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Marc Ona, héros de la société civile, fustige la "mascarade" électorale au Gabon

Sep 03, 2009

A quelques heures de la publication des résultats de l'élection présidentielle gabonaise, Marc Ona est en alerte. "Si on proclame la victoire d'Ali Bongo, ce sera un mensonge. Le clan Bongo est prêt à tout pour conserver ses privilèges, et ça risque de se passer mal", lançait, mardi 1er septembre, cette figure de proue de la société civile – militant de la transparence des revenus pétroliers, défenseur de la forêt tropicale et pourfendeur des "biens mal acquis".

L'"homme de paix" qu'il dit être ne masque pas son inquiétude. Dans une ville livrée à d'incessantes rumeurs aussi alarmantes qu'invérifiables, où les Cassandre ressemblent souvent à des pyromanes stipendiés, l'avertissement serait à négliger s'il ne venait pas d'une des rares personnalités dont les proclamations d'indépendance ne prêtent pas à sourire.

Alors que le pays s'est mobilisé dimanche pour participer au premier scrutin ouvert de son histoire, ce père de famille de 46 ans, qui dit se battre pour la démocratie, n'a pas été voter. "Je n'ai pas voulu jeter ma voix dans cette mascarade", explique-t-il, en stigmatisant l'organisation précipitée du scrutin, les listes électorales gonflées, l'énorme déséquilibre financier et médiatique, ainsi que la fraude.

"CONSCIENCES ENDORMIES"

Aucun des trois principaux candidats ne trouve grâce aux yeux de Marc Ona. Ni André Mba Obame, ancien ministre de l'intérieur, "un fin démagogue qui ose demander pardon dans ses meetings pour ce qu'il a fait sous Bongo". Ni Pierre Mamboundou, "un homme à l'ego surdimensionné, pris en otage par les Eglises pentecôtistes". Ni surtout Ali Bongo, "cet arrogant qui croit avoir tous les droits sous prétexte qu'il est le fils d'Omar Bongo".

Un rejet général qui reflète la difficulté, pour un pays sortant de quatre décennies d'un régime expert en débauchage d'opposants, à générer des hommes politiques intègres. "Pendant quarante-deux ans le "bongoïsme" a pillé le pays, confisqué les libertés, endormi les consciences, résume-t-il. Nos dirigeants sont incapables de choisir entre les affaires et la politique."

L'homme qui joue ainsi les procureurs n'a rien d'un provocateur. Mais il entend tenir le rôle de "trouble-fête". En l'écoutant et en le regardant, on est tenté de relier sa défense des libertés au combat d'un homme qui a perdu l'usage de ses jambes à la suite d'une polio contractée à l'âge de 6 ans, et se trouve cloué dans un fauteuil roulant. Mais qui, à force de dextérité, relève le défi qu'il s'est donné : "Faire oublier à mes interlocuteurs qu'ils ont un handicapé en face d'eux."

Le handicap, lui, ne l'a pas oublié, marquant chaque étape de sa vie. Son enfance, avec un père, petit cultivateur de cacao, qui le portait pour l'emmener en classe. Sa scolarité d'élève méritant dans une des meilleures écoles de Libreville. Son renoncement au métier d'avocat, la faculté de droit n'étant pas accessible à son fauteuil. "Je passe ma vie à relever des défis", glisse ce chrétien non pratiquant en souriant derrière d'épaisses lunettes.

Dès la fin des années 1990, Marc Ona comprend le rôle que va jouer Internet dans le débat politique. Employé par l'ONU, il anime un forum sur la gouvernance qui déplaît aux autorités gabonaises. Alors que les organisations non gouvernementales (ONG) peinent à trouver à Libreville des relais fiables et indépendants, il multiplie les engagements. Président de l'ONG environnementale Brainforest, Marc Ona a mis sur la place publique en 2007 le contrat léonin accordé à un consortium chinois pour l'exploitation de la mine de fer de Bélinga, et obtenu la révision de ce projet, aujourd'hui suspendu.

Avec la coalition "Publiez ce que vous payez", il a révélé le montant des recettes que le Gabon tire de l'exploitation pétrolière. Et soutenu la plainte en cours d'examen à Paris, destinée à obtenir la restitution à l'Etat gabonais des appartements parisiens dont plusieurs membres de la famille Bongo - dont Ali - sont propriétaires. – Le Monde