Une tentative de putsch était en cours mardi en Guinée, quelques heures après la mort à 74 ans du président Lansana Conté qui a dirigé d'une main de fer pendant près d'un quart de siècle ce pays d'Afrique de l'Ouest.
Le chef des forces armées guinéennes, le général Diarra Camara, a affirmé à la chaîne de télévision française France 24 que les putschistes étaient "minoritaires". De source gouvernementale à Conakry, on précise que des négociations sont en cours au camp militaire Alpha Yaya Diallo, dans les faubourgs de la capitale, entre loyalistes et mutins. Quelques coups de feu ont été entendus près du camp, selon des témoins, mais le calme semble régner dans la ville où patrouillent des soldats fortement armés. Des soldats en armes gardent le pont stratégique conduisant au centre-ville, aux sièges de la présidence et de la banque centrale, et patrouillent en véhicules tout-terrain, acclamés parfois par les passants aux cris de "président, président!". A Paris, les autorités françaises ont déclaré que les autorités légitimes paraissaient contrôler la situation à Conakry et dans le reste du pays, premier exportateur mondial de bauxite. Un officier de l'armée guinéenne, le capitaine Moussa Davis Camara, avait annoncé dans la matinée à la radio d'Etat la dissolution du gouvernement et la suspension de la constitution. Il a fait état de la création d'un Conseil national pour la démocratie, chargé d'assurer l'intérim du pouvoir et de nommer dans les prochains jours un président et un gouvernement. Le président de l'Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, a déclaré que selon lui la majeure partie de l'armée était loyaliste et ne suivait pas le capitaine Camara. "C'est une tentative de coup d'Etat", a-t-il dit à France 24. "Je ne pense pas que toute l'armée soit derrière (cette tentative) (...) C'est juste un groupe." Il a précisé que des discussions étaient en cours avec les putschistes. La France "ne pourra pas se satisfaire d'une situation qui ne respecte pas l'ordre constitutionnel", a souligné à Paris Eric Chevallier, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. CALME À CONAKRY "Pour le moment, il semble que la situation soit calme à Conakry et dans le pays. (...) Il semble que les autorités légitimes ont le contrôle actuellement de la situation dans le pays", a-t-il précisé. "On en est à une revendication qui ne semble pas être suivie des faits." Joints par Reuters à Conakry, des journalistes guinéens ont déclaré qu'un groupe de soldats avait fait irruption au siège de la radio et ordonné la diffusion du communiqué. Le texte lu par le capitaine Camara annonce la suspension de la constitution et la dissolution du gouvernement. Un conseil de transition composé de militaires et de civils et reflétant "l'équilibre ethnique" doit être formé dans les prochains jours. Camara a invoqué notamment "la corruption généralisée", l'impunité et l'anarchie ainsi qu'une "situation économique catastrophique" pour justifier la dissolution du gouvernement. "Les membres de l'actuel gouvernement sont en grande partie responsables de cette crise économique et sociale sans précédent", accuse-t-il. Le président Lansana Conté, qui vivait le plus souvent reclus ces dernières années, souffrait notamment de diabète. Il s'était rendu à de nombreuses reprises à l'étranger depuis 2002 pour des traitements médicaux, que ce soit au Maroc, à Cuba ou en Suisse. Le Premier ministre, Ahmed Tidiane Souaré, le président de l'Assemblée Aboubacar Somparé, le chef des forces armées Diarra Camara et d'autres hauts responsables étaient apparus dans la nuit à la télévision nationale à l'annonce de sa mort. "J'ai la lourde et difficile tâche de vous informer avec une profonde tristesse du décès du général Lansana Conté, président de la République de Guinée, à la suite d'une longue maladie", a déclaré Somparé, qui a demandé à la Cour suprême de le nommer chef de l'Etat par intérim, conformément à l'article 34 de la constitution. La constitution prévoit l'organisation d'une élection présidentielle dans un délai de 60 jours pour trouver un successeur à Conté, qui n'a jamais clairement désigné de "dauphin". Somparé a également annoncé un deuil national de 40 jours. Bien que le président se soit éteint lundi à 18h00 GMT, les autorités ont attendu la nuit, alors que la majeure partie du pays dormait, pour annoncer le décès. - Reuters