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RDC/RWANDA: les mystères d’une réconciliation

Jan 26, 2009

Nkunda, mouton du sacrifice ou ruse de guerre ? Stratégie ou pas, le général-rebelle congolais semble avoir été lâché par les siens : les compagnons de lutte et même le parrain rwandais. Ces derniers sont comme agacés par la ténacité du leader longiligne dont la canne d’appui renvoie à l’image du "Roi-Léopard" Mobutu du Zaïre. Après des années de lutte acharnée mais sans succès véritable, ils ont décidé de se débarrasser de celui que la communauté internationale cherche à juger pour crimes contre l’humanité.

Kigali semble chercher à se dédouaner. Longtemps, la crise rwando-congolaise a permis à Paul Kagamé, le chef de l’Etat rwandais, de faire diversion. Exit donc les problèmes internes. Mais la Justice internationale harcèle constamment. On l’a vu récemment avec l’interpellation, par les magistrats français de Rose Kabuyé, chef du protocole d’État rwandais. En outre, les victimes de l’accession au pouvoir du Président Kagamé, tiennent à prendre leur revanche sur ceux qu’ils accusent d’avoir assassiné les deux chefs d’État du Rwanda et du Burundi.

Un double drame à l’origine du génocide rwandais. Et si les génocidaires continuent d’être traqués, les tenants de l’ancien régime n’en démordent point : la Justice internationale doit demander des comptes au Président Kagamé. Celui-ci a des opposants dans les maquis congolais, mais aussi à travers le monde. Ils demandent que lumière soit faite sur le dossier. D’autres également exigent plus de démocratie à l’interne.

Par ailleurs, les données changent rapidement au plan international. Les alliés aussi. À Washington, Barack Obama se présente en "Monsieur Propre", avide de plus de transparence, de démocratie, de progrès et de justice. Il joue la carte de l’apaisement. Et pour beaucoup, il passe pour un messie venu sauver les pauvres, les opprimés et les désespérés. Les gouvernants lugubres, en particulier sur le continent, n’ont qu’à bien se tenir.

Obama que la planète entière a adopté, perturbe aussi le sommeil de nombreux dirigeants occidentaux. Rien d’étonnant à les voir courir d’un point de la terre à l’autre. Ils semblent avoir retrouvé les vertus de l’ouverture d’esprit, du dialogue et surtout les principes républicains longtemps torpillés sur l’autel de l’intérêt partisan. Ainsi, en est-il des anciens colonisateurs européens. Eux aussi, craignent la bourrasque du changement venant d’Amérique. Longtemps, ils auront profité des excès de Bush le belliqueux pour damer le pion à la Maison Blanche partout où ils le pouvaient. Sans scrupule, l’ex-chef de l’Exécutif américain, aura passé son temps à écorner l’image des Etats-Unis. Aujourd’hui, les choses se présentent autrement avec Obama l’Africain-Américain. Plus que George Bush-Condolezza Rice, le duo Barack Obama-Hilary Clinton voudra repositionner les Etats-Unis sur l’échiquier international. Mais il va falloir faire vite. L’Afrique, berceau du père du nouvel occupant de la Maison Blanche, ne sera sans doute pas négligée. Du moins, les peuples de ce continent longtemps meurtri, l’espèrent dans leur fort intérieur. La tornade Obama annonce des lendemains difficiles pour les dictateurs et les anti-démocrates indécrottables. Qu’ils soient au pouvoir ou pas. Elle perturbe aussi le sommeil de ceux qui ont toujours été leurs alliés et complices, et de tous les pécheurs en eaux troubles.

Sarkozy l’a vite compris. Comme voulant rompre avec sa "rupture" qui n’en a jamais été une, le patron de l’Élysée s’est résolu à venir sur le terrain donner un coup de pouce à la réconciliation rwando-congolaise. Ce n’est pas gratuit. Ses initiatives sont autant de cornes plantées dans le corps de l’ancien colonisateur belge. Ce dernier, après une léthargie due à des problèmes internes, se réveille peu à peu et cherche fébrilement à se réhabiliter aux yeux des acteurs politiques congolais. Les récentes négociations avec Kinshasa le confirment : Bruxelles, refuge de milliers de Congolais et de Rwandais, tient à réaffirmer sa présence dans le traitement des dossiers relatifs à la région. La fin des tiraillements n’est donc pas pour demain.

Les chassés-croisés soudains ne sont guère innocents : le Congo, ancienne possession de la famille royale belge, est immensément riche. Le drame rwandais lui, se conjugue avec l’enfermement dans des terres exiguës pour une population dont la densité a toujours posé problème. Chercherait-on à redessiner la carte de la région ? Quid alors des principes défendus par l’Organisation de l’unité africaine (OUA), puis l’Union africaine (UA), notamment le respect des frontières héritées de la colonisation ? Bush avait lui aussi tenté une telle opération au Proche-Orient. Aventure sans queue ni tête, elle avait piteusement échoué. En se faufilant entre Kigali et Kinshasa, Paris voudrait sans doute montrer son attachement à la région. Cela, longtemps après la mort de ses deux alliés inconditionnels : le Président Habyarimana, prédécesseur de Kagamé, et le Maréchal Mobutu du Zaïre. L’Hexagone tient à ramener au bercail francophone le rebelle Kagamé qui veut faire du Rwanda un pays bilingue à défaut de le rendre unilingue anglais. En contrepartie, le plan Sarkozy appuierait l’exploitation des richesses locales par les deux pays apparemment déterminés à en finir avec les rebelles rwandais enracinés dans la forêt congolaise. Mais à Kinshasa, ces retrouvailles ne sont pas du goût de tous les acteurs politiques. L’on s’inquiète de voir le Rwanda considéré hier comme agresseur, s’installer durablement en territoire congolais.

Des questions se posent également quant au sort qui attend les rebelles et les réfugiés rwandais qui n’ont rien à voir avec le génocide. Entre autres : quelle sécurité au retour ? Quelle réintégration éventuelle dans le paysage politique rwandais qui est loin d’être un exemple de démocratie ? Y aura-t-il un découpage territorial à leur profit à l’est de la RDC ? Dans un tel scénario, quel financement pour quelles catégories de citoyens, les populations autochtones étant également dans le besoin ? Que faire des démarches de la mission Obasandjo dépêchée par l’UA mais sévèrement critiquée de part et d’autre ?

Qu’adviendra-t-il de Nkunda ? Kigali a-t-il décidé de le sacrifier pour sauver sa tête, ou cherche-t-il plutôt à le soustraire de toutes poursuites ? L’homme a-t-il vraiment été lâché par Kagamé ? Sera-t-il oublié après tous ces services rendus au grand frère rwandais ? Encombrant, il est aussi précieux entre les mains de Kagamé : complice d’hier, témoin d’aujourd’hui, il doit peser lourd dans les négociations en cours. Le retournement de situation auquel l’on assiste le montre bien : l’imbroglio congolo-rwandais est loin d’avoir dit son dernier mot. – Le Pays