Une bagarre oppose depuis des années une société de Vincent Bolloré et une compagnie espagnole qui se disputent le contrôle du port de Lomé, sur fond de relations complexes entre Paris et ses anciennes colonies et d'éventuels relais politiques.
L'affaire a culminé fin mai avec la chute soudaine à Lomé de l'homme d'affaire Jacques Dupuydauby, propriétaire de la compagnie Progosa. La soixantaine énergique, il était très en cour du temps du président Gnassingbé Eyadéma. Ses sociétés SE2M et SE3M contrôlaient depuis 2001 une grande part de l'activité du port de Lomé. "J'étais encore tout beau il y a dix jours. Et très intime avec Faure Gnassingbé (le président togolais, fils d'Eyadéma) depuis dix ans", a affirmé l'homme d'affaire joint par téléphone à Séville, siège de sa compagnie. Alors qu'il est au Burkina Faso pour rencontrer le président Blaise Compaoré, ses comptes et documents sont saisis et SE2M et SE3M sont placées, affirme-t-il, sous le contrôle d'un administrateur provisoire, le représentant local du puissant groupe de l'homme d'affaire français Vincent Bolloré. "On a simplement repris le contrôle effectif des sociétés", selon l'avocat de Bolloré, Olivier Baratelli. Accusé par le site internet officiel republicoftogo d'avoir pris la fuite, M. Dupuydauby dément le 29 mai dans une lettre au président Gnassingbé: "Vous avez été témoin de la présence de mon avion au côté du vôtre, sur l'aéroport de Lomé (...) et plus tard sur l'aéroport de Ouagadougou puisque nous sommes partis pour la même destination à un quart d'heure d'intervalle afin d'y rencontrer la même personne". Interrogé sur un mandat d'arrêt international contre lui et son fils, l'homme d'affaire, qui jouit de la double nationalité française et espagnole, dit s'être "mis à la disposition de la justice espagnole et d'Interpol". "Mais personne n'était informé de rien", dit-il encore en accusant un juriste français proche du régime togolais, Charles Debbasch, d'avoir monté une "machination". "M. Charles Debbasch n'a rien à voir dans ce dossier", a rétorqué vendredi le procureur de la république togolaise, Robert Bakaï. "M. Dupuydauby a bel et bien fui au moment où la machine judiciaire allait se mettre en branle", a-t-il ajouté. "Même si c'est David contre Goliath, je suis très déterminé", affirme M. Dupuydauby qui a mis en ligne une lettre de janvier 2005 du ministre de l'équipement de l'époque, l'actuel président, qui lui renouvelait son appui. Vincent Bolloré, un ami personnel du président français Nicolas Sarkozy, et Jacques Dupuydauby, intime du défunt général Eyadéma, ont un temps collaboré mais se livrent depuis plusieurs années une bataille féroce pour le contrôle des ports ouest-africains. En témoigne l'incarcération pendant trois jours en 2006 à Lomé de quatre dirigeants de Bolloré, inculpés de "corruption" de magistrat dans le but d'écarter Progosa. Les démêlés de Progosa avec Bolloré, par avocats interposés, ne se limitent pas au Togo. En 2006, Dupuydauby avait déposé plainte contre X pour "favoritisme et corruption" suite à l'attribution pour 15 ans en 2003 à Bolloré et au géant danois Maersk du terminal conteneurs du port camerounais de Douala. Evincé du Togo où un retour semble des plus difficiles, l'homme d'affaire ne désarme pas, dit détenir des "documents très embêtants" et affirme attendre des "émissaires" du gouvernement togolais en Espagne. Pour l'avocat, cette affaire n'a rien de politique, et Bolloré n'a bénéficié d'aucun appui politique au Togo. "On est dans une pure logique industrielle". - AFP