Les autorités nigérianes tentaient mercredi d'identifier les presque 300 filles et femmes libérées la veille par l'armée de camps des islamistes de Boko Haram, certaines pouvant être des adolescentes enlevées l'année dernière à Chibok.
Le porte-parole de l'armée de terre, Sani Usman, a cependant affirmé mercredi matin qu'aucune des 219 filles, dont l'enlèvement le 14 avril 2014 avait suscité une vague d'indignation mondiale (#bringbackourgirls) et dont on est toujours sans nouvelle, ne faisait partie des otages libérées.
Mais le porte-parole des armées, Chris Olukolade, a appelé à rester prudent, affirmant que les ex-otages retrouvées (200 filles et 93 femmes, selon le décompte de l'armée) dans la forêt de Sambisa, un fief du groupe islamiste, dans le nord-est du Nigeria, faisaient encore l'objet d'examens et n'avaient pas été toutes identifiées.
Les parents des victimes de Chibok, très éprouvés par cette attente depuis plus d'un an, étaient mercredi très déçus et en colère. D'autant que l'armée nigériane a déjà annoncé la libération des écolières par le passé, avant de faire machine arrière.
«Cela nous brise le coeur de voir nos espoirs ainsi balayés», a déclaré Enoch Mark, dont la fille et la nièce font partie des 219 otages.
«Quand nous avons appris cette libération, nous avons cru qu'il s'agissait de nos filles. Les parents se sont mis à s'appeler, ils espéraient recevoir la confirmation que c'étaient bien leurs filles qui avaient été libérées», a-t-il raconté.
«Cela dit, ce n'est pas surprenant (...), le gouvernement a déjà menti plusieurs fois. À nos yeux, il n'a plus aucune crédibilité».
«Nous n'avons jamais perdu espoir, mais la question est : si l'armée a la capacité (de libérer les otages) maintenant, pourquoi ne l'a-t-il pas fait plus tôt?», s'est interrogé à son tour Pogo Bitrus, dont les quatre nièces font aussi partie des otages de Chibok.
«Nous sommes une bande de malheureux pris dans un jeu politique. C'est malheureux d'en arriver là . Ils ont joué avec la vie des gens, et ont embrouillé tout le monde» a-t-il accusé.
Annonces contradictoires
M. Olukolade a annoncé mardi soir que l'armée avait libéré 200 filles et 93 femmes, assurant qu'il n'était «pas confirmé que les filles soient celles de Chibok».
À nouveau joint mercredi, il a de nouveau estimé qu'il n'était «pas raisonnable de déclarer à la va-vite qu'il n'y a pas de filles de Chibok parmi elles. On ne peut pas savoir. Une ou deux d'entre elles pourraient en faire partie».
Au même moment, M. Usman tranchait, catégorique : «Selon nos investigations préliminaires, les filles libérées ne sont pas celles enlevées à Chibok l'année dernière».
Selon M. Usman, la vaste forêt de Sambisa, un ancien parc national de l'ère coloniale, abrite de nombreux camps de Boko Haram, et seuls quatre ont été détruits pour le moment.
Au total, quelque 2000 femmes et jeunes filles ont été enlevées par le groupe islamiste depuis le début de l'année dernière, selon Amnistie internationale.
La dernière opération militaire dans la forêt de Sambisa s'inscrit dans le cadre d'une offensive régionale contre Boko Haram, débutée en février, et à laquelle participent le Niger, le Tchad et le Cameroun voisins.
Au total, l'insurrection islamiste et sa répression par les forces de l'ordre ont fait plus de 15 000 morts au Nigeria, et plus de 1,5 million de personnes ont été obligées de fuir leur foyer, selon les Nations unies.
«Une plaie purulente»
Au lendemain du rapt de Chibok, certains avaient affirmé qu'elles avaient été transportées dans la forêt de Sambisa. D'autres, qu'elles avaient été séparées et que certaines d'entre elles avaient été transportées au Cameroun, au Tchad, ou bien sur les rives du lac Tchad.
Aucune nouvelle des captives n'a filtré depuis une vidéo diffusée en mai 2014 par Boko Haram, montrant une centaine de filles voilées, récitant des sourates du Coran.
«Le chef d'État-Major des armées a assuré l'année dernière qu'il savait où nos filles se trouvaient, et maintenant on nous dit l'inverse», s'est encore indigné M. Mark.
«Ce qui s'est passé hier a rouvert une plaie déjà purulente. Pour nous, parents, c'est comme si le rapt avait eu lieu hier. Nous étions sur le point de célébrer la libération de nos filles, et maintenant on recommence à faire le deuil». – AfricaLog avec agence