, demandent à cette Cour de "faire cesser toutes poursuites et/ou actions à l'encontre de M. Hissène Habré" par le Sénégal. Ils entendent faire constater "la violation par la République du Sénégal du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, des principes d'égalité devant la loi et devant la justice et du droit (de M. Habré) à un procès équitable".
De son côté, "l'Etat du Sénégal s'organise pour assurer sa défense", a déclaré mercredi à l'AFP Abdoulaye Dianko, l'agent judiciaire en charge des dossiers de justice dans lesquels l'Etat du Sénégal est impliqué. "On a commencé à travailler pour (élaborer) notre mémoire de défense", en réponse à la requête présentée par les avocats d'Hissène Habré, a ajouté M. Dianko. "La finalité (de cette requête), c'est que le procès prévu contre Habré (au Sénégal) n'ait pas lieu. Mais nous sommes optimistes et sereins", a-t-il assuré. "Nous avions un mois à partir de la notification, le 10 octobre, de la requête" pour répondre à la Cédéao, a-t-il précisé. "Nous avons obtenu une prolongation et maintenant, nous avons jusqu'au mois de janvier pour nous défendre". Hissène Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 avant d'être renversé par l'actuel président Idriss Deby Itno, est réfugié depuis 17 ans à Dakar. Le Sénégal avait été mandaté en juillet 2006 par l'Union africaine (UA) pour le juger pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et actes de torture. Dakar a modifié sa Constitution pour permettre la tenue de ce procès, en introduisant de manière exceptionnelle une rétroactivité pour les crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité, mais, à ce jour, aucune information judiciaire n'a été ouverte. La justice sénégalaise estime avoir besoin de 27 millions d'euros pour engager la procédure, montant jugé trop élevé par les bailleurs de fonds. - AFP