Bureaux de vote ouverts avec plusieurs heures de retard, électeurs frustrés, principal candidat d'opposition interpellé, réseaux sociaux bloqués : le premier tour de l'élection présidentielle en Ouganda jeudi a été pour le moins chaotique et a suscité les critiques de l'opposition et d'observateurs étrangers.
Pour la deuxième fois cette semaine, la police a arrêté Kizza Besigye, principal rival du président Yoweri Museveni qui, à 71 ans dont 30 passés à la tête du pays, vise un cinquième quinquennat.
M. Besigye a été arrêté devant une maison où selon son entourage et son parti, des policiers et des membres du tout puissant parti au pouvoir, le NRM, étaient en train de truquer les élections en bourrant des urnes.
Peu après, l'opposant «a été libéré sans être inculpé et ramené chez lui», a déclaré à l'un de ses avocats Ladislaus Rwakafuzi.
«Comme d'habitude, il n'est pas content de ce qui se passe dans le pays, mais il demeure déterminé et il est libre à présent», a ajouté un autre de ses défenseurs, Erias Lukwago.
La brève interpellation de M. Besigye a conclu le premier tour des élections présidentielle et législatives comme il avait commencé : dans le désordre.
Le scrutin a été entaché de retards importants dans de nombreux bureaux de vote de la capitale, où des électeurs venus en nombre, dès l'aube, ont dû attendre plusieurs heures pour que le matériel électoral arrive enfin.
Ces retards ont été qualifiés d'«absolument inexcusables» par le chef de la mission d'observation du Commonwealth, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo.
«Le fait que le scrutin ait commencé si tard et que certains des électeurs aient été privés de leur droit de vote soulève la question : cette élection va-t-elle être crédible et avoir une quelconque signification?», a pour sa part réagi l'équipe de campagne de l'un des principaux candidats d'opposition, l'ex-premier ministre Amama Mbabazi.
Quelque 15 millions d'inscrits étaient appelés à élire leurs 290 députés et leur président entre huit candidats.
En raison des retards, la commission électorale a repoussé à 19 h au lieu de 16 h la fermeture de bureaux de vote à Kampala et Wakiso (un district au nord-ouest de Kampala) et décidé de rouvrir vendredi une trentaine de bureaux où les gens n'ont pas pu voter.
Dans le reste de la capitale et du pays, les opérations de dépouillement avaient débuté en fin d'après-midi. Les résultats sont attendus dans les 48 heures.
Les tensions ont été les plus vives dans le quartier de Ggaba, dans le sud de Kampala: la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, furieuse de n'avoir pu voter et qui s'inquiétait de possibles fraudes.
Après une longue attente, les bulletins de vote étaient arrivés en début d'après-midi, mais ne concernaient que les législatives et pas la présidentielle. Face à l'hostilité de la foule, la police a fermé le bureau, sans que personne n'ait voté.
À Kabalagala, un quartier populaire du sud-est de Kampala, des électeurs, frustrés, ont cassé des tables en les lançant vers la police, une réaction de colère à la hauteur de la ferveur qui les animait en se rendant aux urnes jeudi matin.
«Comme vous pouvez le voir, on ne vote pas. Les gens sont là depuis très tôt ce matin et il ne se passe rien. On sait que c'est fait intentionnellement. Personne ne soutient Museveni et il le sait», a déclaré un des électeurs, Marius Nkata.
Pendant une bonne partie de la journée, l'accès à l'internet et plus particulièrement aux réseaux sociaux, a été bloqué par la Commission des communications, l'organe gouvernemental qui régule le secteur. Amnistie internationale a dénoncé un acte de «censure».
Les sondages prédisent une victoire dès le premier tour, avec 51 % des voix, pour M. Museveni. Le président est encore très populaire dans les campagnes et bénéficie de la puissance financière et du savoir-faire électoral de son parti, le Mouvement de résistance nationale (NRM).
L'opposition, même si elle n'a pas réussi à s'accorder sur une candidature unique, espère le pousser à un second tour inédit dans ce pays enclavé d'Afrique de l'Est, qui n'a jamais connu d'alternance politique pacifique depuis son indépendance en 1962.
Opposant historique et principal rival de M. Museveni, Kizza Besigye estime même être en mesure de l'emporter, quand bien même il a été battu au premier tour lors des trois derniers scrutins (2001, 2006, 2011) et a jugé que «cette élection ne peut pas être libre et équitable». – AfricaLog avec agence