A quatre jours d'élections législatives, le deuxième vice-président du Burundi a fui le pays, appelant le président Pierre Nkurunziza à renoncer à briguer un troisième mandat alors que les violences à Bujumbura gagnent de nouveau en intensité.
Signe de cette tension à l'approche d'un scrutin controversé, quelque 200 étudiants qui campaient depuis le début de la contestation anti-Nkurunziza à l'extérieur de l'ambassade américaine et que la police voulait évacuer se sont réfugiés pacifiquement dans le complexe de la représentation diplomatique.
Par ailleurs, selon des journalistes, l'explosion de deux grenades dans le centre de la capitale a fait au moins huit blessés, au lendemain d'une journée déjà marquée par de nombreux tirs et explosions dans un quartier périphérique de Bujumbura, Musaga, foyer de la contestation.
Sur France 24 mercredi soir, le deuxième vice-président du Burundi, Gervais Rufyikiri, a expliqué avoir quitté le Burundi parce qu'il n'était "plus capable de continuer à soutenir l'attitude du président de la République, sa volonté de conduire le peuple burundais sur la voie de l'illégalité".
Il a aussi dit avoir été "menacé" après ses prises de position contre une candidature du chef de l’État à la présidentielle du 15 juillet.
Cette défection assombrit un peu plus le paysage politique au Burundi à l'approche d'élections législatives que l'opposition n'exclut pas de boycotter.
La communauté internationale demande le report de ce scrutin compte tenu de la grave crise que traverse le Burundi depuis l'annonce fin avril de la candidature à un nouveau mandat de Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et 2010.
La médiation internationale, qui tente de renouer le dialogue, a même proposé mercredi de coupler les législatives et le premier tour de la présidentielle et de repousser les deux scrutins au 31 juillet. Mais le camp présidentiel, dont on attend la réponse vendredi, a jusqu'à présent fermement écarté ce scénario.
En quittant le Burundi, M. Rufyikiri ajoute son nom à une longue liste d'opposants, journalistes, membres de la société civile ou frondeurs du parti au pouvoir (CNDD-FDD) sous le coup de menaces et contraints à l'exil.
Selon des proches, un autre ancien vice-président burundais, Bernard Busokoza a lui aussi fui en Belgique mercredi. Des rumeurs persistantes à Bujumbura font également état d'une possible défection du président de l'Assemblée nationale sortante, Pie Ntavyohanyima, ouvertement opposé au troisième mandat.
Loin de se laisser ébranler par le départ du 2e vice-président, le camp présidentiel l'a salué d'un "bon débarras", le principal conseiller en communication du président, Willy Nyamitwe, suggérant même que M. Rufyikiri avait "trempé dans la tentative de putsch manqué" contre le président mi-mai.
Signe de la détermination de Pierre Nkurunziza à aller coûte que coûte aux urnes, le chef de l'Etat a lancé jeudi sa campagne présidentielle à Busoni dans la province de Kirundo (nord-est).
Selon l'un de ses conseillers en communication, le chef de l'Etat a été accueilli "par une foule immense, entre 10.000 et 15.000 personnes", devant laquelle il a lancé: le pays "se porte très bien", le CNDD-FDD "est une chance historique pour le Burundi".
Des propos aux antipodes des critiques virulentes émanant de son 2e vice-président, qui depuis la Belgique a fustigé la fuite en avant du régime et appelé une nouvelle fois le chef de l'Etat à "se retirer", dans une lettre officielle.
M. Rufyikiri y a aussi dénoncé aussi les "intimidations" et "menaces" visant les opposants politiques et les membres de la société civile, en pointe contre le troisième mandat. Il a déploré également les "sanctions" infligées jusqu'aux membres du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, qui, comme lui, se sont opposés au troisième mandat.
Considéré comme l'un des leaders des frondeurs du parti au pouvoir, qui ont contesté dès avril la candidature de Nkurunziza, M. Rufyikiri était aussi perçu comme l'un des grands intellectuels du régime au pouvoir au Burundi.
Ces derniers mois, plus de 100.000 Burundais ont fui dans les pays voisins -- Rwanda, Tanzanie, République démocratique du Congo -- le climat préélectoral délétère au Burundi.
Les violences qui ont accompagné la contestation populaire ont fait au moins 70 morts, selon une ONG de défense des droits de l'Homme burundaise. Et la communauté internationale craint que le pays, qui se remet encore à peine de sa longue guerre civile (1993-2006) ne replonge dans des violences à grande échelle. – AfricaLog avec agence