Les Ivoiriens ont voté dans le calme dimanche pour une élection présidentielle cruciale que le président sortant Alassane Ouattara espère gagner dès le premier tour face à une opposition divisée.
Une présidentielle apaisée et crédible dans ce pays, premier producteur mondial de cacao et poids lourd économique d'Afrique de l'Ouest, est jugée fondamentale pour tourner définitivement la page des violences meurtrières qui avaient suivi la victoire en 2010 de M. Ouattara sur son prédécesseur Laurent Gbagbo.
La peur des violences est toujours vivace parmi les 23 millions d'habitants.
"Je veux que la paix s'installe définitivement et du travail pour mes enfants", a affirmé Bintou Coulibaly, une commerçante qui a voté à Adjamé, quartier populaire d'Abidjan.
Un peu plus de 6 millions de personnes étaient inscrites sur les listes électorales. Des retards de une ou deux heures pour l'ouverture des bureaux de vote ont été fréquents, et même jusqu'à cinq heures pour un bureau à Bouaké (centre), où un électeur, Karim Konaté, a parlé de "sabotage".
"Tous les bureaux sont fermés et on procède actuellement au dépouillement", a affirmé à 20H (locales et GMT) un membre de la Commission électorale, qui avait repoussé l'heure de fermeture.
Selon des observateurs, le taux d'abstention qui devrait être connu en soirée ou lundi matin, risque d'être élevé, alors que la participation avait frôlé les 80% en 2010.
Dans le centre d'Abidjan, au collège Notre-Dame, le taux de participation à la mi-journée avoisinait 45% . A Yopougon, quartier populaire de la capitale réputé pro-Gbagbo, le taux de participation se situait vers 17H à 25% au collège William Ponty, le plus gros bureau de vote du pays.
"L'engouement que nous constatons sur l'ensemble du territoire nous fait penser que le taux de participation sera très bon", a affirmé le président Ouattara après avoir voté à Abidjan.
"Nous devons (...) sortir de ces élections avec la paix, la sérénité et nous rassembler davantage pour faire face aux autres défis qui attendent la nation ivoirienne", a-t-il poursuivi.
De nombreux opposants reprochent au régime d'avoir appliqué "une justice des vainqueurs" en condamnant presque uniquement des partisans du camp Gbagbo après les événements de 2010.
M. Ouattara s'est appuyé sur une impressionnante machine de campagne électorale et a mis en avant son bilan économique.
Grand absent du scrutin, l'ex-président Laurent Gbagbo attend son jugement pour crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale dans une cellule au Pays-Bas. En 2010, son refus de reconnaître la victoire de M. Ouattara avait plongé le pays dans cinq mois de conflit qui s'étaient soldés par la mort de 3.000 personnes, épilogue sanglant d'une décennie de crise politico-militaire.
Parmi les six adversaires de Ouattara, Pascal Affi N'Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI) fondé par M. Gbagbo, paraît le plus à même de le pousser à un deuxième tour, bien qu'une partie du FPI boycotte l'élection par fidélité à l'ancien président.
Claude Akho, qui a voté pour Affi à Yopougon-Millionnaire, le regrettait. "Je dis à mes frères: Nous avons des amis en prison depuis 5 ans. Qu'est-ce que vous voulez, qu'ils y restent? Si vous êtes contre Ouattara, il faut le dire".
Trois candidats se sont retirés de la course avant le scrutin. L'un d'entre eux, l'ex-ministre des Affaires étrangères Amara Essy, a parlé de "mascarade électorale".
Si le pouvoir et des observateurs ont attribué ces retraits à la crainte de "prendre une veste", Amnesty International a appelé à "mettre fin aux arrestations arbitraires d'opposants", qui "créent un climat de peur qui compromet l'exercice de la liberté d'expression".
Pour éviter les contestations, un dispositif d'authentification biométrique des électeurs a été mis en place avec des tablettes "anti-fraude" dans tous les bureaux.
Un des candidats, Konan Kouadio Siméon, a accusé le pouvoir de "fraude". Un bureau non répertorié a été ouvert dans le centre-ville pour frauder, a-t-il dit. Cette accusation n'a pu être vérifiée.
Les premiers résultats sont attendus en début de semaine.
Quelque 34.000 soldats, dont 6.000 Casques bleus, assuraient la sécurité du scrutin.