Les soldats rwandais et congolais, qui progressaient samedi dans l'est de la République démocratique du Congo contre les rebelles hutu rwandais, ont remporté un important succès en capturant le chef rebelle congolais Laurent Nkunda, salué par la presse et l'opinion. "Laurent Nkunda arrêté, certains n'y croiront que dans leur tombe", affirmait samedi l'éditorial du quotidien L'Avenir, titrant : "La fin d'une aventure criminelle".
Le caricaturiste du Potentiel, premier quotidien kinois, croquait en une Nkunda attaché à une barre de bois portée sur les épaules de deux soldats rwandais, comme les gibiers chassés dans les safaris, et qui implore: "Libérez moi, je ferai de vous des millionnaires en dollars, je vous offre de l'or, du diamant, du coltan". Et les Rwandais de répondre : "Au marché congolais, tu vaut plus que du coltan!". Dans les échoppes, les rues, les taxis de Kinshasa, le nom de Nkunda revient sans cesse, comme sur les nombreuses radios et télévisions. Avec une exigence: le jugement public du chef de la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), arrêté jeudi au Rwanda voisin et qui déstabilisait depuis 2004 l'est de la RDC, faisant trembler Kinshasa. "Je suis heureuse car Dieu a exaucé ma prière. Je veux qu'il paie de son sang ses crimes car il a tué des milliers de personnes", déclarait à l'AFP Cécile Pami, une enseignante à Kinshasa, Laurent Nkunda, général déchu, fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré en 2005 par la Haute Cour militaire congolaise pour désobéissance et crimes de guerre à Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu (est) qu'il avait prise brièvement en juin 2004. Il est aussi accusé par nombres d'ONG d'avoir enrôlé des enfants dans ses rangs, comme d'autres groupes armés qui écument le Nord et le Sud-Kivu. "L'arrestation de Nkunda pourrait permettre la libération d'environ 1.500 enfants-soldats", selon l'ONG Save the Children. S'il était jugé à Kinshasa, Nkunda pourrait encourir la peine capitale, toujours en vigueur en RDC. Même si, depuis l'arrivée au pouvoir de Joseph Kabila en janvier 2001, aucun condamné n'a été exécuté, même ceux qui ont été reconnus coupables de l'assassinat de son père, Laurent Désiré Kabila. Encore faut-il que Nkunda soit livré par le Rwanda aux autorités congolaises. Son éventuelle extradition est tenue secrète pour l'instant, en accord avec la grande opacité qui entoure, depuis le début, l'opération militaire conjointe entre les deux armées dans l'est. L'entrée des soldats rwandais, ennemis d'hier, a non seulement surpris la classe politique en RDC, mais aussi nombre de ministres et militaires, selon des sources concordantes. Elle a aussi suscité des remous dans l'armée rwandaise, au sein de laquelle plusieurs arrestations ont eu lieu, selon une source onusienne La RDC souhaite l'extradition de Nkunda, mais son porte-parole et ministre de la Communication Lambert Mende a pris soin de préciser que "cela relève des autorités rwandaises". Samedi, il indiquait à l'AFP que Nkunda est "encore à Gisenyi", localité rwandaise située en face de Goma, capitale congolaise de la province du Nord-Kivu. Une source onusienne à Goma a estimé samedi qu'il "ne serait pas impossible que Nkunda ait déjà été transporté secrètement à Kinshasa". "Si Kigali livre Nkunda à Kinshasa, ce sera un geste très fort", observait un diplomate à Kinshasa. Sur le terrain, les forces conjointes, qui ont entamé leur opération le 20 janvier, progressaient samedi dans les régions du Rutshuru et de Masisi contre les rebelles hutu rwandais, a constaté un journaliste de l'AFP. Selon l'ONU, au moins 5.000 soldats rwandais seraient déjà en mouvement dans le Nord-Kivu - AFP