Le vice-ministre zimbabwéen Roy Bennett, libéré jeudi sous caution après un mois de prison, incarne tout ce que le camp du président Robert Mugabe abhorre: un fermier blanc, membre historique et financier de l'ex-opposition, qui n'a pas peur d'exprimer ses opinions.
Son parti, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), l'avait désigné vice-ministre de l'Agriculture du nouveau gouvernement d'union, qui a prêté serment le 13 février. Mais, au moment même de la cérémonie, Roy Bennett était arrêté par la police et inculpé de trahison. Cette charge, passible de la peine de mort, a été ensuite remplacée par une accusation de terrorisme et de sabotage. Après un mois de bataille judiciaire, la Cour suprême a finalement rejeté un appel de l'Etat, permettant ainsi la remise en liberté de M. Bennett, 52 ans, contre une caution de 5.000 dollars américains (4.000 euros). Dès sa sortie de prison, il a aussitôt dénoncé les "graves violations des droits de l'Homme" dans les établissements pénitentiaires. "Les gens souffrent. Ils ne mangent que de la farine de maïs, une quantité pas plus grande que mon poing. Ils n'ont qu'un seul repas par jour", a décrit avec sa fougue habituelle M. Bennett, qui avait l'air en bonne santé. Cet homme au caractère bien trempé, né en 1957 à Rusape (est), n'a jamais hésité à défendre ses opinions: en 2000, alors qu'il sait que les fermiers blancs sont dans le collimateur du président Robert Mugabe, il rallie le MDC, tout nouveau parti d'opposition, et se fait élire au Parlement. Au même moment, les autorités lancent une réforme agraire destinée à corriger les inégalités héritées de la colonisation. Menée dans la précipitation et la violence, elle débouche sur l'expulsion de plus de 4.000 exploitants agricoles blancs. Roy Bennett, bien intégré et maîtrisant la langue locale, le shona, n'est pas épargné. En 2003, sa plantation de café, située près de la frontière avec le Mozambique, l'une des plus rentables du pays, est donnée à un policier de haut rang. Un an plus tard, lors d'un débat houleux au Parlement sur la réforme agraire, Roy Bennett perd son sang-froid, attrape le ministre de la Justice par le col et le cloue à terre. Cette altercation lui vaut huit mois de détention entre octobre 2004 et juin 2005 et la perte de son siège de député. A sa sortie de prison, il est accusé d'avoir comploté contre Robert Mugabe et choisit de s'exiler pour éviter une nouvelle arrestation. Il s'installe alors en Afrique du Sud voisine, où il occupe à partir de 2007 le poste de trésorier du MDC. Ce n'est que le mois dernier, alors que la perspective d'un gouvernement d'union se confirme, que ce fils de fermier rentre au pays. Emprisonné, il a été libéré jeudi, mais les charges pesant contre lui n'ont pas été levées. - AFP