Les manifestations n’ont pour l’instant pas fait plier le pouvoir en Guinée. La nouvelle Constitution proposée par le président Alpha Condé a recueilli 91,59 % de «oui» lors du référendum du 22 mars, a indiqué la commission électorale. Le scrutin avait été boycotté par l’opposition qui y voit un stratagème du chef de l’Etat pour se maintenir au pouvoir. Le taux de participation est estimé à 61 %.
Le projet prêté au président Condé de briguer, à 82 ans, un troisième mandat fin 2020 et la nouvelle Constitution qui doit l’y aider, selon l’opposition, sont au cœur d’une crise politique depuis mi-octobre. Le référendum constitutionnel a lui-même été entaché de violences qui ont fait des dizaines de morts le jour de sa tenue dimanche dernier et les jours suivants selon l’opposition. Les autorités reconnaissent quelques morts tout en assurant que la consultation s’est déroulée sereinement.
Le référendum a donné lieu à Nzérékoré (sud), l’une des plus grandes villes du pays, à des affrontements intercommunautaires meurtriers, des attaques d’églises chrétiennes et de mosquées et des saccages. Les conditions dans lesquelles se sont déroulés le référendum et les législatives qui ont eu lieu simultanément ont été critiquées par les Etats-Unis, la France et la diplomatie européenne. «Le caractère non inclusif et non consensuel de ces scrutins et du fichier électoral porte atteinte à la crédibilité de ces élections», a ainsi estimé la porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Elle a qualifié «d’inacceptables» les violences et «l’usage disproportionné de la force» par les policiers et les gendarmes.
Après avoir une première fois repoussé l’échéance de trois semaines, Alpha Condé a cependant décidé de passer outre les critiques, tout comme à l’absence d’observateurs internationaux et à l’apparition du coronavirus. Le vote a bien eu lieu alors que l’épidémie accaparait l’attention internationale.
Alpha Condé a été élu en 2010 et réélu en 2015. L’actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats, la nouvelle également, tout en en portant la durée à six ans. Ancien opposant historique devenu premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires, Apha Condé assure qu’il s’agit de doter son pays d’une Constitution «moderne» qui, par exemple, interdirait la circoncision féminine et le mariage des mineurs.
Pour l’instant, le président entretient l’ambiguïté sur ses ambitions personnelles, qui ne font aucun doute pour ses adversaires. Pour eux, la nouvelle Constitution lui permettra de remettre son compteur présidentiel à zéro et de marcher sur les pas d’autres dirigeants africains qui ont plié la loi fondamentale à leurs aspirations personnelles. La contestation ne devrait donc pas faiblir. - AfricaLog avec agence