Le "pardon" de Ségolène Royal à l'Afrique, après des propos de Nicolas Sarkozy jugés offensants, a provoqué mardi une levée de boucliers au sein du gouvernement, tandis que Martine Aubry lui apportait un soutien sans réserves.
Plusieurs ministres et personnalités de la majorité ont jugé "maladroite", "démagogique" voire "hystérique" son intervention. Le président de la République, lui, a refusé d'alimenter la controverse, déclarant lors d'un déplacement dans les Bouches-du-Rhône "ne pas avoir le temps pour la polémique". Lundi à Dakar, Ségolène Royal a demandé "pardon" à l'Afrique pour le discours prononcé par le chef de l'Etat lors d'une visite au Sénégal en juillet 2007. Nicolas Sarkozy avait alors estimé que "l'homme africain n'était pas suffisamment entré dans l'Histoire". La réaction de Ségolène Royal "me semble extraordinairement maladroite et très démagogique", a jugé le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, reconnaissant toutefois, sur RTL, que la phrase de Nicolas Sarkozy "était sans doute maladroite" mais qu'elle "ne signifiait ni racisme ni jugement péjoratif". Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la Famille, a pour sa part dénoncé sur LCI "la démagogie systématique" et "l'antisarkozysme primaire (et) souvent hystérique" auxquels se livre selon elle Ségolène Royal. Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, a jugé "scandaleux" que Ségolène Royal, "responsable ô combien importante de l'opposition, soit allée humilier notre pays comme elle l'a fait à l'étranger". "C'est écoeurant, il n'y a pas d'autre mot", a-t-il dit. Pour Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, Ségolène Royal "fait un contresens historique en Afrique, tout simplement pour faire diversion" et profère "des attaques infantiles" contre Nicolas Sarkozy. AUBRY "TRÈS HEUREUSE" L'intervention de Ségolène Royal semble toutefois avoir trouvé grâce aux yeux de certains dans la majorité, à en croire François Goulard, député UMP "villepiniste" du Morbihan. "C'est difficile de lui donner tort car le discours du président était une erreur (...) Elle a exprimé ce que beaucoup pensent, y compris dans la majorité", a-t-il dit. Plusieurs personnalités socialistes ont aussi apporté leur soutien à Ségolène Royal, au premier rang desquelles Martine Aubry. "J'ai été très heureuse que Ségolène ait dit ce qu'elle a dit", a déclaré le premier secrétaire du PS, estimant qu'elle avait eu "raison de tenir un discours qui recrée un lien pas seulement affectif mais humaniste entre l'Afrique et la France". Vincent Peillon, proche de la présidente de la région Poitou-Charentes, a jugé qu'il était de la "responsabilité" de Ségolène Royal de prononcer ce discours. "Est-ce que notre ancienne candidate à la présidentielle, qui a représenté 47% des Français, qui connaît bien le continent africain avait le droit d'aller apporter une autre vision de nos rapports et de l'Histoire ? Moi je le crois profondément", a-t-il déclaré sur RMC. Seul son de cloche dissonant au sein du PS, celui de Pierre Moscovici, qui juge qu'il revient à Nicolas Sarkozy de demander pardon pour ses "mauvais propos sur l'Afrique". "Le pardon de la République, c'est un peu fort. Ce sont les mots qu'avait utilisés Jacques Chirac au Vel d'hiv" à propos des rafles de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, a déclaré le député socialiste. Ségolène Royal, qui est née à Dakar alors que son père servait dans l'armée française, a pris le contre-pied du discours de Nicolas Sarkozy en magnifiant l'Histoire africaine. "Quelqu'un est venu vous dire à Dakar après tout cela que l'homme africain n'est pas entré dans l'Histoire. Pardon, pardon pour ces paroles humiliantes qui n'auraient jamais dû être prononcées," a-t-elle dit sous un tonnerre d'applaudissements dans l'enceinte de la maison du Parti socialiste sénégalais. "Je vous le dis en confidence, ces paroles n'engagent ni la France, ni les Français", a ajouté Ségolène Royal, qui est en visite au Sénégal du 4 au 9 avril dans le cadre d'une coopération entre sa région et celle de Fatick. Elle a également demandé "pardon" pour les "maux" infligés par la France aux peuples africains lors de la colonisation. - Reuters